Les historiens ne s'accordent pas sur la signification du geste de Musk, qui rappelle la salutation utilisée par les fascistes du XXe siècle et leurs partisans d'aujourd'hui.
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Le milliardaire de la technologie Elon Musk a suscité de nombreuses spéculations après avoir fait deux gestes rapides lors du rassemblement d'investiture de M. Trump, qui ont été comparés à un salut "nazi" ou romain.
M. Musk, qui dirigera le nouveau département de l'efficacité gouvernementale créé par M. Trump, a salué ses partisans en se frappant la poitrine avant de tendre avec emphase son bras droit vers l'avant, paume vers le bas. Le geste a été répété deux fois.
Si beaucoup ont dénoncé le geste de M. Musk comme une évocation hostile du fascisme du XXe siècle, d'autres l'ont qualifié d'acte émotionnel spontané sans réelle signification politique.
Euronews s'est entretenue avec deux historiens de renom qui ont rejeté l'idée que Musk imitait intentionnellement le salut romain et le salut nazi.
Nous faisons le point sur ce que nous savons de l'histoire de ces saluts et de leur pertinence dans la politique actuelle.
Que sont les saluts romain et nazi ?
Le salut romain est un geste historique qui consiste à tendre le bras droit vers le haut, la paume tournée vers le bas et les doigts joints.
Il a été adopté comme salutation par le régime fasciste de Benito Mussolini, qui en a imposé l'usage par un décret royal de 1925. Aucune preuve substantielle ne vient étayer les affirmations de Mussolini et de son entourage selon lesquelles le salut serait originaire de la Rome antique.
Le salut a ensuite été adopté par l'Allemagne nazie comme signe d'allégeance à Adolf Hitler.
Le serment d'allégeance des États-Unis, dans lequel les Américains jurent fidélité à leur drapeau, était à l'origine accompagné du "salut de Bellamy", qui ressemblait étrangement à ce qui fut plus tard associé au fascisme.
Le salut Bellamy a été supprimé par le Congrès américain en 1942 et remplacé par le geste de la main sur le cœur, par crainte qu'il ne soit confondu avec les saluts romain ou nazi.
Comment est-il utilisé aujourd'hui ?
Aujourd'hui, le salut reste l'un des symboles les plus reconnaissables de l'idéologie nazie et son utilisation est illégale dans un grand nombre de pays européens, dont l'Allemagne, l'Autriche, la République tchèque et la Slovaquie.
Il a également été adopté par des groupes néofascistes modernes.
En janvier de l'année dernière, une vidéo a montré des centaines de militants néofascistes faisant le salut lors d'un rassemblement organisé à l'occasion de la mort de trois militants d'extrême droite.
La plus haute juridiction italienne a alors jugé que le salut n'était pas un délit, sauf s'il mettait en danger l'ordre public ou risquait de raviver les partis fascistes.
Comment les historiens et les experts de la haine en ligne interprètent-ils le geste de M. Musk ?
L'historien Richard Evans a déclaré à Euronews que le geste de M. Musk ne pouvait pas être interprété comme un geste nazi, car son regard suit sa main au lieu de regarder droit devant lui.
Il a également souligné que Trump "n'est pas un fasciste" car il ne partage pas le désir fasciste de "militariser la société" et de prendre le contrôle de pays "au-delà de leur arrière-cour."
"Cependant, cela dit, le danger pour la démocratie est évident. Et c'est le danger pour la vérité, la justice et l'équité", a ajouté M. Evans.
S'adressant à Euronews, Roger Griffin, professeur émérite d'histoire moderne et expert en études fascistes, a décrit les actions de Musk comme "une zone grise entre un geste délibérément glorifiant et un geste spontané".
"Il s'agit d'une manifestation masculine de célébration avec des fondements idéologiques", a ajouté M. Griffin. "Cela ne fait pas de Musk un fasciste politique, mais montre néanmoins comment il souscrit aux idéologies mégalomanes de Trump."
M. Griffin a expliqué que ni Musk ni Trump ne peuvent être associés au fascisme, bien que plusieurs aspects de leur politique et de leur gouvernance "cochent les cases" de l'idéologie fasciste, comme la xénophobie et la volonté de bafouer l'État de droit.
"Il est erroné de considérer Trump ou Musk comme des fascistes, car le fascisme est une idéologie politique élaborée visant à créer un nouvel ordre mondial. Pourtant, ils mettent tous deux le turbo sur la véritable menace qui pèse sur la démocratie, à savoir la dé-libéralisation et la déshumanisation de la démocratie", a-t-il expliqué.
Jared Hold, chercheur principal à l'Institut pour le dialogue stratégique, a déclaré à l'AP qu'il était "sceptique" quant au fait que Musk ait agi intentionnellement, car un tel acte "d'auto-sabotage n'aurait pas vraiment de sens".
D'autres pensent que Musk a fait son geste intentionnellement. Ruth Ben-Ghiat, professeur d'histoire à l'université de New York, a écrit qu'"il s'agissait d'un salut nazi, très belliqueux de surcroît".
Le rejet des connotations nazies du geste par les alliés de Musk et d'autres groupes, dont l'Anti-Defamation League (ADL), un organisme à but non lucratif fondé dans le but de lutter contre l'antisémitisme, ont également été accueillis avec incrédulité.
La représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez a répondu à un post dans lequel l'ADL rejette ce sens des gestes de Musk, accusant l'organisation de "défendre un salut Heil Hitler qui a été exécuté et répété pour l'emphase et la clarté."
Cela pourrait-il alimenter les groupes fascistes ?
Qu'il soit intentionnel ou non, le geste de Musk a revigoré les groupes néonazis du monde entier.
Le groupe suprématiste blanc White Lives Matter a réagi sur Telegram avec le message suivant : "Merci de nous avoir (parfois) entendus, Elon. La flamme blanche se lèvera à nouveau".
Le chef du groupe néonazi américain Blood Tribe a déclaré : "Je me fiche de savoir si c'était une erreur. Je vais m'amuser à pleurer sur ce sujet".
"Des choses incroyables se produisent déjà", a écrit Andrew Torba, fondateur de Gab, un média social connu pour sa base d'utilisateurs d'extrême droite et de suprémacistes blancs, sur une photo du salut de Musk.
Evan Kilgore, négationniste et commentateur d'extrême droite, a écrit sur X : "Elon Musk vient-il de saluer Hitler ? Nous sommes de retour".
Evan Kilgore a travaillé pour un groupe d'activistes conservateurs appelé Turning Point USA, qui a organisé dimanche un bal de pré-inauguration auquel ont assisté le fils de Donald Trump, Donald Trump Jr, et le vice-président JD Vance.
Le professeur Roger Griffin a déclaré à Euronews que si la vision de Trump d'une "démocratie illibérale" ne doit pas être confondue avec le fascisme, il y a des signes clairs que lui et son entourage normalisent la radicalisation de l'extrême droite.
Mercredi, le président Trump a défendu sa décision de gracier les condamnés pour avoir agressé des policiers lors des attentats de janvier 2021 au Capitole, et a refusé de renoncer à donner aux groupes extrémistes tels que les Proud Boys et les Oath keepers une place dans la politique américaine.
Les membres de ces deux milices d'extrême droite faisaient partie des émeutiers emprisonnés pour leur rôle dans les attentats, et ont été libérés cette semaine après que M. Trump a signé un décret leur accordant la clémence.