Les dirigeants arménien et azerbaïdjanais se rencontrent mercredi à Bruxelles quelques jours après des mouvements de troupes de Bakou dans le Haut-Karabagh. Moscou et Erevan dénoncent une violation du cessez-le-feu.
Les dirigeants arménien et azerbaïdjanais doivent se rencontrer mercredi 6 avril à Bruxelles autour du président du Conseil européen Charles Michel, dans l'espoir d'organiser des pourparlers de paix.
Bakou n'a pas confirmé dans l'immédiat la tenue de ce sommet, mais l'Union européenne a indiqué dans un communiqué que des hauts responsables des deux pays s'étaient vu mercredi à Bruxelles pour préparer le rendez-vous.
Cette annonce survient alors que la tension est montée d'un cran dans la région du Haut-Karabagh (République autoproclamée d'Artsakh en arménien).
Moscou et Erevan accusent Bakou d'avoir violé le cessez-le-feu
Le territoire est sécurisé depuis la fin de la guerre en novembre 2020 par des forces de la paix russes composées de 2 000 hommes. Mais le 24 mars, les troupes azerbaïdjanaises ont franchi la ligne de contact, en prenant position dans les environs du village de Parukh.
La Russie et l'Arménie ont dénoncé une violation de cessez-le-feu, Moscou accusant l'armée azerbaïdjanaise d'avoir occupé la localité et d'avoir fait usage de drones d'attaque. Trois militaires arméniens ont été tués, d'après Erevan.
Pour leur part, les États-Unis se sont dits profondément préoccupés par les mouvements de troupes de l'Azerbaïdjan.
L'Arménie a en outre accusé Bakou d'avoir délibérément coupé le gaz au Haut-Karabagh pendant une bonne partie du mois de mars, empêchant la population de se chauffer malgré une météo hivernale. Une pratique dénoncée par plusieurs ONG.
Sur place, Anahit Grigoryan, raconte l'arrivée des troupes azerbaïdjanaises :
"_L'ennemi est venu et a essayé de pénétrer dans notre village. D'abord, ils nous ont demandé de quitter la zone avec des haut-parleurs : «__Vous êtes sur le territoire de l'Azerbaïdjan, si vous pensez à la vie de vos enfants, obéissez à nos lois_»" raconte cette mère de famille, désormais réfugiée dans un village voisin.
Bakou profiterait de l'enlisement russe en Ukraine
L'Azerbaïdjan considère l'ensemble du Haut-Karabagh comme faisant partie de son territoire. Dans la zone de Parukh, le ministère russe de la défense a annoncé que les forces azéries s'étaient retirées. Mais Bakou a démenti cette information, tenant tête à Moscou et insistant sur sa souveraineté.
Selon les spécialistes de la région, l'enlisement de la Russie en Ukraine serait vue par l'Azerbaïdjan comme une opportunité de maintenir la pression sur ces forces de la paix.
L'Arménie a demandé à la Russie de faire cesser les provocations azerbaïdjanaises, Erevan évoquant un risque d'épuration ethnique.
Sur place les populations arméniennes en viennent même à douter des capacités de la Russie à faire régner la paix. Dans la capitale de la république autoproclamée, Stepanakert, une femme affirme que "personne ne se soucie de nous".
"Seul Dieu sait ce que nous avons vu pendant la guerre de 2020" déplore-t-elle.
Peuplé majoritairement d'Arméniens, la région montagneuse du Haut-Karabagh, a été unilatéralement rattachée à la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan en 1921. À l'effondrement de l'URSS, le territoire a proclamé son indépendance, entraînant une première guerre dans les années 1990 remportée par les forces arméniennes, qui a causé la mort de plusieurs milliers de personnes.
Le deuxième conflit lancé à l'automne 2020 par Bakou avec le soutien de la Turquie, pour reprendre le contrôle de la région, a fait lui quelque 6 500 morts.
Ce dernier s'est soldé par une écrasante défaite de l'Arménie, contrainte de céder à l'Azerbaïdjan une partie du Haut-Karabagh et trois régions formant un glacis autour du territoire.
Conformément à l'accord de cessez-le-feu signé en 2020, le contingent russe est censé rester cinq ans sur place. Dans ce contexte, Erevan et Bakou ne parviennent pas à s'accorder sur un traité de paix, la question du statut du Haut-Karabagh étant une ligne rouge pour chacune des parties.