L’UE s’engage contre les pressions économiques de ses concurrents internationaux

L’UE s’engage contre les pressions économiques de ses concurrents internationaux
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Par Jorge LiboreiroEuronews
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La Commission européenne propose la mise en place d’un mécanisme pour permettre aux 27 de répondre aux mesures de coercition économique décidées par des pays tiers.

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L'Union européenne cherche à s’équiper contre les pressions économiques. Les 27 pourraient bientôt disposer d’une nouvelle arme commerciale pour punir les pays tiers qui interfèrent dans les décisions politiques entre les Etats membres.

"Nous n'hésiterons pas à riposter lorsque nous serons menacés", déclare le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, "nous n'accepterons pas les tactiques d'intimidation."

L’institution a proposé mercredi de pouvoir imposer des sanctions aux gouvernements étrangers, aux entreprises étrangères et aux personnalités étrangères qui utilisent leurs liens commerciaux et financiers dans le but d’influencer les choix de l’UE.

Les représailles potentielles pourraient prendre la forme de droits douane, de restrictions d’importations, d'exclusion des appels d'offres publics, de limitation des investissements étrangers et d'annulation des contrats européens.

L’annonce de la Commission intervient dans un climat de tension géopolitique qui secoue le commerce international. A titre d’exemple, la Chine a bloqué récemment l'entrée de certaines marchandises lituaniennes dans ses ports, affirmant que le pays balte avait été supprimé du système de déclaration de douane.

La Lituanie présente cette interdiction comme une mesure de rétorsion pour avoir autorisé Taïwan à ouvrir un bureau de représentation à Vilnius.

Valdis Dombrovskis estime que ce différend pourrait justifier l'application du nouvel instrument. Le responsable letton précise toutefois que cet outil n’est pas conçu contre un pays en particulier.

Le cas de la Chine est loin d'être un épisode isolé. Il fait suite à d'autres affaires controversées qui ont mis l'UE, partisane du libre-échange, dans une position difficile.

L'année dernière, le président turc a tenté de mettre en place un boycott international des produits français après que l’annonce du président français de mesures destinées à défendre la laïcité contre l'islam radical.

En 2018, le président américain Donald Trump a décidé d’imposer des droits de douane sur l'acier et l'aluminium européen. L’ancien dirigeant faisait alors valoir que ces importations menaçaient la sécurité nationale des Etats-Unis.

Quel est l'objectif de cette arme commerciale ?

L'instrument anti-coercition permettra aux 27 de répondre collectivement aux Etats qui recourent aux pressions économiques, à l'intimidation et aux menaces pour tenter d'influencer les affaires européennes.

L'objectif principal de cet outil n'est toutefois pas la punition, mais plutôt la dissuasion. La Commission espère que la perspective de sanctions suffira à dissuader les capitales qui voudraient se livrer au chantage commercial. Le mécanisme ne s'appliquera qu'aux pratiques coercitives des pays non membres de l'UE, souligne Valdis Dombrovskis.

Christophe Licoppe/ EC - Audiovisual Service
Le vice-président de la Commission propose une nouvelle arme commerciale pour l'UEChristophe Licoppe/ EC - Audiovisual Service

La coercition exercée par des entreprises privées et des particuliers sera également pénalisée si le comportement s'inscrit dans un projet mené par un acteur étatique.

Ce lien sera toutefois plus difficile à prouver. Une campagne en début d’année sur les réseaux sociaux chinois avait appelé au boycott de H&M. L’entreprises de mode suédoise avait annoncé un peu plus tôt qu'elle ne s'approvisionnerait plus en coton issu du travail forcé en provenance dans la région du Xinjiang.

Comment fonctionnera ce mécanisme ?

Cette arme commerciale prévoit une activation relativement simple pour faciliter la réaction de l'Union.

Tout pays, entreprise ou entité de l'UE sera en droit de déposer une plainte auprès de la Commission. L’institution mènera alors une enquête afin de rassembler les preuves nécessaires pour déterminer si le différend relève de la coercition économique ou de l'Organisation mondiale du commerce.

Si la Commission conclut que la situation est effectivement un cas de pression économique, elle prendra contact avec le pays accusé et entamera des négociations pour trouver une solution. Si la médiation échoue et que les pressions persistent, la Commission peut accentuer sa réponse et recommander des contre-mesures.

Ces représailles devront être approuvées à la majorité qualifiée des États membres. Ce dernier point à son importance. Il permettra de contourner l'exigence de l'unanimité qui bloque souvent la politique étrangère de l'UE.

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Une fois approuvées, l'ensemble des 27 États membres devront appliquer les sanctions à l'encontre du pays tiers, même s'ils ne sont pas des victimes directes de la campagne de coercition.

Une annonce saluée par les eurodéputés

Les députés du Parlement européen ont réagi positivement à la proposition de la Commission. Les élus réclamaient un tel dispositif.

"L'instrument s'écarte du business as usual à Bruxelles", écrit Bernd Lange (S&D), président de la commission du Commerce international. "L'Union européenne doit reconnaître la réalité d'un paysage géopolitique de plus en plus dur."

Hilde Vautmans (Renew Europe) et Reinhard Bütikofer (les Verts), saluent également ce nouvel outil, qu'ils jugent pour contrer le comportement agressif de la Chine.

La France et l'Allemagne devraient apporter leur soutien à cette proposition. En revanche, la Suède et la République tchèque ne cachent pas leurs inquiétudes quant à la portée de l'instrument. Les deux capitales insistent sur le fait que les sanctions doivent êtres "exceptionnelles", conformes au droit international et avoir un impact limité sur l'économie européenne.

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Compte tenu des nombreux intérêts économiques, parfois divergents, entre les États membres, le projet risque d'être "fortement édulcoré" au cours du processus institutionnel, prédit le professeur John O'Brennan de l’Université nationale d’Irlande. Néanmoins, il estime que si l'essence du cadre commun est préservée cela changera profondément la donne.

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