Malformations en France : une lanceuse d'alerte licenciée

Malformations en France : une lanceuse d'alerte licenciée
Par Anne-Lise Fantino
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L'épidémiologiste qui tente d'attirer l'attention des pouvoirs publics français depuis de nombreuses années sur de potentiels foyers de malformations s'est vue notifier son licenciement, et la structure qu'elle dirige est menacée de fermeture.

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A six ans, Charlotte vit comme les autres enfant de son âge , ou presque. Elle est née dans un village breton, Guidel, en France. Sans main gauche. "Je sais faire du vélo, je sais nager...", explique-t-elle, le long de la plage, avec un large sourire. 

Une malformation qui n'est pas d'origine génétique, et n'est pas liée à une prise de médicaments ou de drogue. Sa mère, médecin, n'a pas d'explication, alors que trois autres enfants sont aussi touchés dans le village.

"Des réponses pour ma fille, je n'en aurai probablement pas. On pourra probablement juste, si on identifie des facteurs favorisant [ces malformations], le savoir pour les grossesses futures et agir".

Quatre cas sont signalés à Guidel, dans le Morbihan, trois autres à Mouzeil,en Loire-Atlantique, et 7 dans l'Ain, autour de Druillat, dans un rayon de 17 kilomètres. Un taux 58 fois supérieur à la normale.

Seul point commun entre ces familles : habiter en zone rurale, plus précisément à proximité de champs de maïs ou de tournesols. Si les soupçons se portent sur les pesticides, reste à réaliser des études d'ampleur pour identifier les causes de ce phénomène, révélé par Emmanuelle Amar, épidémiologiste, et directrice du registre qui recense les malformations dans la région, le REMERA.

"On ne sait pas de quel ordre est l'exposition", lance Emmanuelle Amar. "Est-ce qu'elle s'est faite par voie alimentaire ? Par l'eau ? Par l'air? On n'en sait rien. Toujours est-il que ce que l'on suspecte, c'est une substance, quelque chose dans l'environnement des mères qui a été suffisamment puissant pour empêcher le bras de se former".

Des cas signalés depuis 2011 aux autorités sanitaires françaises, en particulier à l'agence Santé Publique France, et auprès de l'INVS, l'Institut National de Veille Sanitaire, mais en vain

Le REMERA est désormais menacé de fermeture, car 120 000 euros de fonds publics ont été supprimés. Des fonds en provenance du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, et de l'Etat, par le biais de l'INSERM, et de Santé Publique France

Le 24 octobre dernier, Emmanuelle Amar a été licenciée, à la suite d'un entretien avec les Hospices Civils de Lyon, prévu à cet effet.

La ministre de la santé Agnès Buzyn a annoncé qu'une nouvelle enquête serait lancée, sous l'égide de Santé publique France", l'organisme qui a longtemps refusé de se pencher sur ces malformations, et de l'ANSES.

A la suite de ces annonces, la députée européenne écologiste Michèle Rivasi appelle à la vigilance. "Est-ce que cette équipe-là va intégrer la connaissance qu'a Emmanuelle Amar ?", s'alarme Michèle Rivasi. "Si on supprime Emmanuelle Amar, si elle ne retrouve pas son poste ? Je n'ai pas de garanties qu'on aura accès aux résultats".

Aujourd'hui, quatre registres de malformations permettent à peine de couvrir 19 % des naissances sur le territoire français. Le REMERA, qui était l'un de ceux-ci, était l'unique à être totalement indépendant, et constitué sous forme associative.

Emmanuelle AMAR n'exclue pas de former un recours pour contester son licenciement sur le fondement de la loi Sapin 2 , qui vise à protéger les lanceurs d'alerte en France. Une directive européenne sur cette protection nécessaire est en cours de discussion, mais ne sera pas forcément adoptée avant la fin de la législature, en mai prochain".

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