La santé des astronautes, c'est aussi la nôtre !

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Par Jeremy WilksStéphanie Lafourcatère
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Dans cette édition de Space, nous voyons comment le suivi de l'état de santé des astronautes dans l'espace fait progresser la médecine sur Terre.

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Ils évoluent dans un environnement extraterrestre : les astronautes voient le soleil se lever et se coucher seize fois par jour et au fil des semaines, leur corps change extérieurement et intérieurement, notamment en perdant de la masse musculaire et osseuse. Mais ils l'acceptent au nom de la science.

"On ne part pas du tout pour admirer la vue , on n'est pas des touristes, lance Luca Parmitano, astronaute de l'Agence spatiale européenne (ESA). Les astronautes professionnels travaillent pour la science, la technologie et bien sûr, pour la maintenance de la station," souligne-t-il.

Hausse de la température interne

À Berlin, une équipe du Centre hospitalier universitaire Charité mène des études fascinantes sur la santé dans l'espace. Elle a mis au point un capteur inédit qui placé sur la tête des astronautes, permet de surveiller leur température interne. À la tête de cette équipe, le professeur de physiologie, Hanns-Christian Gunga. Il nous présente ce capteur porté par une volontaire : "On veut évaluer la température dans le cerveau parce que c'est l'organe le plus important, pas uniquement pour les astronautes : c'est le cas pour tout le monde !" fait-il remarquer.

D'après ces recherches, les astronautes qui font de l'exercice tous les jours ont une température interne plus élevée dans l'espace et personne ne sait pourquoi. Or ce n'est pas anodin. "Le cerveau est très vulnérable au moindre changement de température, indique Hanns-Christian Gunga. Il nous faut plus de temps pour reconnaître des choses, nous concentrer et prendre des décisions cognitives quand notre température est plus élevée."

En parallèle de son étude dédiée aux astronautes, le professeur est en train d'adapter son capteur à des utilisateurs sur Terre comme des pompiers ou des personnes hospitalisées en suivi post-opératoire. "On a besoin d'un dispositif qui soit non-invasif, facile d'utilisation, léger, robuste et fonctionnant sur batterie, détaille Hanns-Christian Gunga avant d'ajouter : "Et tout ceci est développé dans l'espace pour les astronautes."

Un mal de dos universel

Flotter dans l'espace, c'est comme réaliser un rêve. Pourtant, ce n'est pas sans conséquence. Plus d'un astronaute sur deux dit avoir mal au dos. Des douleurs que ressent aussi la moitié de la population sur Terre.

"J'ai clairement senti que ma colonne vertébrale s'allongeait avec la microgravité parce que mes muscles étaient constamment contractés, je ressentais beaucoup de douleur dans le dos, se souvient l'astronaute Luca Parmitano. Quand on revient sur Terre, c'est le contraire, poursuit-il, les muscles du dos - ces muscles fins qui sont tout autour de la colonne - ne sont plus aussi forts parce que c'est vraiment dur de les faire travailler."

​À l'Université de Northumbria dans le nord de l'Angleterre, des chercheurs s'attaquent à ce problème de mal de dos. Ils pensent avoir trouver un moyen de stimuler les muscles autour de la colonne grâce à un appareil d'entraînement qu'ils ont modifié. Et pour observer les muscles en action, ils utilisent des ultrasons.

​Andrew Winnard, maître de conférences en biomécanique à l'Université de Northumbria, nous présente "Kirsty qui est en train d'utiliser notre appareil d'exercice de réadaptation fonctionnelle" [en anglais : Functional Readaptive Exercise Device, FRED ] qui sert à solliciter les muscles posturaux et spinaux profonds."

Ce mouvement des hanches, des jambes et des pieds paraît simple, mais il est en réalité, très délicat à exécuter correctement parce que le mécanisme de résistance présent habituellement sur la machine a été retiré.

"Comme il n'y a pas de résistance au mouvement comme sur un appareil d'entraînement classique, Kirsty doit créer sa propre résistance dans ses jambes, indique Nick Caplan, professeur de médecine et réadaptation aérospatiale au sein de cette même Université. Donc comme la jambe qui est devant tombe sous l'effet de la gravité, la jambe à l'arrière doit essayer de résister à ce mouvement vers le bas de la jambe avant," explique-t-il. 

L'équipe souhaite à présent, mettre à disposition des astronautes à bord de l'ISS - la Station spatiale internationale -, une machine similaire pour qu'ils la testent tout en la faisant essayer sur Terre, à Newcastle, à des personnes souffrant d'un mal de dos.

"On espère que tout le travail réalisé avec FRED permettra d'accélérer la réadaptation de tous ceux qui ont des douleurs au bas du dos en raison de leur sédentarité, de leur posture à leur bureau, etc," précise Andrew Winnard. 

Innovations en télémédecine

Depuis deux décennies, l'ISS accueille des astronautes pour des séjours plus ou moins longs dans l'espace. Leur travail à bord a généré de nombreuses innovations notamment dans le domaine de la télémédecine.

Au Centre technique de l'ESA aux Pays-Bas, l'ingénieur biomédical Arnaud Runge nous présente un prototype d'appareil à ultrasons qui lors d'une utilisation à bord de l'ISS, pourra être commandé par un médecin depuis la Terre.

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"L'idée, c'est que l'astronaute va pouvoir mettre cet outil en position sur le corps, là où il souhaite faire l'investigation pour obtenir une image, déclare-t-il. Le médecin à distance via le joystick va contrôler les mouvements de la sonde et va l'amener vers une position qui lui convient pour obtenir l'image désirée," poursuit-il.

Les recherches sur la santé dans l'espace couvrent toute une série de domaines : des exercices cognitifs aux nouveaux médicaments. Les astronautes eux-mêmes jouent le rôle de patients volontaires er d'assistants scientifiques.

"On sait ce qu'ils mangent, on connaît les exercices qu'ils font, de manière très précise, on connaît leurs habitudes de sommeil, énumère le professeur Nick Caplan de l'Université de Northumbria. Donc de ce fait, on a une population dont on contrôle l'ensemble des paramètres, ce qui n'est pas le cas avec la population générale ici sur Terre," fait-il remarquer.

L'espace est synonyme de conditions bien spécifiques... Et le facteur qui affaiblit les os et les muscles des astronautes et entraîne des changements dans leurs cellules et leurs organes est précieux pour l'expérimentation scientifique.

"Il y a une chose qu'il est impossible d'éliminer sur Terre : c'est cette attraction vers le centre de la Terre, la gravité, rappelle Luca Parmitano. En orbite, on peut faire des expériences scientifiques sans cette attraction spécifique et quand on réalise les mêmes expériences sur Terre et dans l'espace, les résultats sont toujours différents," dit-il.

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Et ces résultats nous apprennent beaucoup sur la physiologie humaine. À terme, les efforts des astronautes seront aussi payants pour nous, les Terriens. "Les technologies qui maintiendront les astronautes en bonne santé lors de voyages sur Mars seront des technologies que nos enfants et petits-enfants pourront utiliser pour être en meilleure santé," estime l'ingénieur Arnaud Runge.

Même si les hommes ne sont pas nés pour vivre dans l'espace, apprendre à y séjourner dans de bonnes conditions nous est utile pour mieux prendre soin de notre santé sur Terre.​

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