La forêt amazonienne est-elle vraiment le "poumon de la planète" ?

La forêt amazonienne est-elle vraiment le "poumon de la planète" ?
Par Frances LopezNathan Joubioux
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Non, la forêt amazonienne n'est pas réellement le poumon de la planète. Explications.

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"L’Amazonie absorbe 14% du CO2 mondial". "L’Amazonie produit 20% de notre oxygène". "L’Amazonie est le poumon de la planète". Ces expressions sont souvent employées à tort, par facilité ou par méconnaissance. Des scientifiques ont expliqué à Euronews pourquoi ces préjugés manquent de légitimité scientifique. 

Depuis quelques semaines, la planète entière a les yeux rivés sur l’Amazonie et plus particulièrement le Brésil, qui possède, sur son territoire, 60% de la plus grande forêt du monde. Si, après la saison des pluies, les incendies sont récurrents dans cette région du globe, l’année 2019 a été plus critique que les précédentes. Selon l’Institut national de recherche spatiale (Inpe), le nombre de ces incendies a augmenté de plus de 80% par rapport à la même période en 2018.

A l’instar d’Emmanuel Macron et son tweet du 22 août, de nombreux médias, organisations ou célébrités rappellent que l’Amazonie produit 20% de notre oxygène, et comparent cette forêt au "poumon de la planète".

Mais est-ce vrai ? Les experts affirment que le chiffre est en vérité bien plus bas et que cette façon de penser est trompeuse. "Dire que l’Amazonie produit 20% de notre oxygène est un peu exagéré. C’est plus entre 10 et 12% parce que la photosynthèse générée par les océans contribue également à la production d’oxygène de la planète" explique Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences climatiques et environnementales.

L’Amazonie consomme quasiment tout l’oxygène qu’elle produit

En réalité, l’Amazonie n’est pas une grande source d’oxygène. Les arbres consomment la majeure partie de ce qu’ils produisent via la photosynthèse. Ce processus naturel se produit lorsque les plantes captent et stockent l’énergie solaire, l’utilisant pour convertir le dioxyde de carbone en molécules de sucre, qu’elles utilisent comme nourriture. De cette manière, elles produisent de l’oxygène.

Cependant, la contribution de la forêt amazonienne à l’atmosphère globale est "pratiquement nul", car la nouvelle quantité générée par la photosynthèse équilibre, quasiment, la quantité consommée par les microbes, qui décomposent le matériel végétal mort. C'est ce qu'explique Vincent Dubreuil, professeur de géographie à l’Université de Rennes II : "Le processus de décomposition de la matière organique consomme environ autant d’oxygène qu’il en produit".

Il n’en reste pas moins que la forêt amazonienne est cruciale pour la biodiversité et la régulation du climat sur le continent américain.

Qui sont les principaux responsables de la production d’oxygène ?

Les experts assurent que l’oxygène provient en grande partie des océans, précisément des micro-organismes végétaux, appelés phytoplanctons. La photosynthèse, sur notre planète, est assurée à 50 % par les organismes unicellulaires de la famille des phytoplanctons, en particulier les diatomées et les coccolithophores.

Les diatomées sont le secret de l’oxygène terrestre. Ces organismes utilisent la chlorophylle pour capter l’énergie du soleil et la transformer, via la photosynthèse, en matière organique et en oxygène.

En outre, ils constituent l’une des plus importantes sources mondiales de séquestration du carbone atmosphérique. On estime que l’activité photosynthétique des diatomées produit entre 20 et 40% de l’oxygène de la planète. C’est pourquoi les diatomées et les coccolithophores jouent un rôle important dans le changement climatique.

Reuters / NASA
Une image en couleurs réelles d'une grande prolifération de phytoplancton dans la mer de Norvège, au large de l'IslandeReuters / NASA

Les émissions de CO2, voici la réelle menace venue de la déforestation

Les experts corroborent le fait que la production d’oxygène ne devrait pas être le principal débat lorsque l’on parle des incendies en Amazonie. Le danger et la catastrophe écologique causée par l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère sont les vrais sujets à soulever quand on parle de déforestation.

"La forêt tropicale humide contribue à absorber environ 15% du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère. C’est vraiment fondamental, car s’il n’existait pas, ce dioxyde de carbone resterait dans l’atmosphère et le changement climatique serait plus rapide", explique Jérôme Châve, chercheur au laboratoire d’évolution de la biodiversité de Toulouse.

Les forêts tropicales sont aussi importantes que les océans, car elles peuvent contribuer très rapidement à la mise en œuvre de stratégies de réduction des émissions. Le problème ne se limite pas à la seule Amazonie, mais à la planète entière. Le changement climatique affecte tous les écosystèmes. A l’heure actuelle, peu d’entre eux se sont dégradés aussi rapidement que celui de la forêt amazonienne.

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