Changement climatique : le doute n'est plus possible

Un réservoir d'eau est asséché dans la province de Castellon en Espagne
Un réservoir d'eau est asséché dans la province de Castellon en Espagne Tous droits réservés Reuters
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Par Marie Jamet
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Les preuves s'accumulent ; tous les scientifiques parlent d'une seule voix ; des millions de personnes manifestent pour crier l'urgence aux hommes politiques. A quel point faut-il encore prouver la réalité du changement climatique contre le doute insinué par des incrédules voire des faussaires ?

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Au début de cette année 2019, les Etats-Unis sont touchés par une vague de froid ; le président américain Donald Trump ironise alors dans un tweet sur le changement climatique auquel il dit ne pas croire. Pourquoi il se trompe et surtout induit des millions de gens en erreur.

1 - Le climat n’est pas la météo

A l’image de Donald Trump, les personnes qui nient le changement climatique sur la base “du bon sens” mélange météorologie et climat.

La météorologieétudie les phénomènes affectant la partie la plus basse de l'atmosphère terrestre” (Larousse). Elle étudie les précipitations, les vents, les nuages... et permet de prévoir les événements météorologiques qui se produiront dans un lieu donné dans quelques jours.

Les données sont locales et circonscrites dans un temps court.

C’est plus communément le temps qu’il fait. C’est ce dont on parle autour de la machine à café lorsque l’on n’a rien d’autre à se dire, ce qui nous fait sortir notre parapluie ou nos sandales. Il fait chaud ; il fait froid. Il fait beau ; il fait gris.

Que l’on parle de réchauffement climatique ou de changement climatique, on évoque dans les deux cas un dérèglement global du système climatique.

Météo France, le service météorologique et climatologique public français, explique que ce système climatique comporte cinq composantes principales qui interagissent ensemble : l’atmosphère mais aussi les surfaces continentales (la terre), l’hydrosphère (océans, lacs, nappes souterraines…), la cryosphère (glaciers terrestres, banquises, étendues neigeuses) et la biosphère (tous les êtres vivants).

Leurs interactions, nourries par l'énergie primaire du soleil, expliquent les différences de climat sur la terre. Il existe des variations annuelles connues de ces climats, el Niño par exemple.

Des éléments extérieurs peuvent, par contre, venir contraindre inhabituellement le système climatique, des facteurs naturels comme les variations d’activité solaire ou volcanique ou… des facteurs humains.

Pour déterminer si le système climatique change, les climatologues s’appuient sur des moyennes météorologiques mesurées sur un temps long. Depuis 2015, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) établit les normales climatiques sur des périodes de référence de 10 ans, avec 1981-2010 comme période de référence.
Auparavant, ces normales étaient établies sur 30 ans avec 1961-1990 comme période de référence, maintenue comme période de référence historique.

La raison de ce raccourcissement ? L’accélération du changement climatique. “Dans un monde où le climat évolue rapidement, nous devons procéder plus souvent que par le passé à l’actualisation des normales climatologiques, afin que celles-ci gardent toute leur utilité”, expliquait en 2015 Thomas C. Peterson, président de la Commission de climatologie de l’OMM et directeur de recherche aux Centres nationaux de prévision environnementale (NCEP) relevant de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

Donc, oui, le système climatique varie parfois plusieurs fois dans la vie d’un humain en raison de ses cycles normaux et, oui, le système climatique a déjà profondément été bousculé dans la très longue histoire terrestre.

Mais le consensus scientifique établit que désormais la force motrice dominante du changement en cours est l’activité humaine et la quantité de gaz à effet de serre produite.

Dans son rapport de 2013, le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) s’est penché sur la question des forçages naturels (éruptions volcaniques, activité solaire...) et surtout humains. En se basant sur des simulations des modèles climatiques, qui se sont grandement améliorés depuis 2013, des scientifiques ont notamment comparé les effets sur la température d’un forçage naturel du climat [ligne bleue du graphique ci-dessous] et d'un forçage anthropique (du fait de l’intervention humaine) [ligne jaune] à la réalité déjà constatée [ligne noire]. Les courbes de la température réelle et d'un forçage anthropique concordent.

Météo France
Evolution de la température réelle, par forçage naturel (bleu) et forçage naturel et humain (jaune)Météo France

2 - Le dérèglement climatique est déjà là

Les températures

La hausse des températures est l’indicateur le plus populaire : cité en exemple dans les articles généralistes sur le climat, sujet de conversation autour de la machine à café sur le mode “il fait de plus en plus chaud” ou pour Donald Trump en mode “il fait trop froid pour un réchauffement climatique”.

Mais ce n’est qu’un indicateur parmi d’autres qui montrent tous que le changement climatique est à l’œuvre. Une quinzaine d’autres sont couramment exposés parmi ceux qu’étudient les scientifiques.

Union européenne, Copernicus, Climate Change Service, ECMWF
Anomalies de températures par rapport à la normale de 1981-2010Union européenne, Copernicus, Climate Change Service, ECMWF

Pour les températures seules, on peut observer la température mondiale moyenne, les anomalies de température par rapport à une normale, la température au sol, la température de la basse atmosphère mais aussi la température des océans, la température à la surface des océans, l'énergie thermique des océans c’est-à-dire la chaleur qu’ils absorbent.

Les gaz à effet de serre

La concentration en gaz à effet de serre et notamment le plus connu d’entre eux, le dioxyde de carbone (CO2), est un facteur clé du changement climatique. Or, après des millénaires en dessous d'un certain seuil, la concentration en CO2 est montée en flèche après 1950.

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Nasa
Depuis 800 000, le CO2 n'a jamais dépassé un certain seuil... jusqu'en 1950 où sa concentration monte en flècheNasaCredit: Luthi, D., et al.. 2008; Etheridge, D.M., et al. 2010; Vostok ice core data/J.R. Petit et al.; NOAA Mauna Loa CO2 record

Parmi ces gaz à effet de serre, il en est un autre auquel on pense moins mais qui est aussi sous surveillance : la vapeur d’eau (et les nuages). L'OMM explique :

"Ce sont la vapeur d’eau et les nuages qui contribuent le plus au réchauffement. La quantité de vapeur d’eau atmosphérique est la résultante directe de la quantité de CO2 et des autres gaz à effet de serre persistants, dont les concentrations augmentent.
Il est impossible d’agir directement sur le volume de vapeur d’eau que renferme l’atmosphère, car l’eau est présente partout [...]. La seule façon d’y arriver et de contenir la hausse des températures consiste à limiter la concentration des gaz à effet de serre que nous pouvons vraiment contrôler, à savoir le CO2 et les autres gaz persistants.
"

Le méthane est l'autre grand contributeur au réchauffement climatique car son effet calorique est plus puissant que celui du CO2. Or, la fonte du permafrost relâche du méthane dans l'air et sa concentration augmente de manière toute aussi spectaculaire que le CO2.

La fonte du permafrost est une conséquence du changement climatique. Ce qui induit qu'une conséquence du changement climatique devient une cause aggravante du dérèglement. Les incendies, plus nombreux en raison du changement climatique, sont de même une source grandissante de gaz à effet de serre.

Les eaux

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Le niveau des eaux des océans, leur acidité et taux de salinité sont aussi modifiés et observés en tant qu’indicateurs du changement climatique.

Dans les premiers éléments qui ont été livrés en amont de la publication officielle le 23 septembre prochain du dernier rapport du GIEC portant sur les océans et la cryosphère, la montée des eaux, par exemple, pourrait atteindre entre 43 centimètres à un mètre d’ici la fin du siècle selon les scénarios possibles.

Les glaces

La cryosphère, autrement dit les glaces et la neige, présente aussi des données alarmantes. La diminution voire la disparition des glaciers terrestres fait partie des sujets relativement connus du grand public. En chiffres cela donne, par exemple, un retrait de près de 19 mètres équivalent eau en moyenne des glaciers français entre 2001 et 2013 ou une perte de 12% de la réserve de neige en 2017 par rapport à la normale 1981-2010.

La glace arctique et la région tout entière est un voyant pour le changement climatique : les pôles sont en effet des régulateurs du climat tant au niveau des vents que des courants marins.

La couverture de glace et de neige y est donc observée avec encore plus d’attention que sur les autres continents. Et les nouvelles ne sont pas bonnes.

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Les conséquences du changement climatique sont des réalités observables (ouragans, sécheresses, inondations, disparition de la biodiversité) dont la fréquence et l’intensité grandissante signent l’évolution en marche. S’ils sont mesurés et observés, ils ne font cependant pas partie des indicateurs officiellement reconnus par l’ONU (UNFCC) et l’Union européenne pour les rapports sur l’évolution du climat.

Le GIEC étudie toujours les impacts du changement climatique dans ses rapports d’évaluation mais avait aussi produit un rapport dédié en 2012.

3 - Le changement climatique ne fait plus débat parmi les scientifiques

Le consensus scientifique [voir définition en bas de page] sur le changement climatique et ses origines anthropique est estimé aujourd’hui à 97% voire 99,9%. Il n’y a plus de débat au sein de la communauté scientifique.

Ces chiffres sont issus de plusieurs études, validées par des pairs, ayant pour objet même le consensus scientifique sur le changement climatique.

En 2004, Naomi Oreskes, enseignante-chercheuse en histoire des sciences à l’université américaine Harvard, mène une première étude portant sur 928 publications sur le changement climatique anthropique entre 1993 et 2003. 75% des études reconnaissaient alors le changement climatique, les 25% restantes portaient sur des questions de méthodologie ou des climats passés, ne prenant aucune position sur le changement climatique actuel.

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Ses travaux ont servi de base à deux études menées sur une dizaine de milliers de publications scientifiques par deux universitaires américains.
En 2012, James Powell étudie 13 950 publications scientifiques et n’en trouve que 24 qui ne reconnaissent pas le changement climatique anthropique.
En 2013 et 2016, John Cook étudie près de 12 000 articles scientifiques et interroge les auteurs de ces publications. Il parvient au résultat de 97% d'études concluant à un changement climatique induit par des actions humaines.

Dans un débat suivant cette dernière publication, James Powell en vient même à citer une moyenne de consensus à 99,94% sur une compilation de cinq études portant sur un total de près de 54 000 publications validées par des pairs entre 1991 et 2015.

Le consensus est presque total et de surcroît sa valeur est elle-même corroborée par des études validées par des pairs. Autrement dit, il y a consensus sur le changement climatique anthropique et consensus sur ce consensus.

Pourtant certains résistent encore. Dans un sondage YouGov du 15 septembre, 7% des Français déclarent ne pas croire soit au changement climatique soit à la responsabilité des humains, un chiffre à l’échelle des autres pays interrogés.

Pour James Powell, la méconnaissance par le grand public de la grandeur du consensus scientifique et de la solidité de sa valeur est en cause. John Cook avance l’hypothèse que l’habitude médiatique de présenter les opinions contradictoires a donné trop de poids relatif aux voix qui nient le changement climatique.

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Le doute infusé par des lobbies, pour le compte d’entreprises d’énergies fossiles notamment, y est aussi pour beaucoup, y compris lorsque ces entreprises étudient et reconnaissent pourtant le changement climatique en interne depuis des décennies comme c’est le cas d’Exxonmobil, par exemple.

20-27 septembre : la semaine internationale pour le climat

Manifestations mondiales, sommet des jeunes, sommet de l'ONU, publication du rapport du GIEC : suivez notre couverture spéciale sur cette page.


* Le consensus est un résultat, contrairement au compromis qui est atteint activement. Le consensus ne nécessite pas non plus l’accord de tous. Il peut exister des désaccords. Le cœur de la notion est que l’accord est celui de la majorité. Dans le domaine scientifique, le consensus est central et désigne l’ensemble des opinions partagées par la majorité des chercheurs. En science, les résultats seuls ne suffisent pas à établir un fait, une conclusion. Ils doivent être validés par les pairs : il faut convaincre les autres scientifiques que la conclusion et la méthode pour y arriver sont les bonnes.

Ce consensus n’est donc jamais figé ; il évolue avec les différentes études et recherches effectuées.

En revanche plus le consensus est large et durable, plus l’humanité peut se rapprocher de la réalité des choses.

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