Des experts ont fustigé le projet de texte de la COP30, jugé « honteusement faible », parce qu’il ne mentionne nulle part les énergies fossiles.
Les chances d’établir une feuille de route pour la sortie des combustibles fossiles restent incertaines malgré un soutien qui s’intensifie.
Un nouveau projet de texte sur l’issue des négociations de la COP30 a été publié aujourd’hui (21 novembre), mais toutes les mentions des combustibles fossiles ont été effacées.
Le projet d’accord a suscité de vives critiques de la part d’experts et d’organisations environnementales, qui estiment que le texte « revient quasiment à une page blanche » puisqu’il fait peu pour empêcher les températures mondiales de dépasser 1,5 °C.
Une feuille de route pour en finir avec les combustibles fossiles
Alors que la transition hors de la production de combustibles fossiles ne figurait pas initialement à l’ordre du jour officiel de la COP30, la dynamique politique autour du sujet l’a transformée en sujet de crispation.
Ce que l’on demande réellement aux pays d’approuver n’est même pas une feuille de route de sortie des combustibles fossiles, mais plutôt une « feuille de route vers une feuille de route ». Cela pourrait conduire chaque pays à définir ses propres objectifs, sans mesures spécifiques imposées.
On observe un recul sur la question depuis la COP28 à Dubaï, où près de 200 pays avaient convenu de s’éloigner descombustibles fossilesdans les systèmes énergétiques d’une manière « juste, ordonnée et équitable », afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Plus tôt cette semaine (18 novembre), des ministres de plus de 20 pays ont tenu une conférence de presse pour réclamer qu’un accord final inclue explicitement l’engagement d’élaborer une feuille de route pour la sortie des combustibles fossiles.
Depuis, plus de 80 pays dont le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas – ainsi que des nations en développement comme la Colombie et le Kenya – ont apporté leur soutien à une feuille de route.
Le 19 novembre, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a mis le sujet en avant, estimant que le monde doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
« Nous devons commencer à réfléchir à la manière de vivre sans combustibles fossiles », a-t-il ajouté.
Il a été largement rapporté que le président portera le plan de sortie des combustibles fossiles au sommet du G20 si aucun accord n’est conclu lors du dernier jour des négociations. Ledéclenchement d’un incendie sur un site de la COP30 hier (20 novembre) a également retardé certaines réunions clés.
Avec une clôture du sommet prévue aujourd’hui à 18 h, heure locale, et en l’absence de signe d’un accord final, il semble probable que la COP30 se prolongera au-delà du terme prévu.
Le projet de texte de la COP30 : que dit-il réellement ?
Au sommet climatique de l’ONU, les projets d’accords sont généralement remaniés à de nombreuses reprises avant d’aboutir à un accord final, car il faut l’approbation de près de 200 pays présents aux négociations pour qu’ils soient adoptés.
Trois voies possibles pour parvenir à un accord sur la sortie des combustibles fossiles figuraient dans une version précédente du projet d’accord. Elles ont désormais été écartées à la suite de l’opposition de pays producteurs de pétrole.
La nouvelle proposition de la Présidence appelle à reconnaître la nécessité d’une « réponse efficace et progressive à la menace urgente du changement climatique ».
Elle met en avant le lien intrinsèque entre les efforts visant à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C et propose une trajectoire vers « de faibles émissions de gaz à effet de serre et un développement résilient au climat », mais sans établir de lien avec les combustibles fossiles.
Le projet de texte reconnaît aussi les obstacles auxquels les pays en développement se heurtent pour passer à des politiques climatiques plus propres. Il cite des contraintes financières et techniques, ainsi qu’une capacité institutionnelle limitée.
Le projet mentionne également les appels à tripler, d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2025, les financements destinés à aider les pays à s’adapter au changement climatique.
Un texte « honteusement faible »
Il est largement rapporté que des nations riches en hydrocarbures comme l’Arabie saoudite ont été les principaux obstacles à l’établissement d’une feuille de route pour la sortie des combustibles fossiles.
Ce texte jugé « faible » a déjà poussé des dizaines de pays à signer une lettre préventive estimant qu’il est inacceptable de ne pas aborder l’importance de la transition hors des combustibles fossiles.
Bronwen Tucker, d’Oil Change International, estime que, malgré le grand nombre de pays soutenant la démarche, les pays riches « refusent toujours de fournir des financements publics sans dette, à des conditions équitables », pourtant essentiels pour sortir des combustibles fossiles.
« Nous sommes venus ici pour obtenir un ensemble de mesures à la COP30 en faveur de la justice et de l’équité », déclare un porte-parole de l’organisation.
« La Présidence a présenté un texte honteusement faible, qui ne mentionne pas les combustibles fossiles, n’instaure aucune redevabilité quant aux obligations financières des pays riches et ne formule que des promesses vagues sur l’adaptation. »
Bruce Douglas, directeur général de la Global Renewables Alliance (GRA), estime que les pays « rateront une occasion immanquable » s’ils n’arrivent pas à s’accorder sur une feuille de route pour la transition hors des combustibles fossiles à la COP30.
« Nous faisons écho aux appels de plus de 80 pays signataires de la Déclaration de Belém : le monde a urgemment besoin d’une feuille de route pragmatique qui garantisse une transition rapide, juste et maîtrisée. »
« La sortie des combustibles fossiles a déjà du sens sur le plan économique, le secteur privé montrant la voie. Les investissements dans les renouvelables devancent ceux dans les fossiles dans un ratio de deux pour un », ajoute-t-il.
« Nous avons désormais besoin que les gouvernements harmonisent politiques et financements, inscrivent des objectifs de renouvelables dans les plans nationaux et libèrent le secteur privé pour investir et assurer une croissance propre. »