L'Allemagne accélère les expulsions de ressortissants des Balkans

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Par Stéphanie Lafourcatère
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Chaque semaine, des centaines de personnes déboutées de leur demande d’asile en Allemagne sont renvoyées dans leurs pays d’origine dans les Balkans

Chaque semaine, des centaines de personnes déboutées de leur demande d’asile en Allemagne sont renvoyées dans leurs pays d’origine dans les Balkans par des autorités allemandes qui font face à un afflux d’arrivées depuis le début de l’année, avec les nombreux réfugiés en provenance de Syrie ou d’Irak.

Nous nous sommes rendus à Tirana à l’arrivée d’un vol charter en provenance d’Allemagne. A son bord, 90 Albanais dont certains qui s‘étaient installés en Italie ou en Grèce, mais où la crise les a privés d’emploi. Parmi les expulsés, Ahmet, 50 ans qui a perdu toutes ses illusions. “Je suis parti de Grèce pour aller en Allemagne à cause de la crise, dit-il, les Allemands auraient dû me renvoyer en Grèce. (…) C’est contre mon gré qu’ils m’ont mis dans cet avion pour m’expulser,” lance-t-il.

Six pays des Balkans sont “sûrs”

Depuis l’an dernier, trois pays des Balkans sont considérés comme sûrs par l’Allemagne et récemment, le Kosovo, le Monténégro et l’Albanie sont venus s’ajouter à cette liste : les demandes d’asile de leurs ressortissants restent examinés au cas par cas, mais le motif d’insécurité dans leur pays n’est plus recevable.

Mais ces pays sont-ils vraiment sûrs ? Peut-être pas pour tout le monde. Nous nous rendons à Engelsberg, un minuscule village dans le sud de l’Allemagne. Des migrants de 22 nationalités dont beaucoup originaires des Balkans sont accueillis dans l’ancien logement du prêtre. Nous y avons rencontré un couple mixte qui a fui la Bosnie il y a quelques jours pour échapper à des parents violents : le mari est musulman, la femme rom. L‘épouse accepte de nous parler : “Les problèmes ont commencé quand on s’est marié et quand mon beau-père a appris que je suis rom, raconte-t-elle. Il m’a forcé à prier cinq fois par jour, il m’a forcé à porter le voile et à respecter les périodes de jeûne. (…) La situation s’est envenimée, il m’a attaqué, on est parti, mais il nous a retrouvés et nous a suivis avec son groupe de religieux extrêmistes wahhabites, ajoute-t-elle, il a menacé de nous tuer, on n‘était plus en sécurité en Bosnie, la seule manière de nous protéger, c‘était de demander l’asile ici.”

Des cas individuels, des raisons multiples d‘émigrer

Au-delà de cette situation individuelle, nous rencontrons une autre famille. D’origine albanaise, celle-ci fuit la pauvreté. Pendant treize ans, Klodian a travaillé dans une usine de cuir en Italie. Quand elle a fermé, il est rentré en Albanie. Mais comme il n’a pas réussi à y gagner dignement sa vie, mari et femme sont partis en Allemagne tant en sachant que leur demande d’asile y serait refusée comme ils immigraient pour des raisons économiques. Ils craignent d‘être bientôt expulsés. “Quand notre fille est née, j’ai décidé de quitter une nouvelle fois l’Albanie, de trouver une solution ailleurs, confie Klodian. On ne peut pas gagner sa vie en Albanie, je ne sais pas ce qu’on va faire s’ils nous renvoient, l’hiver là-bas, c’est très dur, il fait très froid,” se désespère-t-il. “Si on ne peut pas rester ici, on devra tenter notre chance dans un autre pays, je dois pouvoir élever mes enfants,” souligne le père de famille.

Nous nous rendons en Albanie – l’un des pays les plus pauvres d’Europe – pour rencontrer d’autres personnes qui ont été renvoyées chez elles. C’est le cas de Perparim qui tient à nous emmener dans son village de Shishtavec dans les montagnes. Comme beaucoup, il a immigré en Allemagne pour des raisons économiques et sans permis de travail, il est revenu à la case départ.

De retour en Albanie, ils ne pensent qu‘à repartir

S’il repart une nouvelle fois, il s’exposera à une législation encore plus dure : le gouvernement allemand a décidé que désormais, à leur arrivée en Allemagne, les demandeurs d’asile provenant des Balkans devront séjourner dans des installations dédiées, n’auront pas le droit de travailler, ni de suivre des cours de langue, ne percevront pas d’argent et seront expulsés rapidement. “On espère trouver une autre manière de retourner en Allemagne, c’est pour le bien de ma famille et de mes enfants, déclare Perparim. Quand je pense à l’avenir, dès qu’une deuxième occasion de repartir en Allemagne se présentera, je la saisirai immédiatement,” assure-t-il.

Le village de Perparim compte environ 300 foyers. Environ cinquante habitants se trouvent toujours en Allemagne. La nouvelle législation allemande sur l’asile entrera en vigueur dans quelques jours et au lieu de deux vols hebdomadaires vers l’Albanie, les expulsions par avion pourraient devenir presque quotidiennes. Perparim doit s’attendre à voir revenir certains de ses voisins prochainement.

A Tirana, nous rencontrons le ministre albanais de l’Intérieur. Saimir Tahiri salue la décision de l’Allemagne d’accélérer le rejet des demandes d’asile provenant de ressortissants de pays sûrs. La procédure ne devrait plus prendre qu’une ou deux semaines au lieu de plusieurs mois. D’après lui, il faut aussi que les autorités allemandes soient moins généreuses.

L’Albanie se félicite du durcissement de la législation allemande

“On a demandé à figurer sur cette liste de pays sûrs, il n’y a absolument aucune raison de demander l’asile politique dans un pays de l’Union quand on est un citoyen albanais, explique Saimir Tahiri. Il semble que ce soit plus lucratif d‘être en Allemagne sur une liste d’attente en tant que demandeur d’asile plutôt que de travailler ici, fait-il remarquer. En pratique, ce sont des demandes d’asile pour des raisons économiques ; ce qui est illégal.”

Les voies légales pour partir travailler en Allemagne existent : il faut d’abord se rendre à l’Ambassade allemande à Tirana, se renseigner sur les emplois disponibles et obtenir l’autorisation de l’Office fédéral allemand pour l’emploi. Une procédure qu’Ardit a décidé de suivre : “J’ai fait une demande de permis de travail pour l’Allemagne, indique le jeune homme, on verra si c’est facile ou non de l’obtenir, je veux travailler comme aide cuisinier dans un restaurant.”

Sur les six premiers mois de l’année, 40% des demandeurs d’asile en Allemagne provenaient des Balkans. En durcissant la législation, les autorités allemandes ont voulu les mettre en garde à l’heure où elles tentent de faire face à un afflux de réfugiés d’autres régions du monde : l’asile est réservé à ceux qui cherchent une protection et non un travail.

WEB BONUS

Saimir Tahiri: ‘‘L’Albanie est un pays sûr’‘

Euronews a rencontré le ministre albanais de l’Intérieur Saimir Tahiri dans la capitale de l’Albanie, Tirana. Pourquoi tant de ses concitoyens quittent-ils le pays pour se rendre en Allemagne ? Le ministre dit soutenir les efforts du gouvernement allemand pour durcir sa législation sur l’asile et renvoyer les migrants économiques vers l’Albanie. Mais il estime qu’il faut encore accélérer le rendu des décisions au sujet des demandes. Retrouvez son interview en anglais.

Reporter - Albania

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