Fathi Ben Shatwan : "Saïf Al-Islam est responsable des détournement de fonds vers l'étranger"

Fathi Ben Shatwan : "Saïf Al-Islam est responsable des détournement de fonds vers l'étranger"
Par Euronews
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Sur le front libyen, les rebelles aidés par l’Otan semblent marquer des points. L‘étau autour de Mouammar Khadafi se resserre donc de plus en plus. La rébellion prend un à un des points stratégique. Tripoli n’est plus très loin. La capitale libyenne est l’objectif à atteindre. “Nous y célèbrerons l’Aïd el-Fitr, la fête qui marque la fin du ramadan”, a récemment dit le chef des rebelles. Une autre figure de la rébellion, Fathi Ben Shatwan, ministre de l‘énergie sous Khadafi de 2004 à 2006 et qui a tourné le dos au Guide de la Révolution, a accepté de nous rencontrer lors d’un entretien exclusif à Paris.

Riad Muasses, euronews :
Dr Fathi Ben Shatwan, bienvenue sur euronews

Fathi Ben shatwan :
Merci

euronews :
Fathi Ben Shatwan, vous étiez ministre de l’Industrie durant plusieurs années et ministre de l‘énergie pendant deux ans, jusqu‘à 2006. Vous avez quitté le régime et vous avez fui la Libye, d’une manière digne d’un film cinématographique, dans un bateau, de Libye vers Malte puis vers la France. Qu’est-ce-qui vous a poussé à fuir?

Fathi Ben Shatwan :
Quand la révolution a débuté le 20 Février, je suis allé avec ma famille à Misrata, ma ville natale. Misrata était à son tour entrée en rébellion et s‘était libérée. Après 45 jours passés à Misrata, j’ai estimé, comme d’autres amis, qu’il valait mieux que je parte à Malte pour servir la révolution de l’extérieur. Donc en réalité je n’ai pas fui le pays, même si une certaine presse l’a affirmé. Mais je n’ai pas voulu les contrarier.

euronews :
Mais la question qui se pose aujourd’hui c’est que vous, mais aussi, Mustafa Abul Jalil, ancien ministre de la justice, Abdelfattah Younes, ancien ministre de l’Intérieur, vous êtes tous devenus dissidents après la révolution. Pourquoi ne pas l’avoir fait avant?

Fathi Ben Shatwan :
En réalité le régime en Libye était un régime implacable. Le système de sécurité est très solide et personne ne pouvait rien faire. Même l’opposition libyenne a essayé pendant 30 ou 40 ans de faire quelque chose en Libye, mais en vain. Alors on avait le choix soit de quitter la Libye et devenir des réfugiés, soir rester et servir le pays depuis l’intérieur du régime.

euronews :
Aujourd’hui le peuple qui est descendu dans la rue pour réclamer sa liberté vous a surpris et vous a devancé. Vous homme politiques qui étiez peut être capables de faire des changements en Libye. La question est, pourquoi l’opposition s’est-elle précipitée vers l’OTAN pour qu’elle lui vienne en aide? La Révolution était en marche et elle était décidée à se libérer par ses propres moyens.

Fathi Ben shatwan :
En réalité, la révolution a commencé pacifiquement comme vous le savez. Mais plus tard le régime a utilisé la manière forte en tuant et réprimant de façon ultra-violente, du jamais vu. Le monde entier a été surpris par cette violence inouïe. C’est pour cela que l’OTAN – l’Angleterre, la France et les Etats-Unis – sont venus pour sauver le peuple libyen. Souvenez-vous à Benghazi quand on commencé à bombarder la ville. Si les bombardements avaient duré, entre 250 à 500 milles personnes auraient été tuées.

euronews :
Mais il y a ceux qui vous blâment, qui disent que l’opposition ou le Conseil de transition, ont demandé à Bernard-Henri Lévy d’aller en Israël pour faire passer un message à l’Etat Hébreu, pour lui dire que le Conseil allait, d’une façon ou d’une autre, reconnaître Israël.

Fathi Ben shatwan :
Non, je crois que ce sont des rumeurs. Moi je connais le Conseil et ses membres et le cheikh Mustapha en particulier. Il est impossible qu’il fasse ce genre de choses.

euronews :
Vous voulez dire que Bernard-Henri Lévy a agi seul? Qu’il est parti en Israël de son propre chef?

Fathi Ben Shatwan :
Oui, je pense qu’il a voulu faire un peu d’amalgame en allant en Israël. Moi je ne fais pas partie du Conseil mais je peux vous confirmer, en connaissant les gens du Conseil et le cheikh, qu’il est impossible que ce genre de choses puissent être vraies.

euronews :
Passons à un autre registre. Un point qui intéresse les Libyens. Nous savons que la Libye est un pays exportateur de pétrole, c’est un pays riche. Nous savons également que vous étiez ministre de l‘énergie. Où est passé l’argent de Kadhafi?

Fathi Ben Shatwan :
Pour être franc avec vous, la vérité c’est que la Libye a subi la corruption durant ces dix dernières années, quand Saïf Al Islam s’est occupé de toutes les affaires économiques. L‘économie libyenne était entre ses mains. Ceux qui travaillent au Comité populaire général reçoivent leurs ordres directement de Saïf Al Islam.

euronews :
Donc, Kadhafi père est innocent dans tout cela?

Fathi Ben Shatwan :
J’ignore les détails, mais selon mon expérience et mes responsabilités là-bas, c’est Saïf Al-Islam qui était responsable des transferts d’argent et des détournement de fonds vers l‘étranger. C’est ce que je sais.

euronews :
A combien se monte la somme d’argent détournée? Auriez-vous un chiffre?

Fathi Ben Shatwan :
Franchement, les gens en parlent, personne ne donne de chiffre précis mais d’après la production pétrolière de toutes ces dernières années, nous estimons que le chiffre total varie entre 200 et 250 milliards.

euronews :
Milliards de dollars?

Fathi Ben Shatwan :
Oui.

euronews :
On a fait sortir cet argent de Libye?

Fathi Ben Shatwan :
Ces sommes ont été transférées sous prétextes d’investissements ou sous d’autres formes diverses.

euronews :
Comment voyez-vous la Libye dans un avenir proche? Est-ce-la fin de l‘ère Kadhafi?

Fathi Ben Shatwan :
Je crois que l‘étau commence à se resserrer sur lui et maintenant il est encerclé dans un rayon de 50 kilomètres. Il y a, je pense, deux scénarios possibles: soit il continue à se battre ce qui laisse augurer des pertes immenses tant humaines que matérielles à Tripoli. Soit il accepte de quitter la Libye et Tripoli sera sauvée.

euronews :
Quelle est votre vision de la Libye de demain?

Fathi Ben Shatwan :
Il faut que l’on puisse établir une feuille de route et que le Conseil aussi rédige une feuille de route pour la révolution. Que cette dernière définisse les différentes étapes de la révolution, allant de l‘étape de la libération du sol à l‘étape transitoire et enfin à l‘étape de la construction.

euronews :
Mais une question se pose quand même, quel est l’avenir de l’OTAN en Libye?

Fathi Ben Shatwan :
Il ne faut pas oublier que l’OTAN est venue en Libye avec un mandat des Nations Unies et selon une résolution. L’organisation a beaucoup aidé le peuple libyen et je crois que sans cette aide, le nombre de martyrs aurait été très élevé. Et je dois même dire que dans la feuille de route, les relations de la Libye doivent être orientées vers les pays arabes et les pays de l’OTAN qui ont aidé le peuple libyen et ont sauvé des centaines de milliers de vies.

euronews :
Le Dr Fathi Ben Shatwan envisage-t-il un quelconque poste dans le prochain gouvernement?

Fathi Ben Shatwan :
J’ai décidé de prendre ma retraite, de me consacrer à l‘écriture et à la science, d’aider les autres.

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