Deux OFNI sur les écrans français

Deux OFNI sur les écrans français
Tous droits réservés 
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
PUBLICITÉ

Avec Les Combattants l’an dernier, le cinéma français avait montré toute son originalité créatrice. Double récidive en ce début d’année avec deux Objet Filmiques Non Identifiés (OFNI) : Réalité du déjanté Quentin Dupieux (qui n’en est pas à son coup d’essai), et Vincent n’a pas d’écailles, un premier film de super-héros ordinaire de Thomas Salvador. Deux réussites dans leurs genres (particuliers).

Dreams are my reality…

Réalité est un film irracontable. Au début pourtant, tout va bien. Sous le soleil perpétuel de Californie, Jason (Alain Chabat, très fort) est cameraman pour des émissions culinaires. Il va proposer à l’une de ses vieilles connaissances françaises devenue producteur (Jonathan Lambert, très très fort) un film d’horreur où les télévisions lancent des ondes en tuant les hommes. Banco, le producteur caractériel est emballé et accepte à la condition que Jason lui rapporte le plus meilleur gémissement de l’histoire du cinéma…

Sur ce pitch minimaliste, Réalité va nous emmener dans les profondeurs d’un scénario à tiroirs, de mise en abyme perpétuelle et d’une réalité (justement) qui se dilue de plus en plus. Le film imaginé par Jason va jusqu’à se retrouver projeté dans un cinéma de Hollywood Boulevard… en sa présence alors qu’il n’est pas tourné ! Il y a du David Lynch (Lost Highway, Mulholand Drive) dans Réalité, avec même une citation explicite où le producteur, en face de Jason, décroche le téléphone et prend l’appel de… Jason.

Mais le film de Dupieux est loin d’être absurde. Il réussit en effet à tisser plusieurs niveaux de réalités où les rêves (ou plutôt les cauchemars) des personnages construisent le véritable scénario du film. Et l’on se rend compte petit à petit que tous les caractères du film (sauf un dénommé… Reality) sont finalement enfermés dans le film. Et c’est en sortant du cinéma, que l’on se rend compte que l’on a été aussi, nous, spectateurs, aspirés par le vortex dupieusien. Longtemps après, vous vous demanderez même si vous ne faites pas partie vous aussi de cette réalité qui vous échappera sans cesse…

Vincent n’a pas d’écailles… mais du talent

Sous ce titre abscons, Thomas Salvador signe un premier film tout aussi non identifiable que Réalité. Et il réussit à faire un premier film français à petit budget sur un super héros, acception improbable, s’il en est. Vincent est de prime abord un homme ordinaire. Sans passé, Vincent vit d’expédients en faisant des chantiers. Il s’installe dans les Alpes de Haute-Provence, entre lacs et rivières car Vincent passe le plus clair de son temps… dans l’eau. Et quand il est dans son élément, ses pouvoirs se décuplent, il nage plus vite qu’un dauphin et peut soulever des énormes rochers. Il vit sa différence seul, jusqu’au jour où il tombe amoureux d’une jeune femme croisée au bord d’une rivière.

Thomas Salvador filme et interprète ce super-héros aux antipodes des personnages de Marvel et autres comics bodybuildés. Vincent est au contraire plutôt gringalet, discret voire effacé. La caméra de Salvador n’a pas le tournis, il privilégie les plans fixes pour les scènes de dialogues et se contente de longs travellings pour filmer les échappées nautiques de Vincent. Le montage n’est pas syncopé, aux antipodes des films d’action gonflés aux hormones. Un cinéma de l’économie donc, sans esbroufe, et qui fait appel à des effets spéciaux minimalistes mais crédibles. La bande annonce du film est d’ailleurs « garanti 100% sans effets numériques » !

Le film tire plus sur le comique que le tragique, Vincent est surtout un inadapté qui ne sait pas quoi faire de son pouvoir. Le scénario ne s’embarrasse pas de circonvolutions psychologiques, préférant une bonne course poursuite à des dialogues sans fin. On a envie de souffler à l’oreille de Vincent de s’inscrire aux championnats du monde de natation pour souffler la médaille à Florent Manaudou, mais notre super héros est plus poète et préfère vivre cacher pour vivre heureux. Les super héros ne sont pas fatigués, mais sages chez Salvador. Un premier film rafraichissant et attachant qui ne ressemble à aucun autre.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Découvrez les 10 films européens qui ont marqué 2023

Les 5 meilleurs films européens de l'année selon l'Académie du cinéma européen

Wim Wenders, Prix Lumière 2023 à Lyon, "la source du cinéma"