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Un monde qui n'est pas réservé aux hommes : comment les femmes changent l'armée ukrainienne

Katerina Pryimak, Yulia Sidorova et Oleksandra Lysytska au studio d'Euronews
Katerina Pryimak, Yulia Sidorova et Oleksandra Lysytska au studio d'Euronews Tous droits réservés  Euronews
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Par Sasha Vakulina
Publié le Mis à jour
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Plus de 70 000 femmes servent dans les forces armées ukrainiennes, dont près de 20 000 à des postes de combat. Euronews a rencontré trois d'entre elles.

En Ukraine, les femmes ne sont pas obligées de s'enrôler dans l'armée, mais peuvent toutefois s'engager sur la base du volontariat. Depuis le début de la guerre menée par la Russie, nombreuses sont celles qui prennent part à la défense de leur pays.

Yulia Sidorova et Katerina Pryimak se sont rencontrées sur la ligne de front, alors que Moscou avait déjà annexé la Crimée et menait la guerre dans l'est de l'Ukraine.

Yulia Sidorova confie avoir voulu rejoindre les forces armées durant la révolution de Maidan. "Il y avait un fort sentiment que tout allait se terminer rapidement, et je voulais en faire partie", se souvient-elle.

À l'époque, les femmes n'avaient toujours pas accès aux postes de combat, rappelle Katerina Pryimak : "Elles étaient officiellement enrôlées pour des tâches non combattantes, mais en réalité, elles étaient sur le front."

"Pendant trois ans, nous avons rassemblé le plus grand nombre possible de femmes, de militaires et d'anciens combattants pour changer cette situation. Ils se sont unis pour cette cause. Des activistes, des politiciens et des scientifiques ont tous été impliqués", explique-t-elle. "En Ukraine, la société civile est très importante. Et nous construisons l'Ukraine de nos propres mains".

Katerina Pryimak a cofondé le mouvement des femmes vétérans ukrainiennes, UWVM ou Veteranka, la communauté des femmes ukrainiennes ayant une expérience du combat.

Veteranka, qui signifie "femme vétéran", soutient les femmes dans l'armée, protège les droits des femmes dans le secteur de la sécurité et de la défense, les aide à se réinsérer dans la vie civile et encourage le leadership des femmes et leur participation active à la reconstruction de l'Ukraine.

Elle-même infirmière de combat et vétéran de guerre, Katerina Pryimak explique que depuis que l'Ukraine a officiellement autorisé les femmes à occuper des postes de combat dans l'armée en vertu d'une loi de 2018, les choses ont changé. Les femmes ont été officiellement autorisées à occuper des postes tels que tireurs, tireurs d'élite, chauffeurs et éclaireurs.

Selon Veteranka, les 63 premiers postes de combat ont été ouverts aux femmes en 2018.

Depuis lors, le mouvement s'est développé, tout comme les besoins des femmes en première ligne. Selon Katerina Pryimak, il y aurait plus de femmes dans l'armée à l'avenir : "il n'y a pas d'autre choix". "Plus il y aura de femmes dans l'armée, plus chacune d'entre elles se sentira à l'aise et bien dans sa peau. C'est comme ça que ça marche", poursuit-elle.

Lorsque la Russie a commencé son invasion à grande échelle de l'Ukraine au début de 2022, des dizaines de milliers de femmes se sont portées volontaires pour rejoindre l'armée et font désormais partie intégrante des forces armées ukrainiennes.

 Un militaire ukrainien apprend à des femmes à utiliser des fusils lors d'un cours de formation à la résistance nationale pour la population locale dans la région de Kharkiv, en Ukraine, le vendredi 13 septembre 2024.
Un militaire ukrainien apprend à des femmes à utiliser des fusils lors d'un cours de formation à la résistance nationale pour la population locale dans la région de Kharkiv, en Ukraine, le vendredi 13 septembre 2024. AP Photo

Cuba et Alaska

Euronews a rencontré Yulia Sidorova et Katerina Pryimak à Bruxelles, où elles étaient présentes pour la projection d'un documentaire intitulé "Cuba et Alaska". Le film suit deux femmes, Yulia Sidorova, dont l'indicatif est "Cuba", et Oleksandra Lysytska, dont l'indicatif est "Alaska".

Oleksandra Lysytska, lieutenant et officier du groupe d'intervention spéciale de la Garde nationale ukrainienne a rejoint l'armée après l'invasion totale.

Les femmes ont toujours été autorisées à quitter l'Ukraine pour fuir la guerre. Lorsqu'on lui demande pourquoi elle a décidé non seulement de rester, mais aussi de rejoindre la défense - même si elle n'avait pas d'expérience préalable comme Sidorova depuis 2014 - Oleksandra Lysytska répond : "Je veux juste vivre dans mon pays, dans ma ville, dans mon appartement. Et pour cela, je dois faire quelque chose."

Cuba et Alaska, filmé principalement avec des bodycams et des smartphones, raconte l'histoire de deux amis sur le front qui naviguent entre les horreurs de la guerre et leurs rêves de "quand la guerre sera finie".

Couverte de sang alors qu'elle sauve la vie des soldats sur la ligne de front, Cuba rêve de son propre défilé de mode à Paris.

Elle a présenté ses créations dans la capitale française et a admis que "c'était son rêve d'enfant".

"J'aurais juste souhaité que ce soit dans d'autres circonstances", a-t-elle avoué.

Après le défilé, elle est retournée en Ukraine pour sauver des vies sur les lignes de front, expliquant qu'elle se sent plus en sécurité au milieu des combats qu'à l'écart.

Oleksandra Lysytska, alias Alaska, a fait écho à cette déclaration. "Il est plus effrayant d'être à Kiyv que sur le champ de bataille", a-t-elle déclaré, faisant référence à son arrêt forcé pour rééducation lorsqu'elle a été blessée sur la ligne de front et qu'elle a dû passer quelques mois dans la capitale.

Dans le film, Alaska se prépare nerveusement à son examen d'anglais, déclarant que l'examen lui semble plus effrayant que la guerre.Celle-ci a réussi l'examen, mais ne s'est toujours pas habituée à la vie civile.

"Lorsque vous êtes sur la ligne de front, vous êtes avec votre équipe, qui sait exactement ce qu'il faut faire. Les gens ont certaines compétences. Ils savent ce qu'il faut faire et comment aider. Ce n'est pas le cas dans la vie civile", poursuit-elle.

Des civils s'entraînent aux techniques militaires sur un terrain d'entraînement dans la région de Kharkiv, en Ukraine, le samedi 15 novembre 2025.
Des civils s'entraînent sur un terrain d'entraînement dans la région de Kharkiv, en Ukraine, samedi 15 novembre 2025. AP Photo

Yulia Sidorova ajoute que dans la vie civile, il n'existe pas d'organigramme précis de ce qu'il faut faire. "J'arrive à Kyiv, j'entre dans l'appartement et soudain, il y a une attaque de drone Shahed, tout commence à bourdonner, ma connexion mobile disparaît. Et je ne comprends pas ce qu'il faut faire, où courir et comment me sauver", explique-t-elle.

Selon la soldate, il est difficile pour une personne constamment stressée sur la ligne de front de changer d'environnement et de s'installer à Kyiv, où tout est une "zone grise" entre la guerre et la vie civile.

L'Europe aujourd'hui, comme l'Ukraine en 2014

Sa visite à Bruxelles et la situation en Europe rappellent à Yulia Sidorova explique la situation en Ukraine en 2014, lorsque la guerre venait de commencer.

"Cela me rappelle 2014, lorsque l'opération antiterroriste (ATO, la réponse de l'Ukraine à la guerre menée par la Russie dans le Donbas) se déroulait et qu'une partie de la population ukrainienne, ou plutôt la majorité, n'était pas du tout impliquée dans la guerre, ne s'y intéressait pas et ne comprenait pas ce qui se passait réellement", explique-telle.

Ce qui l'effraie, c'est que "les gens ne sont pas prêts pour ce qui va arriver" : "En Europe, à mon avis, c'est la même chose aujourd'hui. Les gens ne comprennent même pas ce qui se passe autour d'eux et à quel point c'est proche. Pour eux, c'est comme si cela se passait sur une autre planète. Et c'est pourquoi j'ai l'impression que l'Europe n'est pas non plus prête pour l'avenir".

"Je me souviens de mon arrivée à Marioupol en 2019. Et maintenant, avec le recul, on se rend compte à quel point l'illusion de la sécurité est effrayante quand on voit que quelques années plus tard, la ville a été complètement détruite et occupée. En tant qu'Ukraine, nous ne pouvons qu'espérer survivre. Tous ces pays vivent comme si rien ne s'était passé, alors que la guerre menace tout le monde. Nous avons le sentiment que la guerre sera terrible, massive et mondiale", confie-t-elle.

Selon Yulia Sidorova, les plans et les ambitions de guerre de la Russie sont évidents et clairs depuis les lignes de front en Ukraine. "Je suis sûre que si la Russie n'est pas arrêtée, elle ira plus loin. Il n'y a pas d'autres options. (Le président russe Vladimir) Poutine n'aura aucune raison de s'arrêter".

Si l'Ukraine tombe, "pourquoi (Poutine) n'irait-il pas plus loin? ", interroge-t-elle.

Katerina Pryimak ajoute que la Russie serait en mesure de mobiliser encore plus de ressources contre l'Europe et qu'elle n'épargnerait pas ses troupes : "Ils envoient leurs hommes comme des robots, leurs fantassins sont simplement envoyés et ils partent. Et de la même manière, s'ils s'emparent de l'Ukraine, ils enverront ceux qui restent ici. C'est pourquoi l'Ukraine doit rester ferme."

Oleksandra Lysytska souligne que l'Europe a encore le temps de se préparer, bien qu'il soit "très alarmant que les gens ne comprennent pas l'ampleur du mal".

"Il est préférable d'étouffer la maladie dans l'œuf, avant qu'elle ne se propage complètement. Pour l'instant, elle est localisée en Ukraine et ne vous a pas encore atteint", avertit Oleksandra Lysytska.

"Mais vous comprenez qu'une infection sanguine est sur le point de se déclarer. Vous devez la combattre. C'est une question d'instinct de conservation. Pourquoi cela ne suffit-il pas à l'Europe ?", interroge-t-elle.

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