Les scénarios possibles en RDC

Les scénarios possibles en RDC
Par Euronews
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Thierry Vircoulon est directeur du programme Afrique centrale à l’ONG International Crisis Group. Il a suivi de près le déroulement des élections présidentielles et législatives organisées le 28 novembre dernier en République démocratique du Congo. Actuellement à Kinshasa, il analyse la situation présente et évoque les différents scénarios possibles face à la crise post-électorale en RDC. Interview.

Euronews : La République démocratique du Congo est confrontée à un conflit post-électoral lié à la contestation des résultats. L’opposition a déposé un recours devant la Cour suprême de Justice. Quelles sont les chances, pour l’opposition, pour que cette démarche aboutisse ?

Thierry Vircoulon, International Crisis Group : Les chances pour que cette démarche aboutissent sont proches de zéro. La Cour Suprême ne devrait pas juger ce recours, ce devrait être la Cour Constitutionnelle qui est prévue par la constitution depuis 2005 et n’a jamais été mise en place par le régime. La Cour Suprême a donné le ton quand elle a invalidé, sur une question de forme, le recours de l’UDPS (l’Union pour la démocratie et le progrès social, parti d’opposition fondé et dirigé par Etienne Tshisekedi, NDLR) au mois de novembre contre la liste des candidats aux législatives. Par ailleurs, le 9 novembre, en pleine campagne électorale, des juges supplémentaires ont été nommés à la Cour Suprême par le pouvoir.

Euronews : Joseph Kabila a reconnu qu’il y avait eu des “erreurs” dans le processus électoral mais que cela n’avait pas d’impact sur les résultats. Peut-il gouverner si sa légitimité est (partiellement) contestée ?

Thierry Vircoulon : Les “erreurs” évoquées devraient être quantifiées précisément pour savoir si on parle de milliers ou de millions de voix. Le Centre Carter qui était venu observer le processus électoral a réalisé une évaluation des résultats présidentiels et a conclu que 2 000 bureaux de vote dans la capitale et 1 000 bureaux de vote en province n’auraient pas été comptabilisés, soit à peu près 850 000 voix non comptabilisées. Le fait que la légitimité du président soit contestée risque de poser un problème de gouvernabilité à moyen terme.

Euronews : Etienne Tshisekedi s’est auto-proclamé président. Est-ce un coup de force calculé ou une démarche logique ?

Thierry Vircoulon : Etienne Tshisekedi s‘était déjà proclamé président durant la campagne. Il s’agit de la démarche d’un homme persuadé d‘être vainqueur selon la vérité des urnes.

Euronews : Quels sont les scénarios possibles dans les prochains jours et les prochaines semaines ?

Thierry Vircoulon : A ce stade, trois scénarios sont possibles: un rejet populaire immédiat de Joseph Kabila à Kinshasa et dans les Kasai où il est extrêmement impopulaire; un incident spontané entre les forces de sécurité et des opposants qui dégénère en émeute ; une absence apparente de réaction immédiate mais des problèmes de sécurité localisés et récurrents dans les provinces en 2012 plus ou moins instrumentalisés par une opposition marginalisée.

Euronews : Y a-t-il un risque de violences dans la capitale ? Ailleurs dans le pays ?

Thierry Vircoulon : Outre la capitale où se sont déroulées la plupart des violences électorales, deux régions sont à surveiller : les Kasai – et plus particulièrement le Kasai occidental où Tshisekedi est très populaire, où la campagne et le vote ont été émaillés par des violences et où les autorités ont déjà été déstabilisées par la pression de l’opposition – et le Katanga – le fief du président Kabila où on a assisté à des premières violences-représailles contre des Kasaïens et qui est une province où un nettoyage ethnique avait eu lieu contre les Kasaïens au début des années 90.

Euronews : Comment la communauté internationale devrait-elle se positionner dans cette crise post-électorale ?

Thierry Vircoulon : La communauté internationale doit exiger la transparence du processus électoral et notamment une contre-vérification des résultats électoraux par un tiers indépendant. Elle doit rester vigilante en ce qui concerne les résultats des législatives qui sont un des éléments-clés du futur paysage politique, elle doit condamner tout acte de violence post-électorale et exiger que des enquêtes soient faites en ce qui concerne les violations des droits de l’homme liées aux élections. Le processus électoral est loin d‘être terminé et la République démocratique du Congo abrite la plus grande mission de maintien de la paix du monde (19 800 hommes). Si des violences de grande ampleur dans la capitale, Kinshasa, ou au Katanga éclataient, les Nations Unies devraient réagir et protéger la population.

Propos recueillis par Olivier Péguy

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