L'Eglise dénonce la "descente aux enfers" d'Haïti après l'enlèvement de religieux dont deux Français

Agnès Bordeau, 80 ans, religieuse originaire de Mayenne et Michel Briand, 60 ans, prêtre originaire d'Île-et-Vilaine, qui vit en Haïti depuis plus de trente ans : ce sont les deux ressortissants français qui figurent parmi le groupe de dix personnes, dont sept religieux catholiques, enlevés dimanche en Haïti.
En plus des deux Français, le groupe comprend également quatre prêtres et une religieuse haïtiens. Trois personnes, membres de la famille d'un prêtre haïtien qui ne fait pas partie des personnes kidnappées, ont également été enlevées.
Les ravisseurs réclament une rançon d'un million d'euros en échange de leur libération.
Le parquet de Paris, compétent pour des crimes commis à l'étranger contre des citoyens français, a ouvert lundi une enquête pour "enlèvement et séquestration en bande organisée", qu'il a confiée à l'Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO).
En Île-et-Vilaine, dans la famille du prêtre, on a du mal à cacher une forme de colère. "C'est incroyable de voir tout ce que mon frère a fait pour ce pays et qu'il tombe dans une telle situation. Nous sommes inquiets et nous nous demandons comment cela va se passer", confie Eugène Briand, frère de Michel Briand.
Insécurité et colère
Une colère partagée par l'Eglise catholique haïtienne, qui a dénoncé lundi l'inaction des autorités, dans ce pays pauvre gangrené par une forte insécurité. Les enlèvements contre rançon se sont multipliés ces derniers mois, signe de l'emprise grandissante des gangs armés.
La police soupçonne d'ailleurs l'un d'entre eux - un gang baptisé "400 Mawozo" - d'être derrière l'enlèvement.
"Il ne se passe pas un jour sans pleurs et grincements de dents et pourtant les soi-disant leaders de ce pays, tout en s'accrochant au pouvoir, sont de plus en plus impuissants", a déclaré la Conférence haïtienne des Religieux .
La Conférence des évêques de France et la Conférence des Religieux et Religieuses de France ont appelé les ravisseurs à "libérer les hommes et les femmes de paix qu'ils ont enlevés et ne pas ajouter encore de la haine là où se trouvent déjà la pauvreté et l'insécurité".
Crise politique
Au contexte sécuritaire, s'ajoute aussi une crise politique. Privé de Parlement, le président Jovenel Moïse gouverne par décrets, et est accusé de s'accrocher au pouvoir. Une bataille fait rage avec ses opposants sur la date de la fin de son mandat. Selon le président, il se termine le 7 février 2022. Selon ses détracteurs, il s'est achevé le 7 février 2021.
Ce désaccord tient au fait que Jovenel Moïse avait été élu à l'issue d'un scrutin annulé pour fraudes, puis réélu un an plus tard. Dans ce contexte instable, le président a décidé d'organiser en juin un référendum constitutionnel, dénoncé comme une mascarade par l'opposition.
Une instabilité politique qui a conduit à des manifestants de ses opposants ces derniers mois et qui peut aussi expliquer les failles en matière d'insécurité