Thomas Sankara, un idéal révolutionnaire et une main de fer

Le capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso, le 29/08/1986
Le capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso, le 29/08/1986 Tous droits réservés ERIC CONGO/AFP or licensors
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Par Olivier Peguy avec AFP, AP
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Ouverture ce lundi à Ouagadougou (Burkina Faso) du procès des auteurs présumés de l'assassinat de Thomas Sankara. 34 ans après sa mort, le souvenir de l'ex-président est toujours vivace. Portrait de ce révolutionnaire qui voulait "décoloniser les mentalités".

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Ouverture ce lundi à Ouagadougou (Burkina Faso) du procès des auteurs présumés de l'assassinat de Thomas Sankara. L'ex-président burkinabè avait été tué le 15 octobre 1987 lors d'un coup d'Etat. 34 ans plus tard, son souvenir est toujours vivace. Portrait de ce révolutionnaire qui voulait "décoloniser les mentalités".

Le 15 octobre 1987, Thomas Sankara se rend à un conseil des ministres extraordinaire, à Ouagadougou, capitale de l'ancienne Haute-Volta, rebaptisée Burkina Faso, "le pays des hommes intègres". C'est durant cette réunion que le leader burkinabè et six membres de son cabinet ainsi que plusieurs gardes sont assassinés par un commando militaire. Thomas Sankara n'avait que 37 ans.

Les circonstance de sa mort et surtout les auteurs de l'assassinat sont longtemps restées mystérieux. Le procès qui s'ouvre ce lundi devrait permettre de faire (définitivement) la lumière sur cet événement.

En tout cas, 34 ans après sa mort, Thomas Sankara jouit toujours d'une grande popularité, liée à la fois à son parcours qu'à ses idées.

Sankara, multi-putschiste

Né le 21 décembre 1949 à Yako (nord), Thomas Sankara, élevé dans une famille chrétienne et dont le père était un ancien combattant, a douze ans au moment de la décolonisation.

Après l'obtention de son baccalauréat à Ouagadougou, il suit une formation militaire à l'étranger, notamment à Madagascar, où il assiste en 1972 à l'insurrection qui renverse le président Philibert Tsiranana, considéré comme inféodé à la France, ex-puissance coloniale.

A son retour en 1973 dans son pays qui s'appelle alors la Haute-Volta, il est affecté à la formation des jeunes recrues et se fait remarquer lors d'un conflit avec le Mali, en 1974-1975.

Après un coup d'Etat en novembre 1980, le nouveau chef de l'Etat, le colonel Saye Zerbo, lui confie le poste de secrétaire d'Etat à l'Information. Ses idées progressistes lui font claquer la porte du gouvernement un an et demi plus tard.

Mais il revient à la faveur d'un autre putsch et est nommé Premier ministre, en janvier 1983. Une sourde lutte pour le pouvoir s'engage alors entre militaires.

D'abord arrêté en mai 1983, il resurgit en août, cette fois pour de bon, à la suite d'un nouveau coup d'Etat mené par son ami intime, le capitaine Blaise Compaoré.

"Le pays des hommes intègres"

Agé de 33 ans, Sankara symbolise l'Afrique de la jeunesse et de l'intégrité. Il rebaptise d'ailleurs son pays Burkina Faso, le "pays des hommes intègres".

D'allure sportive et élancée, souriant et charmeur, le jeune dirigeant est toujours vêtu d'un treillis, portant à la ceinture un pistolet à crosse de nacre offert par le dirigeant nord-coréen Kim Il-Sung.

Vivant modestement avec sa femme et ses deux fils dans un palais présidentiel délabré, il n'a pour tout bien que sa guitare et une Renault 5 d'occasion, petit véhicule qu'il impose comme voiture de fonction à tous les membres de son gouvernement habitués aux luxueuses berlines.

Ses priorités: dégraissage d'une fonction publique "pléthorique", amélioration de la situation sanitaire, désenclavement des campagnes, éducation, promotion de la femme, politique en faveur des paysans.

Cette politique volontariste est menée d'une main de fer. "Il faut décoloniser les mentalités" clame-t-il.

La population est surveillée par les Comités de défense de la révolution (CDR) et sanctionnée par les Tribunaux populaires de la révolution (TPR).

Il brise une grève des instituteurs en les licenciant, l'opposition syndicale et politique est réprimée.

Sankara et les "impérialistes"

Ses relations avec l'ex-puissance coloniale française et plusieurs pays voisins, dont la Côte d'Ivoire de Félix Houphouët Boigny et le Togo de Gnassingbé Eyadéma, sont tendues.

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Ses prises de position, ses liens avec la Libye de Mouammar Kadhafi et le Ghana de Jerry Rawlings, inquiètent.

Au président français François Mitterrand, qui avait accueilli officiellement à Paris le rebelle angolais Jonas Savimbi et le président du régime d'apartheid sud-africain Pieter Botha, il donne une leçon de droits de l'Homme, lors d'une visite à Ouagadougou en 1986. "Il va plus loin qu'il ne faut à mon avis", rétorque Mitterrand.

JEAN-CLAUDE DELMAS/AFP or licensors
Thomas Sankara (g.) avec le président français François Mitterrand, à Vittel (France), le 03/10/1983JEAN-CLAUDE DELMAS/AFP or licensors

Sankara appelle l'Afrique à ne pas payer sa dette aux pays occidentaux, dénonce devant l'ONU les guerres "impérialistes", l'apartheid, la pauvreté, défend le droit des Palestiniens à l'autodétermination.

L'héritage de Sankara

34 ans après sa mort, quel est l'héritage laissé par Sankara ?

"Sankara, c'est toute une philosophie, c'est une manière de penser et d'être, un mode de vie. Sankara c'est une fierté africaine", déclare Serge Ouédraogo, professeur de lycée à Ouaga.

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"Aujourd'hui, on peut dire que Sankara représente une boussole pour le peuple burkinabè. C'est un guide, c'est lui qui a tracé le chemin de l'espoir pour le peuple", estime M. Ouédraogo.

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