Manuel Valls à Barcelone : "Il est déconnecté des réalités locales"

Manuel Valls à Barcelone : "Il est déconnecté des réalités locales"
Par Maxime Bayce
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Interview avec un politologue catalan qui estime que la candidature de Manuel Valls ne prend pas assez en compte les réalités locales, ce qui pourrait le perdre.

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On le dit parachuté, opportuniste, fini pour la politique française...Pourtant Manuel Valls devrait, selon toutes vraisemblances, tenter de relancer sa carrière politique à Barcelone. Depuis la faillite de sa candidature à l'élection présidentielle française, l'ancien Premier ministre s'est investi dans la politique espagnole.

Né à Barcelone, parlant Catalan, il s'est très clairement opposé à l'indépendance de la Catalogne. Manuel Valls devrait pouvoir compter sur le soutien de Ciudadanos, quatrième force politique du pays.Sa stratégie : apparaître comme le champion des unionistes, le symbole d'une Barcelone espagnole...Mais pour Abel Escribà Folch, politologue à l'Université Pompeu Fabra de Barcelone, il en oublie les enjeux locaux.

Est-ce que Manuel Valls a une chance, selon vous, de séduire les Barcelonais ?

Abel Escribà Folch. Non. Il est complètement hors-sol. C’est très important, spécialement dans une élection locale où les gens ont besoin de connaître les candidats. Tous les partis ont des permanences, une implantation locale dans les quartiers de Barcelone…Ils connaissant les gens. Donc venir ici en outsider en disant juste, « je veux être candidat pour les forces unionistes », n’a aucun sens. Les habitants ici pensent « mais qu’est-ce qu’il veut ? ». Il a fini sa carrière en France et essaie de la relancer en venant à Barcelone et en disant qu’il va sauver la ville de ce qu’il estime être une menace ?

Il semble pourtant qu’il pourrait avoir un espace entre la droite, le Parti Populaire, et la gauche d’Ada Colau, la maire actuelle ?

En terme de partis, tous les espaces sont pris. A priori, il n’y a rien de nouveau au niveau des propositions ou même de l’idéologie. De la droite à la gauche, des unionistes aux indépendantistes, nous avons tous types de partis. Sa seule possibilité est d’avoir le soutien d’un parti ou d’une coalition, ce qu’il essaie actuellement de faire. (…) Il vient en fait ici en traduisant les politiques nationales espagnoles comme il les perçoit à l’échelle de la ville et en disant, « je suis le sauveur ».

Si Manuel Valls venait à être candidat du parti de centre droit Ciudadanos, qui est donné à près de 20%, il pourrait avoir une chance ?

Si Ciudadanos devient le premier parti politique de Barcelone, vu la fragmentation du système politique, il a une chance, je ne l’exclus pas. Mais quelle sera sa part de responsabilité dans cette victoire ? Je me pose la question. On ne sait toujours pas sous quelle forme, plate-forme ou coalition, il pourrait mener sa candidature. Quant à un "effet Manuel Valls", c’est impossible à quantifier. Tout n’est que spéculation aujourd’hui.

Quelle est sa principale faiblesse ?

Il est complètement déconnecté de la ville. Barcelone présente de nombreux problèmes qui vont bien au-delà de la question indépendantiste, bien au-delà de sa stratégie à unifier un front « unioniste » contre les indépendantistes. C’est une grande ville qui a des problèmes liés au tourisme de masse, au prix des appartements et bien d’autres problématiques. Tous les candidats devront s’y attaquer, les gens vont leur demander. Peut-être que Manuel Valls a des bonnes connexions avec les habitants les plus privilégiés de Barcelone, ceux des hauteurs de Barcelone mais ça ne veut pas dire qu’il connaît les problèmes de la ville. Une connaissance qui lui permettrait de faire une proposition de candidature attirante et permettrait aux gens de se dire « c’est intéressant, j’aimerais voter pour lui ». Cette déconnexion des réalités locales va vraiment être son principal obstacle.

Ses origines catalanes, sa maîtrise de la langue, son statut d’ancien Premier ministre, peuvent-ils quand même peser comme on semble le dire en France ?

Je pense que ça ne changera pas grand-chose. Tout le monde sait qu’il vient en tant que candidat unioniste favorable aux partis nationalistes. Au-delà de ça, qu’a-t-il à dire ? Le fait qu’il ait été Premier ministre pourrait jouer en sa faveur mais Barcelone est une ville avec beaucoup de diversité et les gens vont avoir des niveaux d’informations sur les profils des candidats très variés…Et puis, ici les habitants dans l’ensemble pensent que Manuel Valls n’a plus une très bonne réputation en France. Ils ont entendu parler de ce qu’il a fait lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, des politiques très strictes contre les migrants et les Roms. Ils savent aussi que c’est devenu un député fantôme à l’Assemblée nationale française (ndlr: élu de l’Essonne, Manuel Valls fait partie des 150 députés les moins actifs). Essayer de venir ici, pour beaucoup de gens va paraître une démarche extrêmement opportuniste et absolument pas crédible.

(...) Il me semble que les gens ne le prennent pas au sérieux, il est même tourné en ridicule. Peu de gens font attention à lui. Peut-être que cela va changer avec son annonce aujourd’hui car les médias vont parler de lui, avec le risque pour Valls que beaucoup d’informations négatives sortent dans les médias espagnols.

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