Moldavie: du "vol du siècle" à la course au Parlement

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Ses affiches sont omniprésentes, ses soutiens puissants: Ilan Shor a beau avoir été condamné dans le cadre d'une fraude d'un montant époustouflant d'un milliard de dollars, il ne lésine pas sur le moyens pour être élu député dimanche lors des législatives en Moldavie.

"Personne ne regrettera d'avoir voté pour Shor", lance, parlant de lui-même à la troisième personne, le candidat qui à 31 ans est déjà maire d'Orhei, ville du centre de cette ancienne république soviétique nichée entre la Roumanie et l'Ukraine.

Depuis des années, le pays est partagé entre partisans d'un rapprochement avec Moscou, qui ont porté à la présidence en novembre 2016 Igor Dodon, et ceux d'une intégration à l'Union européenne, dont des membres du gouvernement, provoquant des crises politiques à répétition.

Selon les sondages, trois partis -- le Parti démocrate au pouvoir, les socialistes du président prorusse Igor Dodon et une alliance pro-européenne de centre-droit -- devraient entrer au Parlement.

Si aucune de ces formations n'obtient la majorité pour former seule un gouvernement, les analystes craignent une nouvelle période d'instabilité.

A Orhei l'optimisme est de mise: Ilan Shor, à la tête de son propre parti, semble assuré d'accéder au Parlement grâce au mode de scrutin mixte alliant proportionnelle et scrutins locaux.

Celui qui se présente comme "businessman", né à Tel Aviv de parents d'origine moldave, a pourtant été condamné en 2017 à sept ans et demi de prison pour son rôle dans une gigantesque fraude bancaire. Il reste libre en attendant l'examen de son appel.

L'affaire, qui porte sur des transactions douteuses représentant un milliard de dollars et effectuées fin 2014 par trois banques moldaves, a été décrite comme "le vol du siècle". L'argent, dont la trace n'a jamais été retrouvée, représentait environ 15% du produit intérieur brut du pays. Selon la compagnie d'audit américaine Kroll, M. Shor, président du conseil d'administration de l'un de trois établissements, en avait été le principal bénéficiaire.

Plusieurs autres responsables politiques auraient reçu une partie de cette somme transformée par la suite en dette publique, un poids considérable pour la Moldavie, pays le plus pauvre d'Europe.

Un mois après sa mise en accusation, M. Shor, qui clame son innocence, était élu maire d'Orhei, avec plus de 60% des suffrages et vise désormais le Parlement.

- "Bouc émissaire" -

En campagne dans le sud, il affirme que "la corruption est le problème le plus grave de Moldavie", mais assure que ce fléau touche surtout les magistrats.

"Ils veulent me transformer en bouc émissaire, mais ils ne réussiront pas", lance-t-il en russe devant un parterre de retraités, promettant de "développer tout le pays" s'il est élu député.

Dans son fief d'Orhei, ses déboires en justice ne semblent pas gêner ses électeurs.

"M. Shor a fait tout ce qu'il a promis: rues pavées, aires de jeu, chauffage", assure Raïssa, 68 ans, élégante marchande de vêtements. "S'il avait été coupable, il aurait fui le pays".

"Sa condamnation est injuste, nous le soutenons," lance une autre femme, Lena, 63 ans.

Venus sur la place centrale protester contre les "partis antidémocratiques", de jeunes militants d'une ONG se retrouvent rapidement entourés de dizaines d'habitants venus les invectiver.

"Nous n'avons pas besoin de vos ordures", lance un homme en colère, déchirant le journal distribué par ces militants.

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Andrei, 30 ans, l'un des activistes, n'est pas surpris: "M. Shor a volé le milliard et en a rendu un tout petit peu à la ville. Pour les gens, un magasin social ou une pharmacie aux prix bas comptent beaucoup".

- "Complicité des autorités" -

Lilia Carasciuc, directrice de l'antenne moldave de Transparency International, décrit dans un entretien à l'AFP tout un réseau de complicités entre les autorités et M. Shor: "Le pouvoir le soutient financièrement" et rechigne à enquêter sur ses activités politiques ou ses affaires.

Elle dénonce l'"impunité" dont bénéficierait M. Shor dont le procès en appel tarde.

L'Union européenne, qui a signé avec la Moldavie un accord de libre-échange en 2014, a dénoncé en novembre "une détérioration de l'Etat de droit et de la démocratie" et réduit son aide financière.

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Bruxelles a exhorté Chisinau à "enquêter de manière approfondie et impartiale sur la fraude bancaire, récupérer l'argent et traduire en justice tous les coupables, quelle que soit leur affiliation politique".

Mme Carasciuc ne se fait toutefois pas d'illusion: "En Moldavie la justice fait seulement ce qu'on lui ordonne".

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