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Fact-checking : combien les immigrés coûtent-ils réellement aux Pays-Bas ?

Les panneaux électoraux de 26 des 27 partis politiques participant aux élections générales du 29 octobre sont alignés à La Haye, aux Pays-Bas, le mercredi 22 octobre 2025
Les panneaux électoraux de 26 des 27 partis politiques participant aux élections générales du 29 octobre sont alignés à La Haye, aux Pays-Bas, le mercredi 22 octobre 2025 Tous droits réservés  Peter Dejong/Copyright 2025 The AP. Tous droits réservés
Tous droits réservés Peter Dejong/Copyright 2025 The AP. Tous droits réservés
Par James Thomas
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Comme dans de nombreuses campagnes électorales européennes, le coût de l'immigration a été un sujet brûlant aux Pays-Bas avec les élections anticipées, et a donné lieu à de nombreux chiffres inexacts ou exagérés en ligne.

Les électeurs néerlandais se rendront mercredi aux urnes pour des élections législatives anticipées suite à l'effondrement du gouvernement Schoof en juin, et l'immigration a été un sujet de débat brûlant, notamment en ce qui concerne le coût des migrants pour les caisses du pays.

Ainsi, Eva Vlaardingerbroek, commentatrice néerlandaise d'extrême droite, a récemment affirmé sur X que chaque immigrant non occidental aux Pays-Bas coûtait en moyenne 600 000 € au Trésor public.

Ses affirmations semblent être une exagération des chiffres publiés dans un rapport sur l'impact fiscal à long terme des immigrants aux Pays-Bas par Jan van de Beek et d'autres.

Il ressort de cette étude que les migrants qui s'installent aux Pays-Bas pour y travailler apportent une contribution nette positive de plus de 100 000 € chacun lorsqu'ils arrivent entre 20 et 50 ans.

Les migrants ayant d'autres motifs apportent tous une contribution nette négative : environ 400 000 € pour les demandeurs d'asile et 200 000 € pour les migrants familiaux, selon le rapport, qui ajoute que la contribution négative est particulièrement importante pour les demandeurs d'asile originaires d'Afrique et du Moyen-Orient.

Les affirmations de Eva Vlaardingerbroek gonflent donc le coût des immigrés, même le plus élevé, indiqué dans le rapport.

Le rapport est basé sur "une erreur fondamentale"

De plus, cette étude et d'autres rapports similaires ont depuis été remis en question par plusieurs économistes néerlandais, alors que la campagne électorale touche à son terme.

L'un des principaux points de discorde est un livre de Jan van de Beek intitulé Migratiemagneet Nederland ("Les Pays-Bas qui aiment la migration"), publié en 2024, qui s'appuie sur une autre étude qu'il avait co-écrite en 2021, Grenzeloze verzorgingsstaat ("État providence sans frontières").

Celle-ci estime que le coût fiscal de l'immigration pour le Trésor néerlandais s'est élevé à 400 milliards d'euros entre 1995 et 2019, affirmant que l'État-providence pourrait s'effondrer si l'immigration se poursuit sur la même trajectoire.

La police anti-émeute néerlandaise escorte des manifestants anti-immigration à Amsterdam, Pays-Bas, le 12 octobre 2025.
La police anti-émeute néerlandaise escorte des manifestants anti-immigration à Amsterdam, Pays-Bas, le 12 octobre 2025. Peter Dejong/Copyright 2025 The AP. Tous droits réservés

Euronews s'est entretenu avec plusieurs experts qui considèrent que, bien que les statistiques sur lesquelles Jan van de Beek fonde ses conclusions soient correctes, elles ont été mal interprétées et ne révèlent pas le coût réel des immigrés.

Par exemple, l'étude État providence sans frontières affirme que les immigrants coûtent quelque 17,3 milliards d'euros par an, un gain net de 3,4 milliards d'euros pour le Trésor public étant compensé par 20,7 milliards d'euros pour les services publics.

"Ce dernier chiffre n'était pas fondé sur des données", explique cependant Jan Willem Gunning, professeur d'économie du développement à la Vrije Universiteit Amsterdam.

"Il était justifié par une seule phrase qui constituait une erreur fondamentale : il s'agissait d'un argument sur le montant de l'impôt que les migrants devraient payer plutôt que sur la mesure dans laquelle les coûts des biens publics étaient causés par les migrants".

En d'autres termes, l'étude calcule mal les coûts de la migration en considérant tous les services publics comme "rivaux" - un système dans lequel la consommation d'un bien ou d'un service par une personne réduit sa disponibilité pour une autre personne.

Or, des services tels que la défense et la protection contre les inondations ne sont pas rivaux, contrairement aux services de police et ou la gestion des autoroutes, par exemple.

Avantages économiques de l'immigration

Jan Willem Gunning nous a également renvoyé à un article d'opinion qu'il a cosigné avec Casper de Vries, professeur à la Erasmus School of Economics de l'université Erasmus de Rotterdam, et Alexander Rinnooy Kan, ancien sénateur et professeur d'économie et de commerce à l'université d'Amsterdam.

Cet article postule que le chiffre de 17,3 milliards d'euros "est clairement trop élevé".

"Notre estimation approximative suggère qu'une part significative des 94,1 milliards d'euros annuels - environ 40,5 milliards d'euros - a été dépensée pour des biens publics purs et non rivaux comme la défense", déclarent les auteurs.

"Ces coûts n'augmentent pas avec la croissance de la population et ne devraient pas être répartis par habitant. Seuls les 53,6 milliards d'euros restants en biens rivaux devraient être pris en compte, dont 22 % - ou 11,8 milliards d'euros - sont attribuables à la migration".

Par exemple, en prenant en compte les différents types de services, les économistes affirment que la "perte" supposée de 17,3 milliards d'euros causée par les migrants en 2016 tombe à environ 8,4 milliards d'euros par an, soit moins de 1 % du PIB.

Ils rappellent également que tout coût net de la migration est compensé par des avantages économiques supplémentaires, tels que la contribution des migrants à des secteurs en manque de main-d'œuvre, pour des salaires souvent inférieurs au reste de la population.

"La conclusion selon laquelle l'État-providence ne peut pas accueillir les migrants est ridicule"

Les experts reprochent également à l'étude de Jan van de Beek et aux propos d'Eva Vlaardingerbroek de contribuer à la stigmatisation des migrants originaires de certaines régions du monde, comme l'Afrique et le Moyen-Orient, en les montrant du doigt.

Les contributions et les situations des migrants, indépendamment de leur origine, tendent à être les mêmes que celles des citoyens néerlandais ayant le même niveau d'éducation, et leurs contributions augmentent avec le temps, ont-ils déclaré.

"Il n'existe pas de communautés isolées qui ne veulent pas s'assimiler", affirme Leo Lucassen, professeur d'histoire mondiale du travail et des migrations à l'université de Leiden et directeur de l'Institut international d'histoire sociale d'Amsterdam.

Selon lui, certains groupes d'immigrants, comme les demandeurs d'asile, coûtent initialement plus qu'ils ne contribuent parce qu'ils sont tenus à l'écart du marché de l'emploi, mais la situation change une fois qu'ils obtiennent des droits de travail.

"À long terme, ils s'intègrent et apportent leur contribution", déclare Leo Lucassen. "Ils deviennent néerlandais et leur intégration est en marche, malgré quelques différences culturelles".

Contacté par Le Cube, le ministère néerlandais de l'Asile et de la Migration indique que le coût moyen de l'hébergement d'un demandeur d'asile est d'environ 71 € par jour, sans compter les "dépenses liées à l'enregistrement, à la sécurité et à l'évaluation des demandes d'asile".

Le budget total de 2025 pour l'admission et l'accueil des étrangers, y compris les demandeurs d'asile, s'élève à environ 9,48 milliards d'euros, soit moins de 1 % du PIB des Pays-Bas.

L'État-providence néerlandais n'est donc pas confronté à un effondrement inévitable dû à l'immigration, comme le suggère l'étude de Jan van de Beek, selon Leo Lucassen.

"Les chiffres sont peut-être justes, mais la conclusion selon laquelle l'État-providence ne peut pas accueillir les migrants est ridicule", a-t-il déclaré. "Sur le long terme, il n'y a généralement pas eu de tendance à la hausse du nombre de demandeurs d'asile depuis la fin des années 1980, et l'État-providence a survécu".

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