L'accord conclu dimanche entre Bruxelles et Washington - qui prévoit des droits de douane de 15 % sur les exportations de l'UE aux États-Unis, contre 10 % auparavant - a suscité un véritable tollé parmi les responsables politiques français de tous bords.
L'Union européenne et les États-Unis ont annoncé dimanche la signature d'un accord qui fixe les droits de douane américains à 15 % sur les exportations européennes, à quelques jours de la date butoir du 1er août imposée par Donald Trump.
Si le président américain salue "le plus grand accord jamais conclu", le texte a reçu un accueil nettement plus froid en France, parmi les forces d'opposition tout comme aux plus hauts niveaux de l'État.
Le gouvernement français vent debout contre l'accord
Le chef du gouvernement, François Bayrou, n'a pas mâché ses mots lundi matin, dénonçant "un jour sombre" et déplorant qu'une "alliance de peuples libres" se résolve "à la soumission" vis-à-vis des États-Unis.
De son côté, le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, salue "une stabilité temporaire aux acteurs économiques menacés par l'escalade douanière américaine" - tels que l'aéronautique, les médicaments et les spiritueux, exemptés par l'accord - mais estime que l'accord est "déséquilibré".
"Le libre-échange […] est aujourd'hui rejeté par les États-Unis, qui font le choix de la coercition économique et du mépris complet des règles de l'OMC", affirme le ministre. "Soyons lucides : l’état de fait n’est pas satisfaisant et ne peut pas être durable".
Un constat partagé par Laurent Saint-Martin, le ministre délégué au Commerce extérieur, qui appelle à un "rééquilibrage".
"Moi, je ne veux pas qu’on s’arrête à ce qui s’est passé [dimanche]. Ce serait effectivement assumer que l’Europe n’est pas une puissance économique", déclare-t-il. "Est-ce que la construction européenne, est-ce que l’Union européenne est une force ? Si on veut que la réponse soit oui, alors la messe ne doit pas être dite".
L'opposition française dénonce un "fiasco politique" et "une honte"
L'accord a également été fustigé par les principales forces politiques françaises, à droite comme à gauche.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, déplore ainsi un "accord de la honte", estimant qu'"Ursula von der Leyen a accepté [dimanche] la reddition commerciale de l’Europe, au détriment de nos exportateurs, agriculteurs et industriels".
La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, évoque quant à elle "un fiasco politique, économique et moral", affirmant que les Vingt-Sept ont "obtenu de moins bonnes conditions que le Royaume-Uni".
La condamnation est également sans équivoque parmi les forces de gauche.
Le fondateur de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, déplore un coup porté au "libéralisme" et à "la concurrence libre et non faussée", et estime que "tout a été cédé à Trump avec le droit de changer les règles du jeu établies en 75 ans de relations bilatérales".
L'accord signé dimanche est "une honte", selon le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, qui affirme également que l'UE se soumet aux conditions de Donal Trump et "démontre qu'une fois encore les Européens privilégient leurs intérêts nationaux à tout logique européenne".
Quant à Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique, il affirme que "ce deal perdant avec Trump est le produit d’une faiblesse politique et morale désespérante".
Un compromis négocié dans la douleur
En vertu de l’accord finalisé dimanche lors d'une rencontre entre Donald Trump et Ursula von der Leyen en Écosse, la majorité des exportations européennes vers les États-Unis seront désormais soumises à un droit de douane de 15 %.
Ce taux est légèrement inférieur à ceux négociés récemment par d’autres pays avec la Maison Blanche, notamment l’Indonésie et les Philippines (19 % chacun), et équivaut à celui accordé au Japon (15 %), un allié du G7.
"C’est un grand accord. Une affaire énorme", s'est félicitée la présidente de la Commission européenne, affirmant qu'il "apportera de la stabilité et de la prévisibilité [...] pour les entreprises des deux côtés de l'Atlantique".
Donald Trump a par ailleurs annoncé que l'Union européenne s'est engagée à 750 milliards de dollars d'achats d'énergie et à 600 milliards d'investissements supplémentaires aux États-Unis.
L'accord est cependant bien loin des ambitions initiales de Bruxelles, qui avait mis sur la table une proposition"zéro pour zéro" et annoncé qu'elle n'excluait pas de mettre en place des mesures coercitives face à Washington.
Face à l’escalade des tensions, la Commission européenne avait ainsi préparé plusieurs listes de mesures de rétorsion contre des produits américains, pour un montant total de 93 milliards d’euros.
Mais Bruxelles n’a jamais mis ces menaces à exécution, en raison de divisions profondes entre États membres : certains, comme la France et l’Espagne, plaidaient pour une démonstration de force, tandis que d’autres, dont l’Allemagne et l’Italie, poussaient pour un compromis rapide.