Les différentes crises peuvent-elles changer le ton des prochaines élections européennes ?

Les prochaines élections européennes auront lieu en 2024
Les prochaines élections européennes auront lieu en 2024 Tous droits réservés AP Photo/Bob Edme
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Par Lauren Chadwick
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L'Union européenne est confrontée depuis 2019 à de multiples crises. Cette situation imposera-t-elle l’UE et ses institutions dans les débats des prochaines élections européennes en 2024 ?

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À un an des élections européennes, les partis politiques européens commencent déjà à préparer leurs programmes.

Mais beaucoup de choses ont changé au cours des quatre années qui se sont écoulées, depuis les dernières élections européennes. Les institutions de l'Union occupent de plus en plus le devant de la scène depuis la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine.

"Les politiques nationales ont toujours la priorité sur les politiques européennes", prévient Camino Mortera-Martinez, responsable du bureau bruxellois du Centre for European Reform. Mais elle espère que la réaction de l'UE aux crises de ces dernières années pourrait permettre de "parler davantage de l'Europe" au cours de la prochaine campagne.

Bien que les eurodéputés aient fait pression en faveur de règles électorales communes et de listes de candidats transnationales, la question n'a pas été abordée par le Conseil européen et il est peu probable qu'il y ait de grands changements avant 2024 qui contribueraient à donner une identité plus européenne au scrutin.

Les dernières données de l'Eurobaromètre, publiées le 6 juin, montrent en effet que la sensibilisation aux élections européennes et l'intérêt qu'elles suscitent ont augmenté par rapport à 2018.

En 2019, le taux de participation avait augmenté de 8 points, mais il ne représentait qu'un peu plus de la moitié de l'électorat.

"Les campagnes électorales se dérouleront principalement dans le contexte national de chaque État membre", explique Johannes Greubel, analyste politique au European Policy Centre. "Mais je pense qu'un certain nombre de questions clés seront observées dans l'ensemble de l'UE".

Voici un aperçu des sujets européens qui pourraient animer les discussions avant les élections du 6 au 9 juin 2024.

Influence de la guerre en Ukraine sur les élections européennes

L'invasion de l'Ukraine par la Russie l'année dernière a suscité une réaction rapide de l'Union européenne. Elle soutient financièrement Kyiv et impose de nombreuses sanctions contre Moscou.

La guerre, en plus des difficultés provoquées par la pandémie de Covid-19, a entraîné une crise énergétique l'hiver dernier puisque la Russie a réduit ses exportations de gaz vers l'Union européenne.

Le conflit a également accéléré la demande d'adhésion de l'Ukraine à l'UE. Le pays est devenu officiellement candidat.

Olivier Matthys/Copyright 2022 The Associated Press. All rights reserved.
Des manifestants brandissent des pancartes et des drapeaux européens et ukrainiens lors d'une manifestation de soutien à l'Ukraine en marge d'un sommet de l'UE à BruxellesOlivier Matthys/Copyright 2022 The Associated Press. All rights reserved.

"Ce qui sera intéressant, c'est de voir comment les différents dirigeants politiques vont s'engager dans ces crises de l'année dernière. Par exemple, si vous regardez les dirigeants en place qui pourraient se présenter aux élections, je pense que beaucoup d'entre eux utiliseront le rôle qu'ils ont joué pendant la crise", estime Johannes Greubel.

"Par exemple, si Mme von der Leyen décide de se présenter, je pense qu'elle sera en mesure de se présenter ou de se dépeindre comme un leader, une forte personnalité tout au long de ces crises passées, qu'il s'agisse du Covid-19 ou de la guerre en Ukraine".

Camino Mortera-Martinez souligne que de nombreux partis politiques européens ne sont pas d'accord sur le soutien de l'Union à l'Ukraine, et que d'autres questions reviendront sur le devant de la scène, comme l'énergie, l'élargissement et la défense.

"Je pense que la question de la défense et de la manière de défendre l'Europe occupera une place prépondérante dans la campagne", estime-t-elle.

"Mais cela ne changera pas nécessairement beaucoup parce que la plupart des partis traditionnels ont en quelque sorte la même opinion, que l'Europe devrait s'investir davantage dans la défense".

Péter Krekó, directeur du groupe de réflexion Political Capital, basé à Budapest, juge que les principaux partis politiques européens devraient bénéficier d'une plus grande confiance dans l'Union européenne au milieu de la guerre.

"Nous avons des raisons d'être prudemment optimistes quant à la situation de l'Union européenne et de l'opinion publique de l'Union européenne, car la plupart des sondages [...] indiquent que la confiance au sein de l'Union européenne est plutôt en hausse", explique-t-il.

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Le changement climatique devrait rester incontournable

Selon les analystes, le changement climatique devrait à nouveau occuper une place importante dans les discussions.

L'UE s'est récemment mis d'accord sur une grande partie de son paquet "Fit for 55", mais il y aura encore beaucoup de travail pour aligner l'Union sur les objectifs fixés par le texte à savoir réduire d'ici 2030 les émissions de l'UE d'au moins 55 %.

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Un champ d'éoliennes off shore en AllemagneAP Photo

Pour l’eurodéputé écologiste Ville Niinistö, il est important pour son parti de se concentrer sur des solutions vertes pour l'économie, l'emploi et l'industrie pendant les élections.

"Ce qui est intéressant, c'est que nous avons de plus en plus d'entreprises de notre côté, donc nous pouvons également avoir une discussion avec les partis de droite modérée du PPE (Parti populaire européen) pour savoir s'ils sont en train de perdre l'avantage sur l'orientation des entreprises parce que les entreprises se tournent vers les solutions vertes", analyse Ville Niinistö.

Selon l'Agence européenne pour l'environnement, la part des énergies renouvelables dans l'UE était de 22,2 % en 2021 et n'a connu qu'une croissance modeste par rapport à 2020.

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"Atteindre le nouvel objectif de 40 % récemment proposé nécessiterait une transformation profonde du système énergétique européen", soulignait l'agence en octobre de l'année dernière.

La migration sera-t-elle un sujet clé discuté ?

Un fonctionnaire du PPE analyse qu'en plus de la guerre en Ukraine et de la transition verte, la politique migratoire devrait demeurer un sujet important de la campagne électorale.

Le parti a récemment déclaré que la construction de clôtures aux frontières extérieures "devrait être éligible au financement de l'UE", plusieurs Etats de l'UE en ont fait la demande.

"Nous avons besoin d'un système qui nous donne les instruments pour nous opposer au comportement méprisable de pays comme la Turquie et la Biélorussie qui instrumentalisent la migration et utilisent les gens pour leurs propres jeux politiques", expliquait en février dans un communiqué l’eurodéputé Jeroen Lenaers (PPE).

Jusqu'à présent, la Commission européenne a déclaré qu'elle ne financerait pas les barbelés ou les murs.

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La migration à travers la Méditerranée est à nouveau au centre des attentions. La Première ministre italienne Giorgia Meloni a adopté une ligne dure sur l'immigration depuis son élection l'année dernière.

En Méditerranée centrale, le premier trimestre 2023 a été le plus meurtrier depuis six ans.

Le Parlement européen a approuvé le mois dernier trois propositions sur l'immigration qui pourraient contribuer à la conclusion d'un accord sur la question.

Camino Mortera-Martinez estime que les pays de l'UE essaieront probablement de parvenir à un accord sur la migration avant les élections afin que le sujet ne domine pas la campagne.

Péter Krekó, quant à lui, estime que le sujet restera important lors des élections de l'année prochaine. Le président du Parti populaire européen, Manfred Weber, a donné le coup d'envoi d'une "politique plus dure du PPE en matière d'immigration".

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Le scandale du Parlement européen pourrait-il influencer les élections européennes ?

Le récent scandale de corruption au sein du Parlement européen pourrait ne plus être un sujet d'actualité dans un an, mais son influence sur les règles du Parlement sera importante à aborder lors des élections, selon certains.

"Les députés doivent montrer dans leur travail interne qu'ils sont très stricts pour s'assurer qu'il n'y a pas de place pour la corruption et les pratiques corrompues. Tout doit donc être plus transparent. Il doit y avoir plus de contrôle éthique au sein du Parlement, et c'est encore un travail en cours. Cela doit donc être terminé avant les élections", prévient Ville Niinistö, du groupe des Verts.

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L'eurodéputée Eva Kaili fait partie des personnes poursuivies dans le cadre du scandale de corruption au Parlement européenAP Photo

Depuis les premières arrestations à la fin de l'année 2022, les personnes impliquées dans le scandale de corruption du Parlement ont été libérées.

La présence du scandale en tant que sujet de discussion pendant les élections dépendra de l'existence de rebondissements et du fait que le Parlement continue à apporter des changements aux règles d'éthique, selon les analystes.

"Si ce scandale n'est pas traité correctement, et même s'il l'est, je pense qu'il y a de fortes chances que les partis populistes utilisent ce scandale pour promouvoir leurs politiques et leurs opinions eurosceptiques", analyse Johannes Greubel.

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Les dernières données de l'Eurobaromètre n'ont pas montré de changement dans la perception qu'ont les citoyens de l'UE de l'image et du rôle du Parlement européen à la suite du scandale de corruption.

Règles budgétaire et intégration européenne

Les règles budgétaire de l'UE et la poursuite de son intégration dans les domaines de la défense et de la santé sont d'autres sujets qui pourraient être débattus l'année prochaine. Mais il faudra attendre un certain temps avant de voir si ces questions inciteront les électeurs européens des différents États membres à se rendre aux urnes.

Pour Péter Krekó, ce sont les grands partis européens qui seront probablement considérés comme les plus compétents pour gérer une inflation élevée.

"Lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes économiques, cela peut varier d'un pays à l'autre, mais ce n'est pas typiquement la zone de confort des partis d'extrême droite, qui exploitent généralement des questions liées à l'identité", juge-t-il.

"Je ne pense pas qu'en matière de sécurité énergétique (ou) de résolution des problèmes économiques, l'extrême droite en général soit considérée comme très compétente", estime Péter Krekó.

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L'inflation reste élevée dans la zone euro, mais elle a diminué au cours des derniers mois et certains économistes jugent que les perspectives sont optimistes.

La moitié des personnes interrogées dans le cadre de la dernière enquête Eurobaromètre considèrent que leur niveau de vie a été réduit, de sorte que l'inflation et le coût de la vie pèseront probablement sur l'esprit des électeurs.

Mais Péter Krekó souligne que beaucoup de choses peuvent changer d'ici les élections.

"Il reste (environ) un an, donc comme nous ne nous attendions pas à la guerre (en Ukraine), comme nous ne nous attendions pas au Covid, il pourrait y avoir des développements inattendus au cours de l'année prochaine", prévient-il.

Camino Mortera-Martinez serait surprise si les politiques de l'Union européenne étaient davantage discutées que les intérêts nationaux, mais qu'il était difficile de le prédire étant donné l'ampleur des changements possibles.

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"Les politiques nationales ont toujours été très, très importantes lorsqu'il s'agit des élections européennes", ajoute-t-elle.

"Mais cette fois-ci, en raison de l'importance de l'Union européenne à certains égards, j'espère qu'il y aura un peu d'Europe (mais) tout dépendra de ce qui se passera avec la volatilité dans les États membres".

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