"Nous voulons trouver une solution gagnant-gagnant avec l'Europe comme avec la Chine"

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Par Euronews
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Nombreux sont les experts qui pensent que le 21ème siècle sera celui de l’Afrique . Le continent africain n’a pas trop mal traversé la période de récession mondiale. Ceci dit, la croissance économique africaine va ralentir de 4,9% en 2010 à 3,7% cette année selon un rapport publié par l’OCDE, la Banque africaine de développement et l’ONU. Le développement africain sera affecté par les évènements politiques en Afrique du nord et la flambée des prix alimentaires et du pétrole.

Nous avons rencontré le Président de la Banque africaine de développement Donald Kaberuka . Le rwandais nous a expliqué comment l’institution qu’il préside accompagne les économies africaines dans leur développement. Donald Kaberuka ne ménage pas ses efforts : le chemin à parcourir dans ce domaine est immense et semé d’embuches.

Annibale Fracasso, euronews:

“Les efforts de la banque africaine de développement pour pousser l’Afrique de la crise économique vers la reprise sont compromis par des facteurs comme la hausse des prix du pétrole et des produits alimentaires. Comment la Banque africaine de développement peut-elle en réduire les effets ?

Donald Kaberuka, Président de la banque africaine de développement:

Vous avez raison, l’augmentation des prix des produits alimentaires crée un nouveau point de vulnérabilité. Mais nous avons bâti une protection suffisamment puissante pour que nous soyons capables de résister au choc. J’espère que la situation mondiale restera favorable et je pense que nous allons continuer à progresser.

euronews:

Le siège de la Banque africaine de développement est à Tunis où a débuté la révolution du jasmin. Quel impact ces révolutions arabes vont-elles avoir sur l’Afrique selon vous ?

Donald Kaberuka:

Premièrement un effet positif dans le sens qu’on doit s’occuper des problèmes de gouvernance. Parce que si on ne le fait pas, on ne peut pas avoir de rebond économique durable. Deuxièmement, si vous prenez l’Afrique dans son ensemble, y compris l’Afrique du nord, les révolutions nous ont coûté 2% de Produit intérieur brut. Disons qu’en prenant l’Afrique moins l’Afrique du nord vous avez taux de croissance de 6%. Mais si vous incluez l’Afrique du nord, le taux de croissance n’est plus que de 4% environ. Je pense que c’est un phénomène temporaire, une perte temporaire de production qui est la conséquence des révolutions et je reste confiant dans notre capacité à dépasser ce problème à court terme.

euronews:

Mouammar Gadhafi s’est toujours présenté comme l’homme qui permet à l’Afrique de jouer un rôle de premier plan dans le monde. Quand il est devenu Président de l’Union africaine, il a beaucoup dépensé pour le développement économique de l’Afrique. Maintenant il fait tirer sur son propre peuple. Quelle leçon les leaders africains doivent-ils retirer de cela ?

Donald Kaberuka:

Je ne sais pas si Mouammar Gadhafi parlait au nom de l’Afrique. Lui seul disait cela et je ne suis pas sûr qu’il ait dépensé beaucoup d’argent pour le développement africain. Je pense que cette histoire a été grossièrement exagérée. Non, je pense que l’important c’est d’arriver à une solution rapidement pour la Libye. Parce que le peuple libyen mérite qu’on fasse cet effort. Il est juste de dire que dès que cette solution sera trouvée, le peuple libyen pourra reconstruire son pays, c’est le plus important. Maintenant quelles sont les leçons à tirer pour les leaders africains ? Vous pouvez voir maintenant que dans le monde d’internet et de Twitter, les gens peuvent savoir instantanément ce qui se passe dans tous les coins du monde. Dans ces conditions, maintenir un régime disposant des pleins pouvoirs est de plus en plus difficile.

euronews:

Les leaders du G8 se sont engagés à soutenir à hauteur de 20 milliards de dollars la mise en place de réformes démocratiques en Tunisie et en Egypte. Une bonne partie de cette somme aura un caractère incitatif et servira à réduire la dette de ces pays. Ne faut-il pas une aide plus directe pour soutenir les démocraties ?

Donald Kaberuka:

Nous devons regarder ça comme une combinaison de choses qui doivent être faites pour l’Afrique du nord. Les nord-africains ne cherchent pas une aide permanente. Ils cherchent des opportunités de crédit, un soutien pour leur secteur privé, une aide pour la dette et bien sur pour leurs budgets : c’est ce que nous faisons actuellement. Donc ma lecture du résultat de ce sommet du G8 est une combinaison de tous ces instruments. Pour moi l’important c’est qu’on travaille tous ensemble, derrière l’ambition commune de soutenir la transition en Afrique du nord. C’est bon pour l’Afrique, c’est bon pour le monde arabe et bon pour le nord et le sud de la Méditerranée

euronews:

Barak Obama, le Président américain voudrait lancer un plan Marshall pour l’Afrique. A l’avenir, quel rôle auront les Etats Unis dans le financement des programmes pour l’Afrique ?

Donald Kaberuka:

Les USA sont un de nos partenaires majeurs en Afrique. Ce pays est le plus important actionnaire non africain de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et de beaucoup d’autres institutions. Bien sûr, nous n’ignorons pas les défis auxquels doivent faire face les économies des Etats Unis et des pays de la zone euro.

euronews:

Quel est le rôle de la Chine en Afrique ?

Donald Kaberuka:

L’investissement chinois en Afrique est très positif. Mais encore une fois comme je l’ai déjà dit, les partenaires traditionnels représentent plus de 70% du commerce avec l’Afrique et plus de 80% des aides. Donc le partenariat que nous recherchons est un partenariat avec nos amis traditionnels, un partenariat avec nos amis des pays émergents, mais aussi un partenariat en Afrique elle-même. Et le bon fonctionnement de ces trois partenariats : c’est ce que nous voulons encourager.

euronews:

Ne pensez-vous pas que le temps est venu d’une nouvelle stratégie africaine en direction de l’Union européenne ?

Donald Kaberuka:

Quand j’étais à Lisbonne pour le sommet Union européenne/Afrique, je me rappelle que le résultat était vraiment satisfaisant. Mais en tant qu’africain, ce qui m’intéresse c’est une nouvelle dynamique dans notre relation avec l’Europe. L’Afrique est le plus proche voisin de l’Europe et les deux ont ensemble une longue histoire mais nous aimerions un changement dans cette relation : pour trouver comment arriver à une situation gagnant-gagnant comme avec la Chine et d’autres. Comment arriver à ce que les entreprises européennes regardent l’Afrique comme une opportunité ? Comment peut-on travailler ensemble pour libérer le potentiel de ce continent ? Ce serait très bon pour l’Europe, particulièrement en ce moment. Pensez simplement à l’effet qu’aurait sur le Portugal, l’Espagne et l’Italie et sur les pays méditerranéens la présence au sud de la Méditerranée d’une zone prospère.

euronews:

Mais avant de s’engager dans des programmes de développement, l’Union européenne veut des réformes politiques en Afrique.

Donald Kaberuka:

Ce n’est pas aux européens de faire des réformes politiques en Afrique comme ce n’est pas aux africains de le faire en Europe. Mais il y a des pays européens qui pourraient avoir besoin de réformes politiques. Ce que je veux dire c’est que les africains eux-mêmes veulent ces réformes. La révolution tunisienne n’est pas arrivée parce que les européens l’ont demandé. Elle a été faite par les tunisiens dont quelques uns m’ont dit d’ailleurs que les européens n’y avaient pas été très utiles. Donc je ne pense pas qu’il s’agisse d’une période de changement guidée de l’extérieur. C’est la façon dont vous réagissez aux demandes internes de changement qui importe. Ce qui compte c’est votre façon de faire pour ne pas créer de souffrances pendant le processus de changement.”.

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