Après une semaine de tensions, Ursula von der Leyen a proposé des modifications à son budget européen de 2 000 milliards d'euros afin de renforcer les pouvoirs des autorités régionales et de protéger le financement des zones rurales.
Ursula von der Leyen tente d'apaiser les tensions. Ce lundi 10 novembre, la présidente de la Commission européenne a proposé des concessions mineures sur son projet de budget européen de 2 000 milliards d'euros. L'objectif était d'obtenir l'adhésion des quatre partis centristes qui soutiennent sa majorité parlementaire.
Les modifications apportées offrent un rôle plus important aux autorités régionales, afin de garantir qu'un minimum de fonds soit alloué aux zones rurales. Dans sa nouvelle mouture, le texte prévoit également des pouvoirs de contrôle accrus pour le Parlement européen.
Les projets de modification ont été examinés ce lundi lors d'une réunion de crise entre les responsables des trois institutions : Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, Roberta Metsola, présidente du Parlement, et Mette Frederiksen, Première ministre danoise, qui assure la présidence tournante du Conseil européen.
"Nous avons maintenant une bonne compréhension des propositions et une voie claire vers l'avenir", a déclaré Ursula von der Leyen à l'issue de la réunion virtuelle, qu'elle a qualifiée de "constructive".
Roberta Metsola s'est également montrée positive, qualifiant les amendements de "bon pas en avant", tandis que Mette Frederiksen a salué un échange "fructueux" qui a confirmé l'"ambition commune".
De nombreux désaccords
Pour le budget 2028-2034, Ursula von der Leyen et son équipe ont proposé de réduire le nombre de programmes et la part des fonds pré-alloués afin de permettre une plus grande flexibilité en cas de crise inattendue.
Mais l'enthousiasme de la présidente de la Commission s'est heurté à une forte résistance au sein du Parlement européen. Le mois dernier, le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes & Démocrates (S&D), les libéraux de Renew Europe et les Verts ont écrit à Ursula von der Leyen, demandant une "proposition amendée" au projet de budget comme condition préalable à l'engagement des négociations, qui n'en sont qu'à leurs débuts.
Au centre du litige se trouvent les plans de partenariat nationaux et régionaux (PPNR), qui regrouperaient les deux plus grandes enveloppes financières - la politique agricole commune (PAC) et les fonds de cohésion - ainsi que la politique sociale, la pêche et la politique maritime, la migration, la gestion des frontières et la sécurité intérieure.
Les quatre partis ont fait valoir qu'un tel budget conduirait à la fragmentation, affaiblirait la solidarité, fausserait le marché unique et donnerait un pouvoir excessif aux autorités centrales au détriment des institutions régionales et locales.
Ils ont également demandé que le Parlement soit doté d'un pouvoir de décision complet dans la définition des priorités budgétaires chaque année.
Von der Leyen, l'équilibriste
Dans un premier temps, la Commission a répondu vaguement aux demandes conjointes, déclarant qu'elle était prête à écouter les législateurs sans prendre d'engagements spécifiques.
Ensuite, les quatre partis sont montés au créneau et ont présenté une résolution qui, si elle avait été approuvée, aurait représenté un rejet symbolique - mais puissant - de la proposition de budget.
La position d'Ursula von der Leyen au sein du Parlement a été affaiblie par une série de motions de censure à son encontre, auxquelles elle a jusqu'à présent confortablement survécue. La résolution, qui doit être votée mercredi, risque de nuire encore plus à son image dans l'hémicycle.
Les concessions faites sur le budget sont une tentative évidente d'éviter la rébellion, car elles répondent directement aux préoccupations soulevées par les quatre partis la semaine dernière.
Ursula von der Leyen a conservé les plans nationaux litigieux, d'une valeur de 865 milliards d'euros sur sept ans selon la Commission, mais a ajouté un "objectif rural" visant à consacrer 10 % des fonds non alloués au développement des territoires agraires. Cette mesure de sauvegarde viendrait s'ajouter aux 300 milliards d'euros de fonds "réservés" pour les agriculteurs.
Les autorités régionales, qui ont critiqué le projet de budget dès le départ, se verraient aussi confier une plus grande responsabilité dans l'adoption et la mise en œuvre des plans nationaux.
En outre, le Parlement ferait partie d'un "mécanisme de pilotage" chargé d'identifier, avec la Commission et le Conseil, les priorités budgétaires pour chaque année.
Des changements plus importants auraient pu faire dérailler le processus et déclencher l'ire des États membres, qui tiennent absolument à conserver leur rôle de leader dans les négociations. Le budget doit être approuvé à l'unanimité par les 27 dirigeants, idéalement en décembre de l'année prochaine.
"Victoire" pour le Parlement
Les concessions d'Ursula von der Leyen sont "raisonnables" et "recoupent considérablement" certaines des préoccupations dont les États membres discutent en privé, a déclaré un diplomate de haut rang.
"Il n'est que raisonnable et juste que le Parlement soulève des préoccupations politiques sur cette question", a-t-il déclaré, notant que les éléments essentiels des négociations devraient rester entre les mains des États membres, qui financent le budget par le biais de contributions proportionnelles.
Néanmoins, le fait que la Commission ait proposé d'apporter des changements à l'une de ses propositions après avoir fait une présentation formelle - une démarche très inhabituelle à Bruxelles - est une victoire politique pour le Parlement européen.
"Aujourd'hui marque une victoire importante pour le Parlement européen en défendant les agriculteurs et les régions dans le prochain budget à long terme de l'UE", a déclaré Siegfried Mureșan, un eurodéputé de centre-droit qui agit en tant que co-rapporteur dans le dossier. "Il y a encore de la place pour l'amélioration", a-t-il également assuré.
Les changements envisagés par Ursula von der Leyen ne nécessiteront pas la présentation de nouveaux textes juridiques. Il s'agit plutôt de suggestions à ajouter par les co-législateurs.
Dans une lettre adressée à Roberta Metsola et Mette Frederisken, la présidente de la Commission a clairement indiqué qu'elle s'en tiendrait à la philosophie réformatrice de son projet initial. "Le budget actuel de l'UE a été conçu pour un monde qui n'existe plus", écrit-elle. "Alors que les changements mondiaux s'intensifient, les politiques de l'UE sont de plus en plus interconnectées. Il est donc essentiel de favoriser les synergies afin de maximiser l'impact des dépenses de l'UE", a-t-elle conclu.