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Le Jumeau Numérique de l'Océan, une révolution technologique pour une approche durable

En partenariat avecthe European Commission
Le Jumeau Numérique de l'Océan, une révolution technologique pour une approche durable
Tous droits réservés 
Par Denis Loctier & Euronews
Publié le Mis à jour
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Grâce à cet outil novateur, la collecte et le partage de données à grande échelle vont offrir une connaissance bien plus fine des océans et d'infinies possibilités de modélisation, au service d'une gestion durable des eaux de la planète.

L'intelligence artificielle, ainsi que d'autres technologies récentes, vont véritablement révolutionner notre façon de comprendre les océans dans les années à venir. Mais à cet égard, les données constituent la pierre angulaire de ce changement de paradigme. Et il y en a une quantité immense à collecter et à traiter.

Denis Loctier s'est rendu du côté de la mer Adriatique, aux côtés des avec quelques-uns scientifiques qui recueillent des données permettant d'échafauder le Jumeau Numérique de l'Océan.

Au large du château de Miramare, à Trieste, des bouées jaunes délimitent les contours d’un observatoire du littoral, qui fait partie du réseau italien de recherche écologique au long cours.  

Depuis 1986, des scientifiques reviennent chaque mois à cet endroit précis pour prélever des échantillons d'eau et réaliser des mesures, et ainsi agréger des données scientifiques à long terme, qui reflètent les changements survenus dans l'environnement côtier au fil des ans. 

"On effectue des analyses chimiques, on mesure les niveaux de nutriments, la salinité, la chlorophylle et les paramètres biologiques", explique Bruno Cataletto, chercheur en biologie marine au sein de l'Institut national d'océanographie et de géophysique appliquée (OGS). "On va aussi prélever des échantillons de phytoplancton et de microzooplancton, et les analyser plus tard dans la journée au laboratoire". 

Les scientifiques publient les données collectées dans des bases de données en ligne, qui sont en libre accès pour les acteurs des industries maritimes telles que la pêche. Certaines de ces bases de données sont particulièrement exhaustives, et incluent même les observations des sentinelles citoyennes. La chercheuse Valentina Tirelli a mis au point une application gratuite, « avvistAPP », qui permet à toute personne équipée d'un smartphone de partager ses observations sur la biodiversité, comme le signalement de méduses, de dauphins, de tortues de mer ou encore d’espèces exotiques comme le crabe bleu.

"Quand les particuliers envoient leurs observations, on les valide", indique Valentina Tirelli, chercheuse en écologie du zooplancton au sein de l'OGS. "Le fait d’associer des données citoyennes et les vérifications effectuées par des chercheurs permet d'obtenir des informations fiables. Ces données en libre accès sont disponibles au sein de la base de données EMODNet Biology, gratuite et accessible à tous".

EMODnet, le réseau européen d'observation et de données du milieu marin, permet de recueillir et de partager des données en provenance de toute l'Europe. Mais le traitement manuel des échantillons, comme le comptage du plancton au microscope, devient de plus en plus difficile. L'intelligence artificielle devrait accélérer considérablement ce processus, et étendre les possibilités offertes par les bases de données marines. 

Après la mer Adriatique, en Italie, direction la Belgique, et le littoral de la mer du Nord.

À la station marine d'Ostende, des chercheurs du Flanders Marine Institute utilisent déjà des caméras numériques et l'intelligence artificielle pour identifier plus rapidement le plancton. Ce qui prenait autrefois une journée entière en laboratoire peut désormais se réaliser en seulement une demi-heure. 

"On dispose de modèles d'intelligence artificielle entraînés spécifiquement sur nos images", développe Rune Lagaisse, écologiste du plancton au sein du VLIZ Flanders Marine Institute, "qui ont appris à reconnaître toutes ces espèces. Ainsi, en quelques minutes, on peut analyser un échantillon et obtenir une liste complète des espèces, ce qui nous permet de gagner beaucoup de temps et d'argent".

Au lieu de devoir réaliser chaque mois des prélèvements, les données marines peuvent désormais être collectées numériquement 24 heures sur 24. Denis Lotier a embarqué à bord du navire de recherche belge Simon Stevin, pour rencontrer les scientifiques qui oeuvrent à ce recueil automatique de données, grâce à des plates-formes sous-marines autonomes équipées de différents capteurs. 

Klaas Deneudt dirige le projet DTO-BioFlow , financé par l'Union européenne, qui contribue à l’élaboration de normes communes pour alimenter les bases de données de demain, qui regrouperont n’importe quel type de données. 

"Ce qu’il nous faut vraiment, ce sont des données ininterrompues dans le temps", estime Klaas Deneudt, directeur du Centre d'observation marine du VLIZ Flanders Marine Institute. "On doit vraiment prendre le pouls de la mer, et savoir ce qui se passe à chaque minute".

Près de la plateforme, un signal à distance libère la bouée, et fait remonter à la surface de précieux enregistrements acoustiques. Les chercheurs les recueillent en différents points de la mer du Nord, dans les eaux belges.  

Ces données permettent notamment de surveiller la présence de marsouins communs - des petits mammifères marins qui jouent un rôle essentiel en tant que prédateurs supérieurs dans l'écosystème local. Ces animaux produisent des sons indétectables pour une oreille humaine, mais les algorithmes de l’IA peuvent les déceler dans les enregistrements ; les chercheurs peuvent ainsi cartographier leurs déplacements tout au long de l'année. 

Ces données peuvent aider les industries particulièrement bruyantes, telles que l'éolien offshore, à planifier leurs activités de manière à limiter les perturbations pour les marsouins. 

"C’est surtout en hiver que les marsouins sont présents", précise Elisabeth Debusschere, bio-acousticienne au sein du VLIZ Flanders Marine Institute. "En été, ils le sont moins dans les eaux belges. C'est donc très intéressant. Cela pourrait également l’être pour l'industrie offshore afin de planifier ses activités".

Dans un avenir proche, tous ces flux continus de données vont converger vers un projet révolutionnaire : le Jumeau Numérique de l'Océan (JNO). Son infrastructure centrale, développée dans le cadre du projet EDITO-Infra, financé par l'UE, a été récemment dévoilée lors d'un événement à Bruxelles. 

"Le Jumeau Numérique de l'Océan est une réplique numérique de l'océan dans votre ordinateur", explique Alain Arnaud, responsable de l'océan numérique au sein de Mercator Ocean International. "C'est là que l'on va rassembler toutes les informations sur l'océan et les mettre à la disposition du grand public, des scientifiques et des décideurs".

En intégrant différents types de données, ce modèle virtuel peut devenir un outil puissant pour résoudre des problèmes complexes. 

Simon van Gennip, de Mercator Ocean International, une organisation à but non lucratif qui co-développe le jumeau numérique, explique de quelle manière cet outil peut être utilisé pour lutter contre la pollution plastique

"Depuis les années 1990, on connaît tous les courants océaniques à l'échelle mondiale, et ce pour chaque jour", indique Simon van Gennip, chercheur au sein de Mercator Ocean International. "C'est un trésor, car on peut l'utiliser pour simuler, virtuellement, le déploiement de particules, là où on pense qu'elles se déversent dans l'océan depuis la côte. Ensuite, on peut se demander comment cette particule de plastique virtuelle se déplace, en fonction des courants le lendemain. Ainsi, on peut se faire une idée de la manière dont le plastique chemine dans l'océan. C'est ce que l’on peut réaliser, grâce à un modèle qu’on ne pourrait pas obtenir, faute d'observations disponibles".

Une autre application, présentée par Kelli Johnson, de l'institut de recherche allemand Hereon, vise à trouver les moyens les plus efficaces de restaurer les prairies marines. 

"Ce que l’on recherche, grâce au Jumeau Numérique de l'Océan, c'est la possibilité de disposer de données pour simuler ce phénomène - si les posidonies et les prairies marines étaient plus hautes, par exemple, ou situées à une profondeur donnée, pour évaluer l'impact que les prairies marines pourraient avoir sur la résilience côtière, sur la hauteur des vagues et l'érosion du littoral", indique Kelli Johnson, responsable du projet scientifique au sein d'Hereon. "On a déjà obtenu des résultats très intéressants qui montrent leur impact sur ces phénomènes. Donc il est donc très important pour nous de pouvoir modéliser ces hypothèses".

Le Jumeau Numérique de l'Océan permettra sans nul doute de changer la donne pour les dirigeants dans le champ politique, grâce à la modélisation de différents scénarios concernant les mers et la projection des résultats escomptés, qui auront l'avantage d’être réalistes. 

"Comment utiliser l'océan de manière durable ?", interroge Kestutis Sadauskas, directeur général adjoint des affaires maritimes et de la pêche au sein de la Commission européenne. "Car nous devons continuer à pêcher, à produire de l'électricité à partir de l'énergie des océans, à naviguer, à poser des câbles". "Il sera moins coûteux de prendre des décisions, avec plus d'acuité et une marge d'erreur plus limitée, si nous essayons de les modéliser en amont".

Des capteurs sous-marins aux observations par satellite, en passant par les rapports des sentinelles du littoral, toutes ces données seront intégrées au sein du Jumeau Numérique de l’Océan. 

"Nous voulons gérer de manière durable cette grande ressource qu'est l'océan", conclut Klaas Deneudt, responsable du centre d'observation marine VLIZ Flanders Marine Institute. "Nous n'y parviendrons que si nous collaborons avec les différents pays dotés de littoraux, en rassemblant toutes les données dont nous disposons et en les rendant facilement accessibles".

Une fois mis en oeuvre, le Jumeau Numérique européen de l'Océan mettra gratuitement à disposition une multitude de données portant sur cet espace. Les chercheurs, les décideurs politiques, les entreprises et les citoyens disposeront ainsi d'un outil novateur, qui leur permettra d’aborder l'océan sous un angle durable. 

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