Mayotte : ce qu'il faut savoir sur le 101ème département français après des semaines de violences

Des élèves quittent l'école près des décombres, à Mtsapere Bonovo après des affrontements de bandes rivales - 21.11.2022
Des élèves quittent l'école près des décombres, à Mtsapere Bonovo après des affrontements de bandes rivales - 21.11.2022 Tous droits réservés Grégoire MEROT / AFP
Par Euronews
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🇾🇹 Mayotte est secouée depuis plusieurs semaines par des scènes de violences parfois tragiques. Certains parlent même d'une île "au bord de la guerre civile". Euronews fait le point sur les derniers évènements et l'origine de la crise.

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Pillages, agressions, meurtres. L’île de Mayotte est prisonnière de conflits inter-villageois et de règlements de comptes entre bandes rivales depuis des années. Les dernières semaines ont été marquées par une flambée de la violence. Comment l'expliquer ? Que faut-il retenir de ce nouvel épisode tragique ? Euronews vous explique.

Le rappel des faits

Dans la nuit du samedi 12 au 13 novembre, dans le quartier Bonovo de M’tsapéré au nord-est de l'île, un jeune homme de 20 ans chevauche son scooter et roule pour retrouver sa petite amie. En chemin, celui que ses proches décrivent comme "un garçon sans histoire, étoile montante du rap à Mayotte" est agressé par une bande armée de « chombos » (sorte de machette) et succombe avant de son transfert à l’hôpital. 

Sa mort sucite l'émoi dans le village de Kawéni, dont il est originaire, provoquant des troubles dans ce secteur au nord de Mamoudzou, chef lieu de l'île océanienne, dans la journée de dimanche. 

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Carte et localisation de MayotteEuronews

Kawéni s'est à nouveau embrasé plus tard dans la semaine après l'attaque d'un bus scolaire. Mercredi 16, en milieu de journée, le véhicule a croisé la route d'une bande au niveau de Majikavo (au nord de Mamoudzou). Une fois le car caillassé, plusieurs individus sont montés à bord, assenant des coups de machette au chauffeur et à quatre élèves. Blessés, leur pronostic vital n'a pas été engagé.

Cette attaque a provoqué d'impressionnantes scènes de chaos : barrages enflammés, jets de projectiles en tout genre. "C'était une zone de guerre", ont raconté des villageois. La veille, au sud de Mamoudzou, un individu armé d'une machette a sectionné la main de sa victime, à nouveau à bord d'un bus scolaire.

Avec une hausse générale de 12,8 % des faits délictueux sur les dix premiers mois de 2022, en comparaison avec la même période en 2021, les faits divers s'accumulent et les Mahorais désespèrent de voir le même scenario se répéter. Des jeunes, souvent mineurs s'attaquent à l'arme blanche à des groupes rivaux, ou à des habitants malheureux croisant leur chemin. 

Estelle Youssouffa, députée de la première circonscription de Mayotte, les qualifie de "barbares en culotte courte, de 12 à 13 ans, armés de machettes, de barres de fer, de cailloux, qui tuent, qui pillent, qui agressent, qui détruisent et sèment le chaos" et précise que "la plupart" sont des "étrangers en situation irrégulière". 

Que fait l'Etat français ?

Mayotte est le 101ème département français, comptant 250 000 habitants. Depuis des années, de nombreuses voix, sur place, réclament une plus grande implication du gouvernement français. Là, face à l'escalade de violence, le ministère de l'Intérieur a annoncé lundi dernier, l'envoi d'une dizaine de policiers du Raid, l'unité d'intervention d'élite de la police, arrivés mardi sur l'archipel pour renforcer les forces de l'ordre.

Déjà en septembre, des élus Mahorais avaient manifesté leur exaspération lors de la journée "île morte" en fermant écoles primaires primaires et administrations dans la quasi totalité des communes. 

Un mois plus tôt, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer français en visite à Mayotte assurait : "la hausse continue des moyens techniques et humains ne suffira pas" et insistait sur l'importance de "lutter contre l'attractivité sociale et administrative du territoire". Le but : freiner l'immigration clandestine en provenance de l'île voisine, les Comores. 

Tweet du ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin

Sentiment d'insécurité et pauvreté, cocktail explosif

L'insécurité ambiante sur l'île se nourrit d'une très grande pauvreté. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en 2018, plus de la moitié de la population avait un niveau de vie inférieur à 3140 euros par an, faisant de l'île le département français le plus pauvre, loin derrière la Guyane (10 900 euros) ou la Guadeloupe (15 770 euros). 

Toujours selon l'Insee, le taux de chômage s'élevait à 30% en 2019, là où il s'établit environ à 8% en métropole. Mayotte détient ainsi le titre peu enviable de double championne d'Europe et de France du chômage. Cette situation pousse beaucoup à voler, piller, saccager, sinon pire. Résultat, le sentiment d'insécurité à Mayotte a explosé. En novembre 2021, près de la moitié des personnes se sentait en insécurité souvent ou de temps en temps à leur domicile ou leur quartier. 

Politiques et citoyens pointent aussi le sentiment d'abandon de la part de l'Etat et la tentation de l'auto-défense face à des forces de police dépassées et un système judiciaire défaillant.

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