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Méduses : Si on ne peut pas les éviter, autant les manger! 

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Méduses : Si on ne peut pas les éviter, autant les manger! 
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Par Denis LoctierEuronews
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Dans ce nouveau numéro d'Ocean, Denis Loctier nous emmène des rives du Danemark jusqu'au sud de l'Italie, pour découvrir les vertus insoupçonnées des méduses, entre innovation médicale... et délices de la table.

Au centre du Danemark se niche Kerteminde, petite ville portuaire lovée au pied d’un fjord, bordée de collines, de champs et de forêts. C'est un havre de paix pour la faune marine, mais des chercheurs de l'université du Danemark du Sud sont intrigués par une mystérieuse espèce qui se développe juste sous la surface de l'eau : les méduses ne sont pas très agressives, mais leur présence est si dense qu'elle nuit à d'autres espèces. 

Aux quatre coins du globe, les méduses piquent les touristes, s’entassent dans les filets de pêche ou bloquent les canalisations. Certains redoutent même qu’elles ne remplacent toutes les autres espèces marines.  

Mais pour Jamileh Javidpour, qui les étudie depuis plus de 20 ans, il est trop tôt pour savoir si ces prédictions alarmistes peuvent réellement se produire. 

 

"On trouve des scénarios catastrophe au sujet de la prolifération des méduses", note Jamileh Javidpour, professeure associée au sein de l'université du Danemark du Sud, "et ils sont en partie fondés, car la présence de méduses peut affecter l'ensemble de l'écosystème. Cependant, les changements au sein d’une population entière nécessitent en quelque sorte une vision exhaustive – quel est l'effet sur les autres espèces liées à cet acteur de la chaîne alimentaire ? - Nous avons donc besoin d'une vision adaptée de la prolifération des méduses, qui n'existe pas encore".

Les chercheurs surveillent la température de l'eau, la salinité et d'autres facteurs afin de mieux comprendre les causes de la prolifération des méduses. 

Si celles-ci semblent se développer en raison de la surpêche, qui élimine leurs prédateurs et leurs concurrents, mais aussi à cause du ruissellement des terres agricoles, qui fait baisser le niveau d’oxygène présent dans l'eau. Et contrairement à d'autres espèces, les méduses ne sont pas gênées par de faibles teneurs en oxygène. 

Si la prolifération des méduses peut s’avérer problématique, ce plancton gélatineux peut aussi servir à des fins durables, selon les chercheurs. Les méduses peuvent par exemple constituer une source alternative de collagène pour les cosmétiques. Mais elles sont aussi particulièrement efficaces pour capturer les particules de microplastiques, et contribuer ainsi à nettoyer nos océans. Jamileh Javidpour a coordonné le projet GoJelly, financé par l'Union européenne, qui a permis de trouver un procédé afin d’utiliser le mucus des méduses, qu'il soit naturel ou synthétique, pour filtrer les eaux usées avant qu'elles n'atteignent le rivage marin. 

"Elles attrapent les particules de manière très efficace, les capturent et les emprisonnent à travers un filtre biologique de mucus pour s'en débarrasser", décrit Jamileh Javidpour. "C'est un procédé naturel dont on peut apprendre pour trouver des solutions naturelles". 

Après le Danemark, direction le sud de l'Italie, dans la région des Pouilles. 

Ici, à Lecce, des chercheurs de l'Institut des sciences de la production alimentaire tentent de transformer les méduses en engrais destinés aux plantes. 

Des méduses congelées passent par un séchage sous vide, avant de finir en poudre blanche.  Une substance qui contient des sels, mais aussi de précieux acides aminés, des minéraux et d'autres nutriments, facilement absorbés par les végétaux.  

Et d’après les expériences, les plantes se portent bien mieux grâce aux nutriments des méduses, plutôt qu’avec les substrats exclusivement à base de sels minéraux. 

 

"Il y a une nette différence en ce qui concerne la croissance des plantes", indique Stefania De Domenico, chercheuse au sein du CNR-ISPA. "Celle-ci est plus luxuriante, comparée à l'échantillon de contrôle qui affiche la même concentration de sels, alors que là, les plantes sont beaucoup plus stressées et donc plus sèches".

Les méduses pourraient même aider à soigner certaines maladies. Si la recherche n’en est encore qu’à ses débuts, les scientifiques ont découvert dans cette espèce des composés bioactifs capables de tuer les cellules cancéreuses, dans le cas de cancers du sein, dans des conditions expérimentales. 

"Les extraits de ces méduses ont une activité antiproliférative sur des cultures de cellules humaines", affirme Antonella Leone, directrice de recherche au sein du CNR-ISPA. "On a constaté qu'ils pouvaient réduire la prolifération des cellules cancéreuses, tout en n'ayant aucun effet sur les cellules non cancéreuses ". 

Et puisque les méduses finissent souvent dans les filets de pêche, pourquoi ne pas les déguster ? En Asie, elles font déjà partie des habitudes alimentaires. A Lecce, un restaurant participe à un projet européen voué à trouver des débouchés alimentaires pour les méduses.  Et pour le chef Fabiano Viva, leur saveur iodée ne devrait pas échapper aux amateurs de fruits de mer. 

"Les méduses ont souvent une mauvaise image", déplore le chef Fabiano Viva, du restaurant Duo, "parce qu'elles peuvent piquer. Les gens pensent aussi qu’il peut être dangereux de les manger. Il faut mettre fin à cette légende : [certaines] méduses ne sont pas du tout nocives. En fait, elles sont juste délicieuses !". 

Ici, les méduses se retrouvent dans une soupe de fruits de mer, typique du bassin méditerranéen, mais pour les chefs, les possibilités de recettes sont presque infinies. 

"On peut la découper en tranches et l’ajouter à une salade, par exemple", explique Fabiano Viva. "Avec celle-ci, on peut presque tout faire : la mettre dans une soupe, comme aujourd'hui, ou même la rôtir".

Sous l’égide d’Antonella Leone, une équipe de chercheurs a mis au point une méthode fiable pour conserver les méduses sans utiliser de sels d'aluminium, considérés comme nocifs en Europe, mais souvent utilisés en Asie. À la place, les scientifiques proposent d'avoir recours aux sels de calcium, sans danger pour la consommation humaine, et qui préservent davantage la texture de la méduse.

Les chercheurs se sont associés à des chefs pour élaborer un livre de recettes à base de méduses. Mais avant de se retrouver dans nos cuisines, il faudra que les méduses soient officiellement validées à des fins alimentaires.

 

"Ce qu'il faut, c'est l'autorisation de l'Autorité européenne de sécurité des aliments", indique Antonella Leone, "pour s'assurer que l’on fournit un produit sûr aux consommateurs. De plus, on doit étudier attentivement l'ensemble du processus, de la pêche à la préparation, pour s’assurer qu'il soit sûr et durable".

Le caractère durable est essentiel : alors que la prolifération de méduses ne cesse de s’étendre dans des mers comme la Méditerranée, les chercheurs mettent en garde contre la pêche à grande échelle des différentes espèces.  

Antonella Leone effectue une sortie en mer, destinée à prélever des échantillons dans le golfe de Tarente, qui abrite une belle population de méduses tonneaux. Car les connaissances sur ces créatures gélatineuses et leurs cycles de vie font encore défaut. 

Des prélèvements et des études sont aussi en cours dans d’autres coins de la planète.

D'ici là, tout composé issu des méduses pouvant être utilisé par l'industrie pourrait être synthétisé ou basé sur des méthodes de production durables, telles que l'aquaculture de méduses. Car une pêche excessive de cette espèce pourrait causer plus de mal que de bien à l'environnement marin. 

"J'espère que l’on pourra continuer à étudier en profondeur ces organismes dans leur environnement naturel", indique Antonella Leone. "S'il est possible d'utiliser un composé qui pourrait être utile à l'homme, il faut le faire de manière durable".

Le meilleur moyen de préserver la santé de la faune marine reste de s'attaquer, en amont, aux causes de ses difficultés, comme le réchauffement climatique, la pollution et la surpêche. Les méduses font partie des écosystèmes marins depuis 500 millions d'années et, si leur population restent à l’équilibre, elles pourront garder toute leur place dans le flot des océans. 

 

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