La croissance est là en Europe, mais pour combien de temps ?

La croissance est là en Europe, mais pour combien de temps ?
Par Maithreyi SeetharamanGiovanni Magi
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L'UE et la zone euro ont enregistré l'an dernier, leur plus forte croissance depuis dix ans. Quelle est l'ampleur réelle de la reprise ? Et va-t-elle durer ? Real Economy fait le point.

Saviez-vous que l'Union européenne et la zone euro ont affiché l'an dernier la plus forte hausse de leur PIB depuis dix ans et que la croissance s'annonce encore soutenue cette année et l'an prochain ?

Mais les prévisions concernant notre Produit intérieur brut - ou PIB - doivent encore devenir réalité et la reprise devra être d'ampleur pour être ressentie par les citoyens de tous les Etats membres.

Pour mieux comprendre, examinons dans notre cours accéléré, quelques indicateurs sur ce qui apparaît à l'horizon : dans son télescope dédié aux prévisions, la Commission européenne distingue une poursuite de la croissance.

Au niveau des consommateurs et des entreprises, le climat est plus positif dans un contexte d'expansion des économies à l'échelle mondiale. L'inflation globale qui inclut l'alimentation et l'énergie devrait augmenter, mais l'inflation sous-jacente qui les exclut devrait quant-à-elle rester faible. Mais la demande des consommateurs européens devrait encore stimuler la croissance en 2018. Ce qui laisse envisager une reprise durable pour l'ensemble des secteurs et des pays.

L'accès à des financements peu coûteux devrait aider les entreprises et favoriser une hausse des investissements. Elles pourraient donc, mieux exporter malgré un euro fort. Au final, on peut s'attendre à davantage de créations d'emploi.

Tous les pays de l'Union européenne devraient connaître la croissance cette année. Mais des risques demeurent : les tensions géopolitiques, le Brexit et les règles financières plus strictes qui seront en place d'ici l'an prochain.

Ángel Gurría : "L'Europe est tout le temps en chantier"

Si la Commission européenne se montre optimiste quant à notre avenir économique, recueillons le point de vue d'un observateur avisé : Ángel Gurría, secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) au siège de l'organisation à Paris. Il loue les capacités de rebond de l'économie européenne.

Maithreyi Seetharaman, euronews :

"Nous vous avons demandé de nous apporter un objet - vous en avez amené deux - qui représente selon vous, le défi de la croissance européenne ? De quoi s'agit-il ?"

Ángel Gurría, secrétaire général de l'OCDE, casque de chantier et truelle en mains :

"C'est très facile de sous-estimer l'Europe, mais il faut voir ce qu'il y a derrière les échafaudages. Imaginez : vous avez économisé pendant trois ans pour pouvoir visiter l'Europe et une fois sur place, vous allez voir Notre-Dame à Paris, le Duomo à Milan ou la cathédrale de Cologne et les sites sont recouverts d'échafaudages. Et quand vous revenez trois ans plus tard, les chantiers sont terminés ! C'est comme cela qu'il faut voir l'Europe : elle est sans cesse en train de se réinventer, de se redessiner, de se renforcer, mais elle est tout le temps en chantier, avec le casque et la truelle !"

Reprise : l'exemple irlandais

Pour nous, la transition est toute trouvée car notre reporter Giovanni Magi s'est rendu en Irlande pour voir comment le secteur de la construction - justement - participe à la reprise économique du pays : la célèbre chance des Irlandais serait-elle de retour ou s'agit-il comme l'affirment certains, de la renaissance du phoenix celte ?

À Dublin, on ne peut pas les rater : les grues sont partout. Après s'être quasiment mis à l'arrêt suite à la crise financière en 2008, le secteur du BTP s'était considérablement ralenti avant de redécoller lentement, mais sûrement à partir de 2013.

"Au moment du pic du secteur de la construction, on représentait environ 25% du PIB et au plus fort de la crise, ce n'était plus que 3%, précise Frank Kelly, vice-président de la Fédération du secteur de la construction. Actuellement, on est plutôt sur 6 à 7%, mais les économistes estiment qu'à terme, on devrait plutôt se situer entre 12 et 15% : donc apparemment, il y a encore un écart avec ce niveau de production pérenne pour le secteur de la construction," reconnaît-il.

D'autres indicateurs sont au beau fixe : les exportations ont battu tous les records l'an dernier, la consommation des ménages est en hausse, le taux de chômage est proche de son niveau d'avant la crise et les salaires augmentent.

Mais est-ce de bon augure pour la croissance ? Qu'en pense Frank Kelly, le représentant du secteur du BTP ?

_"Cela montre la nécessité d'aboutir à un équilibre entre les initiatives du privé et les projets du gouvernement comme les infrastructures __qui sont absolument nécessaires pour que tout le reste puisse se faire," _répond-il.

Le spectre du Brexit

Maintenir cette croissance sur le long terme dépend aussi des fondamentaux de l'économie et en Irlande, ils ont certaines particularités.

"Les chiffres de la croissance en Irlande sont faussés par la présence sur place de grandes multinationales venues principalement pour des raisons fiscales, précise notre reporter Gianni Magi avant d'indiquer : Mais même en enlevant le montant des activités de ces multinationales en dehors du pays, la croissance nationale reste deux fois supérieure à la moyenne européenne."

Mais de grands défis doivent encore être relevés, de la nouvelle discipline budgétaire au Brexit. "La grande inconnue, estime Simon Barry, économiste en chef pour la République d'Irlande au sein de l'établissement bancaire Ulster Bank, c'est de savoir quel Brexit nous aurons : c'est la principale source d'incertitude du point de vue irlandais : plus le Brexit sera dur, plus les conséquences économiques seront graves. Mais même en tenant compte des impacts du Brexit sur le moyen et long terme, l'économie irlandaise devrait vraisemblablement continuer de croître," assure-t-il.

Il faudra aussi que les piliers de l'économie irlandaise soient assez solides pour résister aux grands risques mondiaux.

Évolution de la main-d'œuvre

Reprenons notre interview avec Ángel Gurría, secrétaire général de l'OCDE, sur les perspectives de croissance en Europe.

Maithreyi Seetharaman :

"Quand on regarde la situation à moyen terme, il n'y a aucune perspective de hausse de salaires, l'inflation est modérée. Est-ce un problème ?"

Ángel Gurría :

"La question des salaires a été un problème au Japon, aux Etats-Unis, au Mexique, en Europe... Pourquoi ? Parce qu'on a eu tout d'abord, ces évolutions technologiques qui réduisent toujours la création d'emplois. On essaie principalement de créer un environnement qui soit intéressant pour les entreprises et où des travailleurs avec les qualifications adéquates pourront répondre à ces besoins. On estime que sur les dix à quinze prochaines années, de 10 à 14% de la main-d'oeuvre risque de devoir changer d'activité et que pour une autre proportion de la main-d'oeuvre - environ 30% -, les tâches quotidiennes pourraient être bouleversées."

Maithreyi Seetharaman :

"Quand on voit les guerres commerciales qui sont en train d'émerger à travers le monde, les voyez-vous comme un risque ? Et dans quelle mesure l'Europe doit-elle générer de la demande intérieure aujourd'hui ?"

Ángel Gurría :

_"Les guerres sont toujours négatives ! Il faut toujours engager le dialogue pour régler un problème en profondeur. Pourquoi ? Parce que sinon, vous allez simplement vous attaquer à ses effets ! Constamment, chaque année, tous les deux ans, vous allez avoir une recrudescence de ses effets si vous ne réglez pas le vrai problème. _

L'Europe ne s'est pas engagée dans une guerre commerciale à ce stade ! Et espérons-le, elle ne le fera pas. Mais la question est : comment se projette-t-elle dans l'avenir ?"

"On est toujours confronté aux conséquences de la crise"

Maithreyi Seetharaman :

"Comment l'Europe peut-elle le faire quand l'un de ses membres essentiels la quitte ? Quels sont les risques majeurs selon vous : le Brexit, les relations avec les Etats-Unis, autre chose ou tous ces points réunis ?"

Ángel Gurría :

_"Les relations avec les Etats-Unis sont cruciales parce qu'ils représentent un client très, très important. Le Brexit est déstabilisant. Le Royaume-Uni sera toujours un partenaire commercial très important pour l'Europe et une économie très importante pour l'ensemble de l'Europe. _

On a perdu une décennie à se battre pour sortir de la crise et on est toujours confronté à ses conséquences ! Les inégalités augmentent et le niveau de confiance des populations à l'égard de leur gouvernement et de leurs institutions est en net recul."

Real Economy - Economic Forecast 2018
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