Le retrait américain de Syrie, une décision aux lourdes conséquences

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Par AFP
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Le retrait des troupes américaines de Syrie n'aura pas uniquement un impact sur le terrain militaire, il aura aussi des conséquences diplomatiques, géopolitiques et internes tant la guerre syrienne concentre un enchevêtrement de conflits et d'intérêts souvent divergents.

- QUELLES CONSEQUENCES SUR LE TERRAIN? -

Pour la Maison Blanche, les "victoires" sur l'Etat islamique (EI) en Syrie "ne signalent pas la fin" de la "campagne militaire" internationale contre les jihadistes. Pourtant, les frappes aériennes contre l'EI dans l'Est syrien dépendent largement des renseignements obtenus sur le terrain par les soldats américains et leurs alliés arabo-kurdes.

Dans l'immédiat, la décision de Donald Trump "pourrait provoquer des affrontements importants entre la Turquie et les Kurdes, si les Américains ne sont plus là pour faire tampon militairement et diplomatiquement", prévient Jonas Parello-Plesner, du cercle de réflexion Hudson Institute.

Minbej, une ville contrôlée par des milices kurdes et où des soldats américains sont aussi stationnés, pourrait être "la première à s'embraser", dit-il à l'AFP.

Ankara menace en effet d'une offensive imminente contre eux, ce qui ne semble pas avoir dissuadé Washington de sonner le retrait.

Du coup, les combattants kurdes risquent de se détourner de l'opération contre les derniers jihadistes retranchés près de la frontière irakienne. Or cette bataille fait rage: la coalition internationale a encore mené 208 frappes aériennes du 9 au 15 décembre.

- QUELLES CONSEQUENCES GEOPOLITIQUES? -

Une multitude de conflits se superposent en Syrie: entre Damas et ses opposants, contre les jihadistes, entre la Turquie et les Kurdes...

La guerre contre l'EI est le motif officiel de la présence américaine.

Et à cet égard, "nous sommes sur le point de faire la même erreur au Moyen-Orient qu'au cours des vingt dernières années", a estimé sur Twitter l'ex-diplomate Ilan Goldenberg, du think tank Center for a New American Security.

L'ex-président Barack Obama "a tenté de quitter" l'Irak, "mais notre départ a ouvert la voie à l'EI", et contraint les Américains à revenir, a-t-il souligné, prédisant le même sort à Donald Trump car les groupes jihadistes "vont se reconstituer".

Quant au conflit civil syrien, Washington semble s'être résigné à une victoire du régime de Bachar al-Assad, soutenu par la Russie et l'Iran.

Le départ des GIs entérine cette réalité. "Cela finit de faire de la Russie la puissance étrangère qui détient les clés du pouvoir syrien", estime Jonas Parello-Plesner.

Mais cela risque d'affaiblir la position des Etats-Unis lorsqu'ils réclameront le retrait des Iraniens -- autre priorité de la très confuse stratégie syrienne de l'administration Trump, qui a fait du combat contre Téhéran l'axe central de sa politique au Moyen-Orient.

"C'est un dilemme", "comment endiguer les avancées iraniennes en Syrie sans même plus disposer, comme moyen de pression, de la présence militaire américaine?", s'interroge Jonas Parello-Plesner.

Israël, qui se trouve ainsi un peu plus seul face à l'Iran, son ennemi régional, a prévenu qu'il "saurait se défendre" malgré tout, laissant craindre l'ouverture de nouveaux fronts.

Enfin, s'agissant de la Turquie, certains se demandent si le retrait américain n'est pas aussi lié à la réconciliation entre Donald Trump et le président turc Recep Tayyip Erdogan après des mois de tensions. Hasard du calendrier? Washington a annoncé mercredi avoir approuvé la vente de son système antimissiles Patriot à Ankara, jusque-là décidée à acheter le système concurrent russe.

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- QUELLES CONSEQUENCES POUR LES ALLIES OCCIDENTAUX? -

Lorsque Donald Trump avait envisagé un retrait de Syrie au printemps, les Européens étaient montés au créneau pour l'en dissuader.

"Sans surprise, cela rend les Européens plus vulnérables -- et montre à quel point nous avons tort de ne pas disposer d'une force de défense capable de contribuer à stabiliser les régions dans notre voisinage immédiat", a réagi mercredi sur Twitter l'eurodéputé Guy Verhofstadt, ex-Premier ministre belge, évoquant "une victoire pour la Russie, l'Iran, la Turquie" et in fine "le régime syrien".

La France, qui a déployé des soldats des forces spéciales en Syrie en renfort des militaires américains, va-t-elle se retirer dans la foulée? Mardi encore, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian soulignait que la reprise des derniers territoires contrôlés par l'EI en Syrie était "l'absolue priorité" mais qu'il fallait ensuite "stabiliser les zones libérées".

- QUELLES CONSEQUENCES SUR LA SCENE POLITIQUE AMERICAINE? -

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La décision de Donald Trump ne semble pas faire l'unanimité dans sa propre administration: les responsables chargés du dossier syrien assuraient il y a encore quelques jours que l'EI était loin d'être durablement vaincu et que la présence américaine allait donc encore durer un bon moment.

Au Congrès aussi, les réactions négatives ne se sont pas fait attendre, jusque dans les rangs républicains du président, déjà ulcérés par le soutien apporté par l'administration aux dirigeants saoudiens malgré le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.

C'est "une énorme erreur", a résumé le sénateur Lindsey Graham, généralement allié de Donald Trump.

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