"Stop à la guerre contre les femmes" : mobilisation aux Etats-Unis pour le droit à l'avortement

"Mon corps, mon choix". Des manifestantes devant la Cour suprême de Washington, le 3 mai.
"Mon corps, mon choix". Des manifestantes devant la Cour suprême de Washington, le 3 mai.   -  Tous droits réservés  Alex Brandon/Copyright 2022 The Associated Press.
Par Euronews  avec AFP

"Nous ne reculerons pas, nous ne retournerons pas à l'époque où nous utilisions des cintres. Plus jamais !", a déclaré à New-York la procureure générale Letitia James. Les révélations du journal Politico mardi ont provoqué un véritable coup de tonnerre aux Etats-Unis.

"Stop à la guerre contre les femmes" : plusieurs milliers de personnes ont afflué mardi soir à New York pour crier leur "colère" contre les intentions de la Cour suprême des Etats-Unis de casser le droit constitutionnel à avorter.

C'est la très offensive procureure générale de l'Etat de New York, l'élue démocrate Letitia James, qui a sonné la mobilisation générale devant des milliers de femmes et d'hommes, plutôt jeunes, rassemblés en force sur une place du sud de Manhattan, qui abrite le palais de justice du tribunal fédéral.

Devant une marée humaine, Mme James a lancé "un appel à l'action". L'avant-projet de décision de la Cour suprême est "une alerte et ce n'est pas le moment de garder le silence (...) Nous devons nous mettre en colère", a harangué la magistrate en qualifiant la défense du droit à l'avortement "d'un des plus grands combats à mener".

"Nous ne reculerons pas, nous ne retournerons pas à l'époque où nous utilisions des cintres. Plus jamais !", a-t-elle promis en jugeant que "le droit de contrôler (son) corps était un droit fondamental".

L'avant-projet de décision de la Cour suprême est une alerte et ce n'est pas le moment de garder le silence (...) Nous devons nous mettre en colère.
Laetitia James

Dans la foule, nombre de jeunes femmes brandissaient des pancartes frappées de slogans tels que "mon corps, mon choix", "l'avortement est un droit humain", "stop à la guerre contre les femmes" ou "j'aurai moins de droits que ma mère".

Mardi, le président démocrate Joe Biden a lancé une grande bataille politique pour défendre le droit à l'avortement, un sujet autour duquel l'Amérique s'est toujours déchirée et qui, suite à une révélation explosive sur les intentions de la Cour suprême, s'impose comme un enjeu majeur des élections législatives prévues en novembre.

Au lendemain de l'extraordinaire fuite d'un projet de décision de la haute juridiction, dans lequel elle dynamite le droit constitutionnel à avorter garanti sur tout le territoire américain depuis 1973, le président a appelé dans un communiqué les électeurs à "choisir des candidats favorables" au droit à l'IVG lors de ce scrutin de mi-mandat.

La moitié des Etats pourraient interdire l'avortement

La Cour suprême a confirmé l'authenticité de ce document interne, publié par le média Politico, tout en soulignant qu'il ne représentait pas une décision "finale". Si elle devait l'adopter, chacun des 50 Etats américains retrouverait le droit d'interdire l'avortement sur son sol et une moitié d'entre eux, principalement dans le Sud et le Centre conservateur et religieux, devraient emprunter cette voie.

Les gouverneurs républicains du Tennessee et du Dakota du Sud ont signalé lundi qu'ils ne tarderaient pas.

Sans même attendre de connaître la position définitive de la Cour suprême, qui doit se prononcer avant le 30 juin, le gouverneur de l'Oklahoma, Kevin Stitt, a signé mardi une loi qui interdit aux femmes de son Etat d'avorter après six semaines de grossesse.

Copie d'une loi texane en vigueur depuis le 1er septembre, le texte incite les citoyens à poursuivre les médecins ou les cliniques pratiquant des avortements au-delà de ce terme, en échange d'indemnités financières.

La veille, des gouverneurs démocrates de plusieurs Etats dont la Californie, le Nouveau-Mexique et le Michigan, avaient au contraire annoncé vouloir consacrer la légalité du droit à l'avortement même si la Cour annulait "Roe v. Wade".

L'avortement : une ligne de rupture aux Etats-Unis

L'avortement représente une vraie fracture dans le pays, entre pro et anti. Une partie de la population américaine, notamment dans les milieux religieux, n'a jamais accepté la décision de 1973 et a livré pendant des années un combat protéiforme pour la faire annuler: les militants de base occupaient le terrain près des cliniques, tandis que leurs représentants dans les législatures locales adoptaient des milliers de lois restrictives. 

La dernière brique de l'édifice a été posée par le président républicain Donald Trump qui, aidé par les sénateurs de son parti, a fait entrer à la Cour suprême trois juges connus pour leurs positions anti-avortement, portant à six magistrats sur neuf la majorité conservatrice de l'instance.

Si l'argumentaire de la décision, tel qu'il a été publié, est confirmé, toute une série d'autres droits seraient en question.
Joe Biden

Ces neuf sages ont examiné en décembre une loi du Mississippi qui ramène le délai pour avorter à 15 semaines de grossesse contre deux trimestres selon le cadre fixé par la haute Cour. Lors de l'audience, plusieurs d'entre eux ont fait comprendre qu'ils comptaient profiter de ce dossier pour détricoter ou tout bonnement annuler l'arrêt "Roe v. Wade". Selon Politico, cinq se sont ensuite ralliés à cette seconde option.

L'arrêt "Roe v. Wade", qui fondait le droit à avorter sur le droit constitutionnel au respect de la vie privée, était "totalement infondé dès le début", a écrit en leur nom le juge conservateur Samuel Alito. Le droit à avorter "n'est protégé par aucune disposition de la Constitution", a-t-il ajouté selon l'avant-projet d'arrêt qui a fuité lundi.

Ces arguments ont suscité d'autres sueurs froides chez les progressistes. "Si l'argumentaire de la décision, tel qu'il a été publié, est confirmé, toute une série d'autres droits seraient en question", a déclaré Joe Biden, en évoquant le droit à la contraception ou le mariage des homosexuels.

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