Bosnie: Karadzic ou l'impossible réconciliation

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Les veuves bosniaques de Srebrenica espèrent qu'il mourra en prison; les Serbes de Bosnie ont une cité universitaire à son nom: un quart de siècle après la guerre, Radovan Karadzic incarne l'impossible réconciliation en Bosnie.

Mercredi, la justice internationale décide si elle confirme en appel la condamnation à 40 ans de prison pour crimes de guerre, contre l'humanité, et pour génocide, prononcée en 2016 contre ce psychiatre devenu théoricien de l'épuration ethnique durant la guerre de 1992-95 (environ 100.000 morts).

Parmi les atrocités reprochées à l'ex-président de la "Republika Srpska", la République des Serbes de Bosnie, il y a le siège de Sarajevo et le massacre de Srebrenica, considéré par la justice internationale comme un acte de génocide.

Plus de 8.000 hommes et adolescents bosniaques musulmans avaient été abattus en quelques jours de juillet 1995, pire carnage commis sur le sol européen depuis la Deuxième guerre mondiale.

Mais parmi les Serbes orthodoxes (un tiers des 3,5 millions de Bosniens pour une moitié de Bosniaques musulmans), beaucoup célèbrent toujours en "héros" leur ex-chef politique, 73 ans.

A leurs yeux, lui et l'ancien patron des forces serbes de Bosnie, Ratko Mladic, ont sauvé le peuple serbe face aux Bosniaques. La Republika Srpska a décoré en 2016 Karadzic, lui reconnaissant ses "mérites particuliers". Et elle a formé une commission pour réexaminer le massacre et le nombre de morts.

- "Nier que nous avons eu pères et frères" -

De quoi révulser Bida et Vasva Smajlovic, venues se recueillir au mémorial de Potocari, près de Srebrenica, en mémoire de leurs époux, Hamdija et Ismet, deux frères tués quand cette enclave musulmane de l'est de la Bosnie, était tombée entre les mains des forces de Mladic, condamné en 2017 à la perpétuité.

"Nous sommes en vie, mais nous sommes mortes aussi", dit Bida Smajlovic, 66 ans qui, en larmes, désigne les alignements de tombes. "Rien ne peux apaiser la douleur et combler le vide. Mais mon âme serait un peu soulagée si je savais qu'il ne retrouvera pas la liberté", poursuit Vasva Smajlovic, 75 ans.

Vivant toujours à Srebrenica, Nedzad Avdic est un survivant: à 17 ans il fut l'un des rares à échapper à l'exécution, sur un site où son père et plusieurs oncles ont été tués. Il espère une confirmation du verdict "car après ils ne pourront plus nier ce qui s'est produit ici, nier que nous avons eu des pères, des frères, dire qu'ils n'ont pas été exécutés".

- "Manipulations" -

Nedzad Avdic a récemment assisté à une conférence visant à "démythifier" le massacre, donnée par Dusan Pavlovic, membre de la commission de la Republika Srpska sur Srebrenica. Devant une salle acquise à ses thèses, celui-ci a présenté son livre "Bataille pour Srebrenica, guerre pour la civilisation", et dénoncé "manipulations" et "demi-vérités qui ne peuvent contribuer à la réconciliation".

Selon Dusan Pavlovic, "entre 4.500 et 5.500" des morts de Srebrenica ont été tués au combat, "dans des batailles intestines (entre Bosniaques), en se suicidant ou dans des champs de mines", et Potocari n'est pas un mémorial mais "un cimetière militaire".

Si des prisonniers ont été exécutés, Karadzic et Mladic n'y sont pour rien, ce dernier serait même venu en personne à Srebrenica s'assurer "que rien de mauvais ne s'y passe", poursuit-il.

Le maire Mladen Grujicic, un Serbe qui a ravi la commune aux Bosniaques en 2016, a expliqué à cette conférence qu'à ses yeux les morts de Srebrenica ont été victimes du "projet de leurs dirigeants politiques visant à sacrifier le peuple bosniaque" pour s'attirer le soutien international.

"La réconciliation avec ces négationnistes est une illusion", résume Nedzad Avdic venu avec quelques amis apporter la contradiction à Dusan Pavlovic.

Dans le fief de Karadzic à Pale, à une quinzaine de kilomètres de Sarajevo, on répugne à évoquer le passé. Mais l'ancien combattant Janko Sesilja, 58 ans, résume l'opinion générale: "dicté par les grandes puissances", le verdict de mercredi ne fait aucun doute.

Cette petite ville avait baptisé une cité universitaire en l'honneur de Karadzic, quatre jours avant le verdict en première instance.

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Sa famille y vit toujours et son ancien bras droit, Momcilo Krajisnik, lui-même condamné à La Haye, y a ouvert une station-service après sa libération.

"Je ne sais pas ce qui se passera mais je sais ce qui devrait se passer", dit-il à l'AFP, elliptique. "Je connaissais Radovan Karadzic, je travaillais avec lui. Je suis sûr qu'il ne voulait pas la guerre et qu'il n'est pas responsable" de son déclenchement.

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