Venise engloutie un jour ? Le plan "Moïse", censé la sauver, est mal parti

Venise engloutie un jour ? Le plan "Moïse", censé la sauver, est mal parti
Tous droits réservés Venice, Italy November 13, 2019. REUTERS/Manuel Silvestri
Par Joël Chatreau
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Venise ne se sent toujours pas tranquille car d'autres pics de marée sont attendus. Mais que faire pour la sauver des eaux à long terme ? Pessimisme et controverse l'emportent car le méga-projet "Moïse", visant à la protéger grâce à 78 digues flottantes, n'en finit jamais et engloutit des milliards.

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"L'avenir de Venise est en jeu, on ne peut plus vivre comme ça (...) C'est aussi notre crédibilité internationale qui est en jeu" : la gravité du problème est ici posée par le maire de la Cité des Doges lui-même, Luigi Brugnaro. La célébrissime ville italienne, parmi les plus belles et romantiques du monde, sera-t-elle sauvée des eaux à long terme ? C'est la vraie question que se posent ses habitants en premier lieu, ainsi que les autorités, et accessoirement nous tous, touristes potentiels, après l'alerte angoissante de l' "acqua alta" - la marée haute - de mardi soir qui a atteint 1,87 mètres, la plus sévère depuis 53 ans.

L'état d'urgence pour catastrophe naturelle a été déclaré jeudi lors d'un conseil des ministres à Rome, afin d'apporter des fonds significatifs, mais cela ne suffira évidemment pas. Le gouverneur de la région de Vénétie, Luca Zaia, n'a pas hésité à parler de "dégâts apocalyptiques" dans Venise. Sans aller jusque-là, environ 80% de la ville a été noyé au plus fort de la crue exceptionnelle, le centre historique et les îles du Lido et de Pellestrina ont été les plus frappés. Le joyau de la cité, la Basilique Saint-Marc, et le théâtre de La Fenice ont par exemple été inondés par près d'un mètre d'eau de mer. Les remises en état vont coûter des millions d'euros.

"Moïse" est mal engagé pour tirer Venise des eaux

Alors, pour prévenir la catastrophe absolue que serait la disparition de la beauté vénitienne, l'Italie promet d'accélérer enfin la mise en place du très ambitieux projet "Mose" (Moïse en français). Mais la population et les mouvements écologistes n'y croient qu'à demi, même si le Premier ministre, Giuseppe Conte, affirme qu'il est "prêt à 93%". Le "Moïse" italien est loin en effet d'être "tiré des eaux", il a été lancé en 2003 et au fil des longues années, il est devenu un serpent de mer.

Ce plan, présenté par ses concepteurs comme un "module expérimental électromécanique", consiste concrètement à protéger l'ensemble de la lagune de Venise en installant autour pas moins de 78 digues flottantes (voir la photo ci-dessous),censées se lever pour servir de barrages quand le niveau de la mer Adriatique atteint 3 mètres de haut. Parfait, seulement, en attendant de sauver la Cité des Doges de l'engloutissement, c'est le projet qui engloutit des milliards d'euros; au commencement des travaux, il devait coûter 2 milliards d'euros, presque 7 milliards sont désormais avalés.

Changement du climat et tourisme excessif augmentent le phénomène

La controverse est également alimentée par diverses malfaçons qui ont déjà été repérées sur l'ouvrage et par des enquêtes qui sont ouvertes à cause de soupçons de corruption pesant notamment sur l'ancien gouverneur de la Vénétie, Giancarlo Galan, et un ingénieur de l'énorme chantier. Le changement climatique n'est pas étranger non plus à la situation qui ne fait que se dégrader autour de la cité lacustre. L'ONG Greenpeace appelle le gouvernement italien à réagir dans ce domaine, dénonçant "une utilisation massive de gaz" pour les prochaines années prévue dans le plan national sur l'énergie et le climat.

Dernier constat inquiétant établi récemment par des experts : Venise, édifiée sur pilotis et qui repose sur au moins une centaine d'îles et îlots, s'est enfoncée d'environ 30 centimètres en un siècle. Ces spécialistes font remarquer que le nombre de plus en plus important des énormes bateaux de croisière qui y font escale n'a fait qu'empirer le phénomène, tout comme l'agrandissement du port de Marghera.

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