Quatre questions pour tout comprendre sur les pénuries de médicaments en Europe

Les Français peuvent toujours trouver de l'amoxicilline et du paracétamol, en dépit des tensions croissantes sur ces médicaments affirme le gouvernement français.
Les Français peuvent toujours trouver de l'amoxicilline et du paracétamol, en dépit des tensions croissantes sur ces médicaments affirme le gouvernement français. Tous droits réservés Canva
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Par Oceane Duboust avec AFP
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Plusieurs médicaments connaissent des difficultés d’approvisionnement. Ce problème, récurrent depuis plusieurs années, a été aggravé par la crise du Covid-19 puis la guerre en Ukraine.

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"Aujourd'hui, nos concitoyens qui se voient prescrire du paracétamol ou de l'amoxicilline se voient délivrer du paracétamol ou de l'amoxicilline. Qu'ils en soient rassurés", a affirmé le ministre français délégué à l'Industrie Roland Lescure le 29 novembre dernier, devant l'Assemblée nationale. "Pour autant, existe-t-il des tensions sur le marché ? La réponse est oui".

Le gouvernement français cherche à rassurer la population alors que les tensions sur plusieurs médicaments se multiplient ces dernières semaines. Le phénomène n’est pas spécifique à l’hexagone, les professionnels de la santé alertent sur la situation dans plusieurs pays d’Europe ainsi qu’au Canada et aux Etats-Unis. 

Comment s’expliquent ces pénuries ?

Le phénomène n’est en vérité pas nouveau mais s’est aggravé avec les crises successives du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. “D’après notre étude annuelle, la situation affecte tous les pays et tous les types de médicaments. […] Au cours des sept, huit dernières années, nous avons vu le problème empirer” a déclaré à Euronews Ilaria Passarani, secrétaire générale de l’association des pharmaciens de l’Union européenne.

Il y a des raisons de fond, et d'autres plus circonstancielles. Les premières sont liées à la mondialisation de la fabrication de médicaments, phénomène qui s’est accentué ces dernières années avec pour conséquence un éclatement des différentes étapes de production dans de multiples sites à travers le monde. La Chine et l’Inde produisent ainsi entre 60% et 80% des principes actifs selon une étude de 2017.

La production de certains ingrédients est très concentrée. Ainsi, un problème avec un seul fabricant peut entraîner une pénurie dans le monde entier”, explique Ilaria Passarani. Des considérations marchandes face à un marché global peuvent aussi entrer en ligne de compte, ajoute t-elle.

L’interconnexion fait qu’un problème au niveau de la chaîne de production entraîne beaucoup plus facilement des risques de rupture. Ainsi en 2019, une enquête exclusive de Vice avait révélé que 14 médicaments pour la santé mentale étaient en pénurie après le Brexit.

Quels médicaments sont concernés ?

Cela dépend des pays. En France, la sonnette d’alarme a été tirée sur l’amoxicilline, le principal antibiotique prescrit aux enfants en France. Le paracétamol, anti-douleur vendu sans ordonnance, est également concerné, au point que les autorités ont recommandé aux pharmaciens de ne pas vendre plus de deux boîtes par patient. Des tensions ont aussi été rapportées sur certains antidiabétiques.

Outre-Atlantique, le mois dernier, les patients avaient des difficultés à se procurer de l’Adderall aux Etats-Unis, un médicament utilisé pour le déficit de l'attention. “Les retards de production, les réglementations, la surprescription et l'augmentation de la demande” sont certains facteurs d’après le média Heathline.

En Irlande, plus de 180 produits étaient “en tension” en septembre, alertait l’organisation Medicines for Ireland. Tandis que durant l’été, le Royaume-Uni a connu des pénuries sur certains antidiabétiques. L’aripiprazole, un médicament prescrit pour certains cas psychiatriques (la bipolarité, la schizophrénie ou encore l’autisme sévère) connaît lui aussi des tensions d’approvisionnement récurrentes.

Quelles solutions sont envisagées ?

Des mesures sont déjà en place dans certains pays comme permettre la substitution par un médicament générique. Certains pays ont également une législation pour obliger les industriels à prévoir des stocks minimaux de sécurité pour certains médicaments, comme la France l’a fait en 2021.

En mars 2022, l’Agence européenne des médicaments a mis en place un groupe de pilotage chargé de remédier aux problèmes d’approvisionnement. Celui-ci travaille notamment à une meilleure communication et coordination entre les différents acteurs.

Nous demandons des solutions qui peuvent être mises en œuvre maintenant au niveau national. En élargissant le rôle pratique des pharmaciens, quelque chose peut être fait sans attendre la longue, très longue révision de la législation de l'UE qui prendra des années” estime Ilaria Passarani.

Mais l'industrie, comme certains observateurs critiques, soulignent que ces mesures ne répondent pas aux causes profondes du problème.

La nécessité d'une relocalisation de la production fait relativement consensus dans les discours, du gouvernement aux industriels en passant par les analystes, mais son ampleur est discutée.

Quant au secteur pharmaceutique, il assure de sa bonne volonté en matière de relocalisation, mais pointe le poids plus lourd de la réglementation en Europe. Il juge aussi que le système français de santé publique n'est guère incitatif en lui imposant des prix de vente peu élevés.

Les représentants des professionnels de santé et patients espèrent ainsi davantage de mesures alors que la législation pharmaceutique est actuellement discutée à Bruxelles. La proposition de la Commission européenne est attendue pour décembre 2022.

Y a-t-il un danger pour les patients ?

Dans une étude conduite par The Pharmaceutical Journal en juillet 2022, plus de la moitié des pharmaciens britanniques interrogés estimaient que la pénurie de médicaments mettait en danger la santé des patients.

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Vous devez tenir compte du fait que même en substituant un médicament par un autre, on peut augmenter le risque d'effets secondaires ou avoir une efficacité différente. Cela signifie que les résultats pour la santé et les avantages pour les patients peuvent être moindres” explique Ilaria Passarani.

Une étude française publiée le mois dernier va dans ce sens. Ainsi, le remplacement d’un médicament par un autre entraîne des erreurs de médication dans 11% des cas.

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