Le Brexit aura peu d'impact sur l'orientation de l'UE selon ces deux universitaires

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Par Shona MurrayEuronews
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Décidé il y a cinq ans, le Brexit a eu plus de conséquences sur l'unité du Royaume-Uni que sur celle de l'UE. Analyse à lire dans The Global Conversation.

Cinq ans après le choix des Britanniques de quitter l'Union européenne, où en sont les 27 ? Quelles sont les conséquences pour Bruxelles et Londres ? Comment Boris Johnson gère-t-il la question de l'Irlande ? Notre journaliste Shona Murray s'est entretenue avec Brigid Laffan, professeure à l'Institut universitaire européen ainsi qu'avec l'historien Niall Ferguson.

Questions à Brigid Laffan

Shona Murray, Euronews : Pensez-vous que le Brexit est une décision historique ? Qu'est ce que cela impliquera dans 20 ou 30 ans ? Est-ce que cela a été un moment charnière pour l'UE et la Grande-Bretagne ?

Brigid Laffan : Quand le Brexit est arrivé, le vote a été un choc. Nous nous sommes inquiétés d'un potentiel effet domino, d'un début de désintégration, ou que le départ du Royaume-Uni sèmerait la division de l'âme de l'Europe. Et ce n'est pas ce qui s'est passé. En fait, l'UE a été très unie, très cohérente dans la façon dont elle a géré le Brexit et elle est déterminée à continuer. Donc, du point de vue de l'UE, le Brexit est une perte. Ce serait bien mieux pour l'UE si le Royaume-Uni était un État membre.

Soudainement, même Marine Le Pen ne plaide pas pour la sortie de la France ou Salvini ne plaide pas pour que l'Italie quitte l'euro.
Brigid Laffan
Professeure à l'Institut universitaire européen

Mais étant donné le choix du Royaume-Uni, il est respecté, mais il ne pourra pas avoir d'impact à long terme sur l'orientation de l'UE. En fait, cela a rendu la tâche plus difficile pour ce que j'appellerais les eurosceptiques durs à travers l'Europe, parce que soudainement, même Marine Le Pen ne plaide pas pour la sortie de la France ou Salvini ne plaide pas pour que l'Italie quitte l'euro. Je pense donc qu'à long terme, oui, c'est une perte. C'est une perte géopolitique. Cela signifie que l'UE doit gérer un voisin turbulent. Mais est-ce que cela agira réellement comme un frein au projet européen ou aux 27 ou à une UE encore plus large ? Je ne crois pas.

L'Écosse devrait pouvoir "adhérer avec une relative facilité"
Brigid Laffan
Professeure à l'Institut universitaire européen

Shona Murray, Euronews : Pensez-vous qu'une Ecosse indépendante pourrait être facilement acceptée en tant qu'Etat membre de l'UE ?

Brigid Laffan : Je pense que ce serait compliqué, comme toujours, en terme d'élargissement. Mais ils remplissent les critères. Ils sont pro-européens et je pense qu'ils pourraient adhérer avec une relative facilité.

Shona Murray, Euronews : Mais par exemple, le gouvernement espagnol ne s'y opposerait pas nécessairement si le référendum était légitime...

Brigid Laffan : Non, je ne pense pas que le gouvernement espagnol puisse s'y opposer parce que l'Ecosse ne peut réintégrer l'UE qu'en tant qu'État indépendant. Ce n'est pas comme la Catalogne, pour laquelle Madrid est déterminé, à ce qu'elle ne soit pas indépendante. Je pense donc qu'il est impossible que l'Espagne puisse légitimement opposer son veto à l'adhésion de l'Écosse.

Question à Niall Ferguson

Shona Murray, Euronews : Est-ce que le Brexit sera considéré à terme, comme un événement historique ?

Niall Ferguson : Bien sûr que oui. Après tout, se détourner après 50 ans, du projet européen était un changement majeur dans la trajectoire de la politique britannique. Mais je pense que la plus grande signification du Brexit réside dans le fait qu'il débarrasse les 27 membres restants de l'un des principaux obstacles à une intégration plus poussée, à savoir le Royaume-Uni. De tous les États membres, le Royaume-Uni était le plus réfractaire à l'intégration fiscale pour prendre des mesures plus importantes en direction d'une Europe fédérale.

L'une des choses curieuses du débat sur le Brexit a été l'incapacité du grand public à réaliser combien de choses qu'il trouvait frustrantes dans la bureaucratie étaient britanniques plutôt qu'européennes
Niall Ferguson
HIstorien

**Shona Murray, Euronews : Mais quels sont les dividendes du Brexit pour le Royaume-Uni ?
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Niall Ferguson : Je pense que c'est le genre de question que je posais en 2016, parce que vous n'allez pas me dire qu'un accord de libre-échange avec l'Australie est un substitut à la pleine adhésion au marché unique et à l'union douanière. Je pense que la question clé est celle que Dominic Cummings a soulevé avant sa chute politique. Le Royaume-Uni pourrait-il profiter de sa sortie de l'UE pour réinventer son propre secteur public ? L'une des choses curieuses du débat sur le Brexit a été, je pense, l'incapacité du grand public à réaliser combien de choses qu'il trouvait frustrantes dans la bureaucratie étaient britanniques plutôt qu'européennes. Lorsque j'ai plaidé contre le Brexit en 2016, j'ai dit que souvent, dans un divorce, les gens pensent qu'ils vont résoudre leurs problèmes en se séparant. Mais ils découvrent alors que beaucoup de choses qu'ils pensaient être des problèmes liés au mariage sont en fait des problèmes personnels. Et je pense que de nombreux problèmes de la Grande-Bretagne, en particulier les dysfonctionnements de l'administration britannique, dont Dominic Cummings se plaint depuis de nombreuses années, sont toujours là et ne sont pas résolus par le Brexit.

Shona Murray, Euronews : Et bien sûr, l'une des choses que le Brexit doit prouver, c'est qu'il n'est pas une menace pour la sécurité et la paix en Irlande du Nord. Et vous avez ce différend en cours sur le protocole de l'Irlande du Nord qui a été négocié, en prenant minutieusement en compte l'accord du Vendredi Saint. Tout le monde a expliqué en détail ce qu'il exigerait, des contrôles en mer d'Irlande, et pourtant le gouvernement britannique refuse de l'appliquer. A votre avis, que devraient faire le Royaume-Uni et l'UE pour sortir de cette impasse ?

Niall Ferguson : Il est très difficile de proposer une solution rapide à ce problème. Cela a toujours été un problème très, très délicat pour lequel il n'y a pas de solution satisfaisante pour toutes les parties. Je pense que le message a été transmis haut et fort par Joe Biden en Cornouailles (Ndlr : lors du sommet du G7 du 11 au 13 juin 2021), à savoir que les États-Unis n'ont aucune sympathie pour toute tentative du Royaume-Uni de revenir sur le protocole d'Irlande du Nord. J'ai donc le sentiment que nous devrions penser à cela de la même manière que nous pensons à la relation de la Suisse avec l'UE. Et je pense que cette analogie est beaucoup plus utile que toutes les autres qui ont été brandies au cours des cinq dernières années.

Shona Murray, Euronews : Oui, mais la menace d'un retour de la violence, est imminente et très sérieuse.

Niall Ferguson : Boris Johnson est le dernier en date d'une longue succession de politiciens britanniques qui, ayant passé presque toute leur vie en Angleterre, ne comprennent pas très bien le problème nord-irlandais. Et à un moment donné, ils reçoivent généralement une éducation plutôt dure. Et c'est ce que nous voyons se produire maintenant. Je pense que du point de vue de Boris Johnson, le Brexit est un cadeau. De son point de vue, c'est ce qui lui a permis d'atteindre l'apogée de sa carrière politique. Il a pris ce risque en 2016 en faisant défection au gouvernement de David Cameron. Et cela a marché pour lui. Il a remarqué - et c'est très important - que ce qui marche bien dans le nord de l'Angleterre lui garantit une position dominante.

Tant que ce sera le cas, Boris ne se souciera pas de provoquer des troubles en Irlande du Nord, car politiquement, c'est beaucoup, beaucoup moins important pour lui. C'est une prise de risque, comme vous le laissez entendre à juste titre. Cela pourrait conduire à une certaine reprise des troubles dont nous nous souvenons tous avec le cœur lourd.

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