Macron fustige la "trahison" des autorités d'un Liban plus que jamais en crise

Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors d'une conférence de presse sur la situation au Liban, dimanche 27 septembre 2020 à Paris
Le président français Emmanuel Macron s'exprime lors d'une conférence de presse sur la situation au Liban, dimanche 27 septembre 2020 à Paris Tous droits réservés Lewis Joly/Copyright 2020 The Associated Press. All rights reserved
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Par Euronews avec AFP
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"J'ai honte" pour les dirigeants libanais, a lancé le président français au lendemain de l'échec d'une tentative de former un gouvernement.

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Le président français Emmanuel Macron a fustigé dimanche la "trahison" de la classe politique libanaise, au lendemain de l'échec d'une tentative de former un gouvernement dans un pays plus que jamais en crise.

"J'ai honte" pour les dirigeants libanais, a lancé le président français sur un ton grave, lors d'une conférence de presse convoquée à la hâte à l'Elysée.

Car le Liban se retrouve sans la moindre perspective de sortie de crise après le renoncement du Premier ministre désigné Moustapha Adib, incapable de former un gouvernement en raison de querelles politiciennes sur les portefeuilles.

Cette décision semble marquer l'échec de l'initiative lancée par M. Macron après la tragique explosion du 4 août au port de Beyrouth, nouvelle épreuve pour un pays en proie à la pire crise économique, sociale et politique de son histoire.

Les partis politiques s'étaient engagés auprès de M. Macron, venu à Beyrouth début septembre, à former un cabinet de ministres "compétents" et "indépendants" dans un délai de deux semaines, condition pour l'envoi d'aide internationale nécessaire au redressement du pays.

Dimanche soir, le chef d'Etat français a "pris acte de la trahison collective" des partis libanais qui, selon lui, "portent l'entière responsabilité" de cet échec.

Macron cible le Hezbollah

Sa parole était attendue. "Un renoncement aux graves répercussions et les regards tournés vers Macron", a titré dimanche le quotidien arabophone Annahar. Mais les options qui s'offrent à lui paraissent limitées. Les dirigeants du pays du Cèdre disposent d'une "dernière chance" de respecter leurs engagements, afin de constituer un "gouvernement de mission et obtenir de l'aide internationale", a-t-il exhorté.

En jetant l'éponge samedi, M. Adib a indiqué constater l'inexistence d'un consensus entre les partis en dépit de l'urgence de mener les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d'aide.

Les craintes vont crescendo d'une dégradation supplémentaire de la situation dans le pays, où la classe dirigeante quasi inchangée depuis des décennies est accusée de corruption, d'incompétence et d'indifférence par une grande partie de la population.

Le chef de l'Etat libanais doit désormais mener de nouvelles consultations parlementaires contraignantes pour désigner un Premier ministre. Mais ce processus risque, une nouvelle fois, de s'éterniser, voire d'échouer.

La formation du gouvernement a été entravée par les revendications du parti chiite Hezbollah, un allié de l'Iran qui domine la vie politique libanaise, et de son allié Amal, qui réclamaient le portefeuille des Finances.

Selon les observateurs, leur obstination est liée aux sanctions américaines imposées à un ministre d'Amal, qui était aux Finances, et à deux compagnies affiliées au Hezbollah.

Le Hezbollah "ne doit pas se croire plus fort qu'il ne l'est", a tancé Emmanuel Macron. Ce parti "ne peut en même temps être une armée en guerre contre Israël, une milice déchaînée contre les civils en Syrie et un parti respectable au Liban. C'est à lui de démontrer qu'il respecte les Libanais dans leur ensemble. Il a, ces derniers jours, clairement montré le contraire".

"Quatre à six semaines"

Le chef de l'Etat français jette un horizon de "quatre à six semaines" pour que les bailleurs internationaux voient si un gouvernement de mission est encore envisageable ou s'il faut envisager un changement complet de paradigme.

"A l'horizon environ d'un mois, un mois et demi, nous serons obligés de faire le bilan (...). S'il n'y a aucune avancée sur le plan interne, alors nous serons obligés d'envisager une nouvelle phase de manière très claire et de poser la question de confiance: est ce qu'un gouvernement de mission sur la base de la feuille de route est encore possible ? ou est-ce qu'il faut à ce moment-là changer la donne et aller peut-être dans une voie plus systémique de recomposition politique au Liban ?", a-t-il dit, qualifiant cette piste de "très aventureuse".

M. Macron a jugé que faute d'un accord sur les bases évoquées en août, le Liban risquait soit la "guerre civile", soit de continuer de s'enliser avec un gouvernement de "profiteurs". Et dans tous les cas, que le pays ne pourrait pas compter dans ces conditions sur l'aide internationale dont il a cruellement besoin.

Les craintes sont également d'ordre sécuritaire avec une recrudescence des violences. Dimanche, deux soldats ont été tués par des "terroristes" selon l'armée, au lendemain de la mort de neuf membres d'une cellule liée au groupe jihadiste Etat islamique au Liban nord.

L'enfer ?

De son côté, les Etats-Unis se sont dits "déçus par la classe politique libanaise, qui n'a pas placé le peuple devant la politique politicienne". "Tout continue comme avant à Beyrouth", a déploré un porte-parole de la diplomatie américaine.

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M. Adib a succédé à Hassan Diab qui avait démissionné après l'explosion dévastatrice le 4 août dans un entrepôt où étaient stockées d'importantes quantités de nitrate d'ammonium au port de Beyrouth : plus de 190 morts, plus de 6 500 blessés et des quartiers entiers de la capitale détruits.

C'était le drame de trop dans un pays souffrant d'une dégringolade de la monnaie nationale, d'une hyperinflation et d'une paupérisation à grande échelle de sa population, sans oublier la pandémie de Covid-19.

Lundi, le président Michel Aoun, un allié du Hezbollah, avait averti que le Liban se dirigerait vers "l'enfer" en l'absence d'un nouveau gouvernement.

Pour le politologue Karim Bitar, "à défaut d'aller en enfer, nous assisterons probablement à une escalade de la violence, à une fragilisation des institutions publiques, à une aggravation de la crise économique et à une vague d'émigration".

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