Alors que les incertitudes économiques sont de plus en plus importantes, à cause de la guerre commerciale lancée par Donald Trump, la BCE a décidé d'abaisser ses taux directeurs d'un quart de point.
Pour la septième fois en un an, le Conseil des gouverneurs a décidé, ce jeudi 17 avril, de d'abaisser les trois taux d'intérêt directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) d'un quart de point. Une réaction attendue et annoncée par les analystes, alors que l'UE est en pleine guerre commerciale avec les États-Unis.
Les taux d'intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal seront ramenés, respectivement, à 2,25 %, 2,40 % et 2,65 % à compter du mercredi 23 avril 2025.
Le taux de la facilité de dépôt est le taux d’intérêt que les banques perçoivent lorsqu’elles déposent des fonds pour vingt-quatre heures auprès de la banque centrale, tandis que le taux d'intérêt des opérations principales de refinancement est le taux d’intérêt que les banques paient lorsqu'elles empruntent de la liquidité auprès de la BCE pour une semaine.
Le taux de la facilité de prêt marginal est, quant à lui, le taux que les banques paient lorsqu’elles empruntent de la liquidité auprès de la BCE pour une durée de vingt-quatre heures.
L'économie de la zone euro "résiliente"
"Le processus de désinflation est en bonne voie. L’évolution de l’inflation est restée conforme aux anticipations de nos services, et tant l’inflation globale que l’inflation sous-jacente se sont ralenties en mars", a déclaré la BCE dans un communiqué.
La principale institution monétaire de l'Union européenne se réjouit que l'économie de la zone euro ait développé "une certaine résilience face aux chocs mondiaux, même si les perspectives de croissance se sont détériorées du fait de l’intensification des tensions commerciales.
"L’incertitude accrue devrait affaiblir la confiance des ménages et des entreprises, tandis que les réactions négatives et volatiles des marchés aux tensions commerciales devraient entraîner un durcissement des conditions de financement", ajoute-t-elle.
Les conflits commerciaux affectent la croissance
Cette décision intervient alors que les tensions commerciales mondiales, entraînées par l'augmentation des tarifs douaniers de Donald Trump, constituent un risque pour la croissance de la zone euro, l'emportant sur les craintes d'une flambée inflationnistes.
Le président états-unien a imposé une taxe de 10 % sur les exportations de l'UE vers les États-Unis et a menacé d'augmenter ce taux à 20 %. La perspective d'une guerre commerciale mondiale, qui a fait chuter les marchés boursiers, a non seulement entamé le moral des investisseurs, mais a également poussé les consommateurs à conserver leurs économies.
En plus du prélèvement de base de 10 %, Donald Trump a imposé des droits de douane de 25 % sur toutes les importations d'acier et d'aluminium, ainsi qu'une surtaxe de 25 % sur les voitures. S'il a finalement annoncé suspendre, pendant 90 jours, cette augmentation des droits de douane, l'Union européenne continue de préparer sa riposte.
En réponse à ces risques géopolitiques, les économistes d'ING s'attendent à ce que l'expansion dans la zone euro stagne aux deuxième et troisième trimestres de cette année, ce qui se traduira par une hausse annuelle du PIB de seulement 0,5 % (contre 0,9 % en 2024).
Plus tôt cette année, l'approbation, par l'Allemagne, d'un programme de dépenses historique a relevé les perspectives de la région. Mais elles sont désormais éclipsées par les différends commerciaux, ce qui réduit à néant les espoirs de reprise dans la zone euro.
"Avec le budget expansionniste prévu par l'Allemagne, une amélioration est toujours probable en 2026, mais en raison d'un effet de report plus faible, nous avons également réduit les prévisions de croissance de l'année prochaine à 1,1 % (contre 1,4 %)", a déclaré l'économiste en chef Peter Vanden Houte. En raison de la nature changeante des politiques commerciales de Donald Trump, il a néanmoins ajouté que ces projections étaient très incertaines.
Les droits de douane pourraient-ils être déflationnistes pour l'Europe ?
La perspective d'un ralentissement économique et la baisse des coûts de l'énergie devraient atténuer les pressions sur les prix, rapprochant ainsi l'inflation des 2 % fixé par la BCE. En mars, elle s'est établie à 2,2 %, contre 2,3 % en février, par rapport à l'année précédente. Les prix continuent donc d'augmenter, mais à un rythme légèrement plus lent.
L'inflation de base, qui exclut les composantes volatiles telles que l'énergie et les denrées alimentaires, est, elle, tombée à 2,4 %, son niveau le plus bas depuis le début de l'année 2022. Enfin, l'inflation annuelle des services est passée de 3,7 % en février à 3,4 % en mars. Il s'agit du niveau le plus bas depuis près de trois ans.
Bien que les droits de douane rendent les importations étrangères plus chères, les économistes prévoient que la guerre commerciale lancée par Donald Trump pourrait, finalement, être déflationniste pour la zone euro [article en anglais], même si l'UE répond par des droits de douane en représailles.
Cela s'explique notamment par le fait que l'incertitude économique freine les dépenses, mais aussi par la perspective d'une réorientation du commerce en provenance d'autres pays. Par exemple, la Chine est actuellement confrontée à des prélèvements de 145 % sur ses produits envoyés aux États-Unis, ce qui signifie que de nombreux producteurs chercheront d'autres marchés. Si la zone euro reçoit une surabondance de produits réorientés, l'offre pourrait donc augmenter par rapport à la demande, ce qui fera baisser les prix.
De plus, l'euro est actuellement fort par rapport au dollar, ce qui rend les importations relativement moins chères pour les Européens. En début de semaine, la monnaie a atteint son niveau le plus élevé en trois ans, les investisseurs s'interrogeant sur la sécurité du billet vert.