José Bové - Ska Keller, l'étonnant tandem des Verts européens

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Par Euronews
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Si dans les rues de Bruxelles, la plupart des passants n’ont jamais entendu parler de José Bové et de Ska Keller, les deux personnalités n’en sont pas moins des figures politiques de premier plan. Ils ont été choisis par les Verts européens lors de primaires en ligne – une démarche inédite – pour les représenter dans la course à la présidence de la Commission.

Franziska dite “Ska” Keller, née à Guben dans l’ex-Allemagne de l’Est, a la fougue de la jeunesse ; José Bové, l’expérience d’années de lutte. Agriculteur, syndicaliste et eurodéputé vert depuis 2009, l’homme à la moustache s’est forgé en France, une réputation d’agitateur. Parmi ses coups d‘éclat, le démontage musclé d’un McDonald’s en 1999 pour dénoncer la sur-taxation du roquefort par les Etats-Unis. Une action qui lui vaudra de passer 44 jours en prison en 2002.

Michèle Vincent, ancienne militante et amie de José Bové depuis près de quarante ans, confie : “il sait expliquer ce qu’il fait, il est souvent en pensée, en avance sur nous et il réussit à mettre les gens dans des situations où au final, on est obligé de lui suivre”, dit-elle, “mais je trouve que c’est quelqu’un qui a le souci d’agir avec les autres.“Eurodéputé vert depuis cinq ans aux côtés de José Bové au Parlement européen, le Luxembourgeois Claude Turmes souligne les qualités de son ami : “c’est un très fin stratège, c’est quelqu’un qui a un but et élabore des stratégies qui passent par le dialogue si ça bouge ou par des actions un peu plus musclées si ça ne bouge pas”, lance-t-il.

Partenaire du Français, Ska Keller est la plus jeune candidate à la présidence de la Commission européenne et la seule femme en lice. Sa collègue, l’eurodéputée écologiste, Ulrike Lunacek estime que “ce duo est génial : Ska, même si elle est encore très jeune, apporte l‘énergie spécifique à son âge et rayonne d’endurance et de confiance”, poursuit-elle avant d’ajouter : “son co-listier plus âgé est devenu avec le temps un combattant aguerri”. Claude Turmes insiste lui aussi sur les qualités de Ska Keller : “à son âge, il a déjà une expérience d’une dizaine d’années. C’est ce qui la rend unique et l’autre chose qui la caractérise”, indique-t-il, “c’est qu’elle a beaucoup d‘énergie positive en elle et son intelligence est très vive”.

Contrairement aux autres groupes politiques européens, les Verts ont organisé des primaires en ligne à l‘échelle de l’Europe. Même si Ska Keller n’a pas la notoriété de José Bové, elle a récolté quasiment le même nombre de voix que son collègue. Les deux candidats sont à l’unisson quand il s’agit de fustiger une mondialisation injuste, mais quand on leur demande : quelle est leur propriété ? Leurs réponses diffèrent.

Ska Keller évoque “les droits des réfugiés [qui] touchent à l’essence même de l’Union européenne”. Et à ce sujet”, indique-t-elle, “l’Union européenne mène une politique de cloisonnement qui n’a pas de sens, qui essaie de maintenir les migrants et les réfugiés dehors. Or nous leur avons promis notre protection en signant la Convention de Genève”, dit-elle, “il est de notre devoir d’aider ces gens et d’agir concrètement au niveau de nos frontières, comme à l’intérieur de l’Union”. Quant à José Bové, il préfère mettre l’accent sur la “crise climatique, la capacité de pouvoir construire des réponses, c’est-à-dire investir au niveau européen pour pouvoir organiser la transition énergetique, sortir des énergies carbonées parce que sinon, les conséquences pour les habitants de l’Europe vont être absolument dramatiques (…) et ce n’est qu’au niveau européen qu’on peut répondre à ces crises.”

Si l’Allemande semble porter une parole modérée au sein de son camp, le Français est crédité d’une image de radical. Pour beaucoup, il reste ce militant entré en résistance dans les années 70 contre l’extension d’un camp militaire dans le Larzac dans le sud de la France. Le duo Bové – Keller peut ainsi s‘équilibrer. Mais dans le fond, sur les deux rives du Rhin, les Verts partagent-ils la même vision ? José Bové répond par l’affirmative : “on n’a pas la même histoire au départ, mais aujourd’hui, après trente ans, les écologistes français et allemands sont dans les mêmes stratégies, c’est-à-dire à la fois radicaux dans leur pensée et très pragmatiques dans la façon d’agir.”

Les deux écologistes reconnaissent que leurs chances d’accéder à la présidence de la Commission sont minces. Ils espèrent malgré tout donner une touche de vert à cette campagne et faire partager leur vision de l’avenir de l’Europe. “Aujourd’hui, on défend des valeurs basées sur la citoyenneté européenne, sur les droits fondamentaux”, estime José Bové. “La démocratie doit s’inscrire au niveau européen et les solutions économiques et budgétaires doivent se faire avec de vraies politiques européennes. Donc aujourd’hui, il n’y a qu’une solution”, lance-t-il, “c’est l’Europe fédérale”. “Pour moi, le rêve européen”, précise Ska Keller, “c’est aussi l’idée qu’on ne laisse personne sur le bord de la route, qu’on doit toujours proposer de l’aide et de la solidarité : (…) les valeurs de solidarité que nous avons déjà, nous devons les défendre.”

Mais pour réaliser ce rêve, il faudrait une large victoire dans les urnes fin mai. Or c’est loin d‘être fait : d’après les sondages, les Verts pourraient perdre leur place de quatrième force politique au sein du Parlement européen.

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