Migrants : "L'Europe échoue actuellement avec un faible nombre d'arrivées"

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Par Sophie Claudet
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"S'il doit y avoir des crises à l'avenir, des guerres imprévisibles, je crains, compte tenu de la situation actuelle, que l'UE se débatte à nouveau et ne sera toujours pas préparée."

Sophie Claudet reçoit Gerald Knaus, président fondateur d'Initiative européenne pour la stabilité, un think tank qui traite des questions relatives à l'Europe du sud-est et des Balkans.

Dans cette interview, Gerald Knaus affirme que l'Union européenne doit pouvoir faire face à l'immigration, compte tenu de la baisse du nombre d'arrivées sur le continent. Il souligne que l'UE n'a pas tiré les leçons des différentes vagues d'immigrations et que Bruxelles persiste dans une logique de dissuasion.

Sophie Claudet, Euronews :Nous avons vu dans notre reportage tourné en Bosnie-Herzégovine que les migrants utilisent aujourd’hui une route légèrement différente dans les Balkans occidentaux qu’en 2015, pour rejoindre l'Europe. Est-ce parce que les pays européens ont durci leur politique migratoire ?

Gerald KnausTous les pays des Balkans affirment avoir fermé leurs frontières. L'Autriche l'affirme aussi. Mais en réalité, ce n’est pas le cas car finalement d'où viennent les Syriens, les Irakiens, les Iraniens, les Afghans ou les Pakistanais qui arrivent en Allemagne ? Ils viennent bien de quelque part, mais de manière inaperçue, loin des caméras de télévision, en payant beaucoup d'argent aux passeurs. Ils parviennent à venir.

Sophie ClaudetVous dites que ce qu'il se passe à la frontière croate, avec ces garde-frontières, parfois violents qui repoussent les migrants, est une opération de com, pour les médias ?

Gerald KnausJe ne pense pas que ce soit de la communication pour les médias, mais il est clair que l'ensemble des Etats européens veulent envoyer un message aux populations qui n'ont pas encore migré, pour leur dire que c'est presque impossible de passer la frontière. Cependant, la réalité est que ceux qui se sont rendus à Bihac (Bosnie), qui ont déjà franchi 5 ou 6 frontières, et qui sont à seulement 300 kilomètres de l'Autriche, ne seront pas dissuadés par la police croate.

Sophie ClaudetEt pourtant, l'Organisation Internationale pour les Migrations dit qu'elle renvoie les gens dans leur pays d'origine.

Gerald KnausOui. L'Organisation Internationale pour les Migrations renvoie aussi des personnes de Grèce, et tous ceux qui veulent abandonner et qui réalisent que les passeurs leurs ont peut-être menti. C'est peut-être une bonne option. Mais tant que nous aurons, comme nous l'avons vu lors des 6 premiers mois de l’année 2018, plus de 90 000 personnes qui arrivent à rejoindre l'Allemagne, les futurs migrants sauront que c'est toujours possible d'aller en Europe centrale. Et cela signifie que les personnes qui ont eu beaucoup de mal à arriver en Bosnie et qui sont proche du but, et bien la plupart d'entre elles n'abandonnera pas.

Sophie ClaudetNous avons vu dans notre reportage que beaucoup de personnes n'ont pas eu la possibilité de demander l'asile, qu'elles soient des migrants économiques ou des réfugiés de guerre. Est-ce légal d'empêcher des personnes de demander l'asile ?

Gerald KnausL'année dernière, très très peu de personnes ont demandé l'asile en Croatie, c'est quelque chose qu'il faut noter. Au premier semestre 2018, environ 400 personnes ont demandé l'asile en Croatie, ce qui signifie que ni les autorités croates, ni la plupart des migrants qui traversent la Croatie n'ont intérêt à ce qu'il y ait une demande là-bas. Soit ils restent bloqués temporairement en Bosnie, soit ils traversent la Croatie et la Slovénie jusqu'aux pays les plus riches, l’Autriche et l’Allemagne.

Sophie ClaudetEn conclusion, quelles sont vos prévisions concernant la migration vers l’Europe au cours des prochaines décennies ? En tenant compte du fait que les conflits vont probablement se poursuivre, que la pauvreté continuera probablement, et en tenant compte du changement climatique ?

Gerald KnausLa tendance des dernières décennies montre que les arrivées en masse sont en fait rares. Il y en a eu après la guerre en Syrie, en 2015 et aussi pendant trois ans à grande échelle de la Libye vers l'Italie. Mais en moyenne dans ces dernières décennies, moins de 300 personnes par jour ont traversé la Méditerranée. Il s’agit de chiffres que l’Europe devrait pouvoir gérer. L'Europe devrait traiter ceux qui arrivent avec humanité, répondre aux demandes d’asile de manière juste et rapide mais également renvoyer ceux qui n'ont pas besoin de protection. Mais l'Europe échoue actuellement avec un faible nombre d'arrivées. Donc s'il doit y avoir des crises à l'avenir, des guerres imprévisibles et que ces chiffres augmentent de nouveau, je crains, compte tenu de la situation actuelle, que l'Union européenne se débatte à nouveau et qu'elle ne soit toujours pas préparée.

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