Crise de l'énergie : "La solidarité doit jouer dans l'UE" selon Madrid

Nadia Calviño
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Par Efi Koutsokosta
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Dans une interview à euronews, la ministre espagnole Nadia Calviño appelle au sein de l'UE, à une même solidarité face à la crise énergétique que lors de la pandémie, de la part des pays les moins touchés envers ceux où les effets sont les plus forts.

Dans une interview à euronews, la ministre espagnole Nadia Calviño exprime la solidarité de l'Espagne envers les États de l'UE les plus touchés par la crise de l'énergie, rappelant que son pays, au moment où il était durement frappé par la pandémie, avait été bénéficiaire de cette solidarité européenne.

Alors que la crise de l'énergie s'aggrave, les prix du gaz naturel sont aujourd'hui, quatre fois plus élevés que l'hiver dernier et l'inflation atteint un niveau record à deux chiffres. L'Union européenne peine encore à trouver un terrain d'entente. Existe-t-il un moyen de se sortir de cette situation ? Nous en discutons au Luxembourg avec la première vice-présidente du gouvernement espagnol Nadia Calviño.

Efi Koutsokosta, euronews :

"La guerre en Ukraine a eu un impact dramatique sur la situation énergétique en Europe avec un effet de contagion sur nos économies. Quelle est la gravité de la situation?"

Nadia Calviño, première vice-présidente du gouvernement espagnol et ministre espagnole de l'Économie et de la Numérisation :

"Il est évident que nous sommes tous affectés par la guerre qui sévit aux portes de l'Union européenne, aux portes de nos pays, mais aussi par le chantage de Vladimir Poutine sur l'énergie. Mais l'ampleur des répercussions est très différente d'un pays à l'autre. Ainsi, au plan économique, certains pays comme l'Allemagne, les pays baltes et les pays voisins de l'Ukraine sont les plus directement touchés tandis qu'heureusement, d'autres économies comme celle de l'Espagne souffrent moins dans le sens où nous sommes moins dépendants du pétrole et du gaz de la Russie et nous sommes aussi moins impactés par les risques liés à la situation actuelle."

Efi Koutsokosta, euronews :

"Mais s'agissant de la réponse de l'Union européenne à cette crise, nombreux sont ceux qui lui reprochent de ne pas avoir réussi à faire face aux prix élevés du gaz importé. Pensez-vous qu'elle ait échoué à se montrer à la hauteur de la situation ?"

Nadia Calviño :

"J'aurais aimé que nous agissions plus tôt, mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Nous sommes pleinement favorables à ce que la Commission prenne aujourd'hui, des mesures décisives. Nous sommes en faveur des plafonds de prix et des achats groupés et nous prenons également exemple sur le mécanisme ibérique qui met en place un prix maximum du gaz, un plafonnement du prix qui je trouve, se révèle extrêmement efficace pour contenir les prix et limiter ou atténuer les répercussions pour les citoyens et les entreprises."

"Agir en faisant preuve d'unité, de détermination et de solidarité"

Efi Koutsokosta :

"Mais alors que l'Union essaie de trouver une solution à l'échelle de tous ses États membres, le gouvernement allemand a déclaré être prêt à dépenser jusqu'à 200 milliards d'euros pour aider les consommateurs et entreprises nationales face à la hausse des prix de l'énergie. Pensez-vous que cela nuise à une approche véritablement européenne de la crise énergétique ?"

Nadia Calviño :

"Comme nous l'avons fait face à la pandémie, je pense que nous devons agir selon trois principes : l'unité, la détermination et la solidarité. Ces principes se sont avérés être les bons quand nous avons été confrontés à la pandémie qui était un défi mondial et maintenant que nous affrontons un nouveau défi qui dépasse les frontières nationales, je crois que nous devons agir de manière unie et trouver les moyens de répondre à la situation de la manière la plus efficace possible. Cela dit, nous devons tenir compte du fait que les répercussions sont différentes selon les pays. Ce qui montre aussi que nous devons faire preuve d'une souplesse adéquate dans l'application de nos règles pour tenir compte des différences entre les économies et des défis auxquels nous sommes confrontés."

Efi Koutsokosta :

"Comprenez-vous ce que l'Allemagne a fait ? N'êtes-vous pas un peu frustrée parce qu'elle fait cavalier seul dans la gestion de cette crise ?"

Nadia Calviño :

"Je comprends très bien que nous soyons tous confrontés à cette question de savoir comment contenir les prix et comment soutenir nos citoyens et nos entreprises dans chacun de nos pays et la situation de l'Allemagne est très différente de celle de l'Espagne, par exemple. Je vais vous donner quelques chiffres : actuellement, en Espagne, nous avons une très forte croissance. En réalité, les données actuelles nous amènent à revoir à la hausse, nos prévisions de croissance pour cette année, à 4,4 %. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas prendre dans notre pays, des mesures cruciales qui ont des conséquences budgétaires importantes afin de soutenir les citoyens et les entreprises. Donc, nous sommes tous confrontés au même défi : comment continuer à soutenir nos sociétés et minimiser l'impact négatif du chantage à l'énergie tout en veillant à la réduction du déficit et de la dette et ainsi, en préservant la responsabilité budgétaire."

"Un parallèle évident avec la solidarité qui a joué face à la pandémie"

Efi Koutsokosta :

"L'Allemagne agit-elle selon le principe que vous décrivez ? Le principe de solidarité ?"

Nadia Calviño :

"Pendant la pandémie, nous avons vu que l'Allemagne faisait preuve d'une grande solidarité et c'est extrêmement important pour les pays comme l'Espagne qui ont été très directement touchés par la pandémie."

Efi Koutsokosta :

"Fait-elle la même chose dans cette crise de l'énergie ?"

Nadia Calviño :

"Je fais un parallèle évident, une symétrie, dirais-je, dans le sens où nous avons été soutenus par l'Union européenne quand l'économie espagnole était directement touchée par la pandémie et aujourd'hui, nous exprimons également notre forte solidarité avec les pays qui sont le plus directement touchés par ce chantage et par les risques et les défis qui découlent de l'agression contre l'Ukraine."

"Il faut saisir l'opportunité des plans de relance"

Efi Koutsokosta :

"Est-il temps de mettre en place un instrument similaire au mécanisme européen SURE - créé dans le contexte de la pandémie - pour faire face à cette crise ?"

Nadia Calviño :

"Nous devons voir quels instruments nous avons déjà à disposition dans le budget européen, mais aussi tenir compte des plans de relance car ce sont des sources de financement très importantes qui peuvent jouer un rôle, qui ont un impact anticyclique très significatif et qui peuvent nous permettre de réaliser des investissements et de mener des réformes structurelles. Nous devons saisir l'opportunité des plans de relance pour maximiser l'impact potentiel sur la croissance au niveau national, mais surtout sur la croissance au niveau européen."

"Mettre à jour le cadre réglementaire pour pouvoir imposer des plafonds aux prix du gaz"

Efi Koutsokosta :

"Les chiffres qui sont publiés sont très décourageants. Par exemple, l'inflation a atteint un niveau record de 10%. Nous avons vu que les prix de l'énergie ont augmenté de 40,8 % d'une année sur l'autre, suivis par ceux de l'alimentation. Que faut-il faire ?"

Nadia Calviño :

"Nous constatons qu'il s'agit essentiellement d'une inflation importée dans l'Union européenne et elle est due aux prix élevés de l'énergie et d'autres matières premières et à la dépréciation de l'euro, bien sûr. Nous devons donc, dès que possible, mettre un terme à cette inflation importée dans l'Union européenne et la zone euro et essayer de contenir les prix de l'énergie. C'est pour cela que nous soutenons avec force, les propositions de la Commission. Nous allons également réclamer des actions rapides, urgentes en vue de mettre à jour le cadre réglementaire pour pouvoir imposer des plafonds aux prix du gaz ou, en tout cas, modifier la référence au Title Transfer Facility [ndlr : le Title Transfer Facility (TTF) est un marché virtuel basé aux Pays-Bas où fournisseurs et acheteurs s'échangent du gaz, il est considéré comme le point de référence pour suivre et comprendre le marché européen du gaz] qui s'avère être propice à la spéculation et à de fortes augmentations de prix, mais aussi en vue de trouver un cadre approprié pour garantir que le plus rapidement possible, les prix cessent d'augmenter en Europe."

"Prendre les bonnes mesures et garantir l'assainissement budgétaire"

Efi Koutsokosta :

"Enfin, craignez-vous que tous ces défis et incertitudes à venir puissent alimenter le mécontentement social dans l'Union européenne ?"

Nadia Calviño :

"C'est un défi que nous devons constamment avoir à l'esprit, bien sûr. Les citoyens européens, nous tous, nous avons connu des moments très difficiles, un scénario très difficile au cours des trois dernières années où la pandémie nous a frappés. Dans le cas de l'Espagne, nous avons aussi vécu une éruption volcanique entre-temps. Puis, il y a eu la guerre, mais aussi l'inflation et l'augmentation des prix de l'énergie qui touchent tous les citoyens, ménages et entreprises à l'échelle européenne. C'est pour cela que nous devons être extrêmement prudents et responsables en ce moment pour prendre les bonnes mesures afin de soutenir nos citoyens, mais sans perdre de vue la nécessité de garantir l'assainissement budgétaire et la stabilité financière dans la zone euro et dans l'Union dans son ensemble."

Journaliste • Efi Koutsokosta

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