Syrie : Assad oublie que "la crise migratoire a commencé bien avant la création de l'État islamique"

Syrie : Assad oublie que "la crise migratoire a commencé bien avant la création de l'État islamique"
Tous droits réservés 
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Euronews a interrogé le spécialiste du monde arabe Hasni Abidi sur les dernières déclarations du dirgeant syrien Bashar al Assad.

PUBLICITÉ

L‘émissaire de l’Onu pour la Syrie est arrivé à Damas ce jeudi pour discuter d’un processus de paix. La visite de Steffan de Mistura intervient alors que l’Europe fait face à une crise migratoire sans précédent et veut une solution politique au conflit, quitte à trouver un compromis avec le président Bachar el-Assad, dont elle exigeait jusqu‘à maintenant le départ.

Une entente qui risque d‘être difficile à obtenir puisque pour le président syrien, les occidentaux sont les seuls “responsables de la crise des migrants”, l’europe soutenant les “terroristes”, a-t-il redit dans une récente interview accordée à six médias russes.

Or, pour Damas la lutte contre le terrorisme est la priorité et le prélude à une solution politique à la crise syrienne. Et le régime semble avoir le soutien de Moscou qui affiche de plus en plus ouvertement sa présence militaire en Syrie, tout en proposant d’ouvrir un dialogue avec Washington.

La guerre civile en Syrie dure depuis plus de quatre ans. Elle a déjà fait 240 000 morts.

Entretien avec le spécialiste du monde arabe Hasni Abidi

Sophie Desjardin, euronews :
Hasni Abidi, vous êtes directeur du Centre d‘études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, spécialiste donc du monde arabe, merci d‘être avec nous.
Bashar El Assad a accordé mercredi une interview à plusieurs médias russes, il parle notamment de la crise des migrants en Europe et a cette phrase terrible, “c’est comme si l’occident pleurait d’un œil sur les réfugiés et du second les visait avec une arme”, outre la provocation, l’occident est-il effectivement pris au piège dans cette guerre ?

Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe :
L’occident est plutôt dans une impasse face à des flux migratoires très importants et qui deviennent une menace parfois, mais surtout un enjeu de politique intérieure. Bashar el Assad utilise la même rhétorique, c’est-à-dire qu’il exerce un chantage sur l’Europe en disant s’il y a aujourd’hui un flux migratoire, c’est votre responsabilité parce que vous avez justement alimenté cette guerre. Mais il oublie une chose, c’est que ces flux migratoires ou la crise migratoire et les réfugiés, les déplacés internes ou qui sont dans les pays voisins, ça a commencé bien avant la création de l‘État islamique.

Sophie Desjardin, euronews :
Assad accuse l’occident d’avoir créé ou produit l‘État Islamique. Mais si les djihadistes n‘étaient pas entrés en scène, et que l‘équation s‘était résumée à pro et anti-Assad, le régime serait peut-être bien tombé depuis longtemps non ?

Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe :
C’est très difficile. C’est un régime qui a élargi son assiette de soutien et qui a fait quelque chose qui marche très bien et qui a diabolisé l’opposition. L’opposition au départ était une opposition pacifique. D’ailleurs, elle ne réclamait pas le départ de Bashar el Assad elle voulait des réformes, mais c’est le régime qui a radicalisé cette opposition, au départ laïque citoyenne et ensuite quand il a vu, bien sûr, qu’il y avait une opposition bien organisée, qu’il y avait un projet de société pour une Syrie différente, pour une constitution pluraliste, il a bien sûr utilisé une autre carte et jouer sur le terrorisme. L‘État islamique se nourrit du régime syrien. C’est la machine de Bashar el Assad qui cultive cette menace, qu’est l’Etat islamique parce que l‘échec de l’opposition modérée a amené les gens à adhérer ou à soutenir probablement une autre opposition beaucoup plus radicale surtout face à une certaine démission ou l’impuissance de la communauté internationale.

Sophie Desjardin, euronews :
Y a-t-il selon vous un moyen d’arrêter cette guerre qui dure maintenant depuis 4 ans sans en passer par un soutien au régime syrien ?

Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe :
Bashar el Assad a réussi un chantage important, c’est a dire : votre sécurité contre le soutien au régime. Je crois que Genève 1 et 2 et les efforts des nations unies méritent beaucoup plus de soutien. On peut arriver à une transition politique, on peut dialoguer avec Bashar el Assad pour son départ, mais non pas pour son maintien et c’est pourquoi l’opportunité iranienne est une chance à saisir mais aussi avec la Russie.Malheureusement, l’opposition toute tendance confondue, elle est presque orpheline aujourd’hui donc ce conflit hélas sans un engagement politique et sans une volonté, je crois qu’il est appelé à s’installer dans le temps.

Sophie Desjardin, euronews :
La Russie a franchi le pas depuis longtemps, désormais ouvertement, diplomatiquement et militairement, pensez-vous que les retombées que l’on connaît sur l’Europe de cette guerre peuvent maintenant jouer en faveur des préconisations de Moscou’

Hasni Abidi, spécialiste du monde arabe :
Absolument, je suis d’accord. D’ailleurs, le président Poutine joue sur cette carte. Pour Bashar el Assad c’est une carte très importante dans ses relations avec les Américains et avec les Européens. Il est prêt à le lâcher quand bien sur ses intérêts ou quand ses négociations avec les occidentaux aboutiront sur d’autres sujets. C’est pourquoi il est important de reprendre le dialogue avec Poutine, mais aussi avec les Iraniens et avec tous les pays qui soutiennent encore Bashar el Assad. Le soutien aujourd’hui public de la Russie et aussi de l’Iran, montre en effet que ces deux pays veulent utiliser la carte syrienne, utiliser Bachar el Assad pas seulement pour la Syrie, mais aussi parce qu’ils ont des intérêts stratégiques qui dépassent largement la scène syrienne.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Obama : la stratégie russe en Syrie "vouée à l'échec"

Syrie : une frappe israélienne sur le consulat d'Iran à Damas tue 7 personnes

Syrie : 20 combattants kurdes tués dans un nouveau raid de la Turquie