Silvio Berlusconi : "Vladimir Poutine est le meilleur politicien au monde"

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Par Euronews
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Gardenia Trezzini, euronews: Monsieur Berlusconi, vous êtes entré en politique en 1994, vous l’avez quittée en 2011 et vous revenez en 2012, pourquoi ce come back?

Silvio Berlusconi : Car, comme en 1994, mon pays est en danger. Et le danger, c’est que la gauche gouverne le pays. Notre gauche n’est pas une gauche social-démocrate, mais une gauche qui est enracinée dans l’idéologie communiste. Il fut un temps où elle s’appelait le Parti communiste italien, puis elle a changé de nom. Aujourd’hui, c’est le Parti démocrate, mais les hommes qui le composent sont les mêmes acteurs qu’avant.

Euronews: Mais il ne suffit pas d’agiter l‘épouvantail communiste pour gagner des élections. Silvio Berlusconi a-t-il quelque chose de nouveau à proposer?

Silvio Berlusconi : On ne peut bien sûr pas résumer notre programme aussi facilement…

Euronews : Evoquons un ou deux points principaux?

Silvio Berlusconi : Notre programme se base sur un changement complet de cap par rapport au programme économique appliqué par les soi-disant “techniciens” qui étaient au gouvernement et qui ont provoqué un désastre. Car en 13 mois, ils ont fait chuter la consommation, ils ont entraîné la chute de la production. L’Italie compte 600.000 nouveaux chômeurs; le chômage des jeunes est de 37%. Ils sont aussi responsables de l’augmentation de la dette publique. La crise s’est aggravée dans plusieurs secteurs, en particulier dans celui du bâtiment, sans oublier l’automobile qui a vu ses ventes retomber à leurs niveaux d’il y a 33 ans.
Alors qu’est-ce que nous proposons aux Italiens? Nous sommes des libéraux et nous pensons que le citoyen ne doit pas être au service de l’Etat, mais que l’Etat doit être au service du citoyen, et donc que nous devons intervenir en faveur de nos citoyens, en particulier en diminuant les impôts. Tout d’abord, nous voulons supprimer la taxe d’habitation, qui a été créée par le gouvernement sortant, et qui est la deuxième plus élevée aujourd’hui en Europe.

Euronews : Mais pourquoi ne pas avoir profité des années où vous étiez au pouvoir pour diminuer les impôts?

Silvio Berlusconi : Parce que l’Italie a deux handicaps par rapport aux autres pays. Le vote des électeurs en Italie est très fragmenté; il n’y a pas de système bipolaire avec une droite et une gauche, d’un côté les démocrates, de l’autre les républicains. Les Italiens ont voté pour une myriade de petits partis. Pour gouverner, il faut être supporté par une coalition dans laquelle il y a un grand parti : le Parti démocrate à gauche, et le Peuple de la liberté, mon parti, à droite. Mais il faut composer avec ces petits partis qui ne se préoccupent jamais de l’intérêt du pays, mais seulement de leur propre intérêt, qui est d’ailleurs toujours l’intérêt de leurs petits leaders.

Euronews: La Ligue du nord par exemple

Silvio Berlusconi : Oui, nous n’avons pas pu faire un certain nombre de choses à cause du véto de la Ligue du nord. Quand on fait une proposition de loi, il faut trouver un compromis avec les petites formations alliées. Ensuite, on transmet la proposition de loi au Parlement, et elle en sort 450 ou 600 jours plus tard, complètement modifiée.
N’oublions pas la Cour constitutionnelle qui peut rejeter partiellement ou totalement le texte, sachant que, et c’est d’ailleurs une anomalie toute italienne, ses magistrats sont politisés, ils sont principalement de gauche. La proposition de loi est donc portée devant une Cour qui n’est pas impartiale, puisque onze de ses membres sont de gauche, et seulement quatre de centre-droit. Donc, inévitablement, ils abrogent ce qui a été voté par le Parlement.

Euronews : Les magistrats se basent sur des éléments concrets, pas nécessairement sur des prises de position, non?

Silvio Berlusconi : Non, les magistrats attaquent leurs adversaires politiques sans nécessairement avoir des éléments concrets. Moi, j’ai été éloigné du gouvernement en 1994 - c‘était une violation de la démocratie – et j’ai reçu une convocation du procureur de Milan qui m’accusait de corruption. Quelques années plus tard, j’ai été acquitté. Et aujourd’hui, le procureur de Milan tente de refaire la même chose.

Euronews : Il est quand même étonnant de se dire que l’ancien, et peut-être futur président du Conseil soit de cette façon aux prises avec la justice?

Silvio Berlusconi : Ce qui est étonnant, ce n’est pas que le Président du conseil soit aux prises avec la justice, c’est que la justice intervienne dans la politique, dans les choix démocratiques des citoyens, qu’elle utilise son pouvoir pour mener un combat politique.

Euronews : Ce ne seraient que des mensonges alors?

Silvio Berlusconi : J’ai toujours été acquitté. J’ai été visé en tout par 103 accusations, et au final il y a toujours eu soit des acquittements, soit des prescriptions. Les magistrats n’ont pas réussi à prouver le bien-fondé de leurs accusations, qui au fil des années, ont été classées sans suite.
Résultat, je vais vous donner un chiffre que vos téléspectateurs européens auront du mal à croire : en 19 ans, j’ai dû dépenser 450 millions d’euros en frais d’avocats et de consultants. Cela semble incroyable de savoir que la magistrature italienne est “politisée”. Je vais vous donner une preuve : il y a un parti qui n’est formé que par des magistrats de gauche, qui expriment très clairement leur orientation politique. Ces mêmes magistrats s’occupaient il y a quelques jours encore des enquêtes les plus délicates en Italie, comme celle concernant les rapports entre l’Etat et la Mafia.

Euronews : Mais le magistrat, dès qu’il démissionne et s’investit en politique, est un citoyen comme un autre?

Silvio Berlusconi : Oui, mais il continue de penser comme un magistrat.

Euronews : Alors disons que le conflit d’intérêts ne concerne pas que les magistrats, mais aussi les hommes d’affaires, non?

Silvio Berlusconi : Nous avons fait une loi pour régler le problème des conflit d’intérêts, et qui est toujours en vigueur. Je veux démentir, ce que l’on pense en Europe, que Silvio Berlusconi a utilisé ses chaînes de télévision pour faire de la politique. Non, mes chaînes ne font pas de la politique, il n’y a même pas une émission dans l’histoire de mes télévisions qui ait attaqué la gauche.

Euronews : Mais quand on parle de conflit d’intérêts, on ne parle pas que de l’exposition médiatique. On parle aussi d’un passé et d’un présent que le candidat, qu’il soit magistrat ou homme d’affaires, a sur ses épaules, et dont il doit rendre des comptes. Non seulement un magistrat mais aussi un Premier ministre.

Silvio Berlusconi : Pendant 19 ans j’ai été examiné aux rayons X. Les magistrats ont traité plus de deux millions de pages de dossiers me concernant, et j’ai été totalement acquitté des accusations qui étaient en rapport avec mon activité d’entrepreneur. Je suis probablement le premier contribuable italien depuis que je me suis engagé en politique. J’ai déjà payé 9 milliards d’euros d’impôts à l’Etat. Ils ont toujours essayé de m’attaquer, mais finalement, c’est moi qui ai toujours gagné.

Euronews : En 1994, quand vous avez présenté pour la première fois votre candidature, vous avez annoncé une réforme libérale sur le modèle de Monsieur Reagan et Madame Thatcher. Mais les résultats concrets de cette réforme libérale ne sont pas très visibles, aujourd’hui.

Silvio Berlusconi : Non, parce que ça n’a pas été possible de faire une véritable révolution libérale comme moi je la souhaitais.

Euronews : Qu’est ce qui vous a manqué pour réussir?

Silvio Berlusconi : Il nous a manqué l’instrument pour pouvoir la réaliser : le gouvernement italien n’a pas les instruments pour gouverner dont sont dotés les autres démocraties occidentales. Si on ne change pas la Constitution, l’Italie restera un pays ingérable. Nous avons deux problèmes, trois problèmes. L’Italie est un pays riche, on y vit bien, nous sommes la deuxième économie la plus solide en Europe….

Euronews : Avec 37,5% de chômage chez les jeunes, un pays “riche” avec autant de jeunes chômeurs a certainement un problème, il n’est pas si riche que ca…

Silvio Berlusconi : Oui, parce que ce soi-disant gouvernement technocrate n’a pas réalisé les bonnes réformes, et il a rendu les embauches plus difficiles.

euronews : Mais ces chiffres ne sont pas seulement le résultat du travail d’un gouvernement technocrate temporaire.

Silvio Berlusconi : En ce qui me concerne, le résultat de mon gouvernement a été de créer un million et demi d’emplois. C’est un sacré argument, inattaquable : j’ai augmenté d’un million et demi le nombre d’emplois en Italie.

Euronews : Néanmoins, les chiffres restent négatifs…

Silvio Berlusconi : Écoutez, sous mon gouvernement, le chômage était descendu à 7%. Avec le gouvernement technocrate, il a grimpé à 11,1%

Euronews : C’est la moyenne européenne, nous nous sommes rapprochés d’elle.

Silvio Berlusconi : Nous sommes au-dessus de la moyenne européenne, nous avons plus de chômeurs ici que dans le reste de l’Europe. J’ai intégré dans notre programme une mesure en faveur des entreprises. Celles-ci pourront embaucher des jeunes sans payer d’impôts. En clair, ce que l’employeur payera comme salaire correspondra à 100% de ce que le salarié touchera comme revenu, et non à 50%, comme c’est le cas aujourd’hui à cause de de la surcharge fiscale.
En ce qui concerne le travail au noir, qui représente encore une grosse partie de l‘économie italienne, ce système pourrait contribuer à le limiter, car les entreprises pourront déduire ces coûts pour ces nouveaux salariés et donc elles payeront moins d’impôts.

Euronews : Comment, selon vous, peut-on vaincre l‘économie souterraine? C’est une priorité nationale, une urgence réelle. Quelles sont vos propositions?

Silvio Berlusconi: L‘économie souterraine, c’est une vieille histoire que l’on peut combattre d’une seule façon : en baissant la pression fiscale. C’est notre objectif. Nous n’avons jamais augmenté les impôts en presque dix années de gouvernement.

Euronews : Mais vous ne les avez pas baissés.

Silvio Berlusconi : A cause de la situation de l‘économie italienne, qui nous a empêchés d’introduire une réforme du travail, une réforme fiscale qui pourrait permettre à l‘économie souterraine d‘émerger.

Euronews : Vous n’avez aucun regret de l‘époque où vous étiez Premier ministre? Auriez-vous pu faire davantage?

Silvio Berlusconi : Non, c‘était impossible

Euronews : ou différemment?

Silvio Berlusconi : Non, je pense que je n’ai commis une erreur.

Euronews : Aucune?

Silvio Berlusconi : Si, juste une. Je n’ai pas été capable de convaincre les Italiens de me donner la majorité absolue.

Euronews : Aucune autre auto-critique ?

Silvio Berlusconi : Pas du tout. J’ai fait un excellent travail, meilleur que celui réalisé par mes prédécesseurs. Et malgré toutes les difficultés, j’ai fait des choses admirables.

Euronews : Qui est aujourd’hui le principal ennemi politique de Silvio Berlusconi? Quel est votre principal opposant?

Silvio Berlusconi: Je n’ai pas d’ennemis.

Euronews : Opposant.

Silvio Berlusconi : Seulement des compétiteurs ou comme vous l’avez dit, des opposants. Et c’est assurément le leader du Parti démocrate, Pier-luigi Bersani.

Euronews: Monti, Mario Monti… Désolée de vous le dire comme ça, mais vous ressemblez un peu à un vieux couple, qui s’aime, se déteste et parfois se soutient. Dans le passé, vous avez soutenu Monsieur Monti comme Commissaire européen. Vous avez une relation un peu, disons avec des hauts et des bas.

Silvio Berlusconi: Non, non non. Il n’y a pas de hauts et de bas. J’ai connu Monti en tant que professeur respecté de tous. Je l’ai proposé, je l’ai nommé avec mon gouvernement, au poste de Commissaire européen. Puis, j’ai soutenu son second mandat pour quatre années supplémentaires, pendant le gouvernement D’Alema. Et au final, quand cette “conspiration” m’a poussé à la démission, j’ai pensé, suite à la proposition du président de la République, que Monti pourrait mettre en place un gouvernement technique et faire du bon travail. Mais la déception a été totale.

Euronews: Monti a obtenu le soutien du Vatica qui semble indispensable en Italie. Comment pouvez vous conquérir de nouveau le vote catholique?

Silvio Berlusconi : Non, ce n’est absolument pas vrai. Il y a eu seulement un article dans un magazine catholique qui ne représente pas le peuple catholique avec lequel nous avons de nombreuses relations.

Euronews : Les déclarations vont dans ce sens. Manifestement, Mario Monti est le candidat idéal pour l‘électorat catholique.

Silvio Berlusconi: Il y a beaucoup de déclarations qui vont dans une autre direction. Beaucoup de gens apprécient ce que nous avons fait pendant près de 10 ans de gouvernement, en particulier en ce qui concerne la défense des valeurs éthiques, de l’individu, de la vie, la famille, et la liberté de l’enseignement, que nous avons toujours considérés comme nos valeurs.
Nous sommes la colonne vertébrale d’un parti catholique italien, dans la grande famille de la démocratie et de la liberté en Europe, qu’est le Parti populaire européen.

Euronews: Mais il y a quelque chose qui ne marche plus entre vous et le Parti populaire européen. Joseph Daul, le chef de groupe du PPE, a dit que Mario Monti était le candidat du PPE. Quel est le problème?

Silvio Berlusconi: Il a nié avoir dit cela, il l’a peut être dit…

Euronews : Vous pensez que c’est un point de vue personnel ou plutôt l’expression d’un sentiment commun européen?

Silvio Berlusconi :Totalement personnel. Il n’est que l’un des 14 vice-présidents du PPE. Il a peut être un objectif personnel derrière cela. Il parle mieux l’allemand que le français car il est originaire de Strasbourg. Apparemment, il veut faire plaisir à quelqu’un, afin d’avoir quelque chose en retour pour sa propre carrière. Je dois dire que j’ai été très affecté par ses déclarations, mais je le répète, ce sont des déclarations qui n’ont aucun sens, qui vont à l’encontre de la réalité italienne. Il y a eu bien d’autres déclarations concernant mon attitude envers l’Europe.

Euronews: Parlons d’Europe justement…

Silvio Berlusconi : Je profite de cette interview pour dire qu’il n’y a pas un Italien qui soit plus pro-européen que moi. Avant de faire de la politique, je partageais le rêve de Schuman, Adenauer, De Gasperi. Une union européenne qui pourrait devenir une seule entité, comme les USA.

Euronews : Quel a été le point de rupture entre vous et l’Union européenne? Il doit bien y avoir eu un moment où quelque chose s’est cassé, quand Martin Schultz, le président du parlement européen, dit clairement que Berlusconi est une menace, qu’il n’est pas une source de stabilité, mais une menace pour l’Italie et l’Europe?”

Silvio Berlusconi: Il a dit cela parce que j’ai eu une violente dispute avec lui lors d’une session du parlement européen, quand il a dit des choses très désagréables et infondées concernant ma personne, mon gouvernement et mon parti.

Euronews : Toutes ces déclarations sont-elles seulement des opinions personnelles? Schulz, Daul et même Juncker…

Silvio Berlusconi: Je m’excuse mais vous n’avez pas mentionné des acteurs très estimés en Europe.

Euronews : Et bien, le fait de dire que le président du Parlement européen n’est pas une personne estimée, c’est un autre problème.

Silvio Berlusconi : Le président du Parlement européen est le résultat d’une négociation entre notre parti politique et les sociaux-démocrates. Les sociaux démocrates ont proposé Schulz. Compte tenu du fait qu’il y avait un accord pour que l’un des nôtres occupe la moitié de la législature, et un social-démocrate, l’autre moitié, nous avons accepté. Cela ne signifie pas que nous avions une grande considération pour Monsieur Schulz.
Je voudrais ajouter quelque chose sur l’Europe.
Quand il y a eu la décision commune, que je souhaitais aussi fortement, de nommer un Président du conseil des chefs d’états et de gouvernements européens, j’ai cité Tony Blair comme étant la personnalité la plus influente, la plus charismatique, la plus experte, et globalement appréciée. C‘était pareil lors de la nomination du Haut Commissaire. La France et l’Allemagne, qui souhaitaient garder le contrôle de la politique étrangère, ont dit non à la nomination de Tony Blair, et donc nous avons dû nommer une personne, Mr Van Rompuy, qui est très bien, mais totalement inconnu des citoyens européens. Moi je suis ami avec Van Rompuy…

Euronws : C’est peut-être dû au fait que l’axe franco-allemand est décidément plus puissant que l’Italie en Europe…

Silvio Berlusconi : ais cela va à l’encontre de l’Europe en tant qu’entité importante sur la scène internationale, capable d’exporter la démocratie et de jouer un rôle décisif sur l’échiquier international. Ce n’est pas en gardant l’Europe telle qu’elle est actuellement, avec des Etats qui défendent jalousement leur souveraineté nationale que nous pouvons envisager une Europe qui réponde au rêve des pères fondateurs.

Euronews : Pourquoi Angela Merkel vous est-elle si antipathique ?

Silvio Berlusconi : Elle ne m’est pas antipathique….

Euronews : Alors quel est le problème avec elle ?

Silvio Berlusconi : C’est quelqu’un avec qui j’ai toujours eu des rapports cordiaux, il n’y a pas de problèmew. L’unique problème c’est que je dois défendre les intérêts de l’Italie, l’Allemagne veut avoir un rôle hégémonique en Europe, moi j’aimerais que ce soit une hégémonie solidaire.

Euronews : Vos déclarations sceptiques sur l’euro ont peut être provoqué cette réaction mitigée de l’Europe à votre candidature.

Silvio Berlusconi : Je n’ai jamais été sceptique sur l’euro…

Euronews : Vous avez accusé l’euro de plusieurs maux, non ?

Silvio Berlusconi : Je n’ai jamais fait des déclarations dans ce sens. Je suis convaincu de l’utilité d’une monnaie unique, donc de l’euro, mais je dis tout simplement qu’il faut avoir une construction globale autour de cette monnaie. Une monnaie qui n’est pas soutenue par une banque centrale qui agisse vraiment comme une banque centrale, est une monnaie faible.

Euronws : En tant que possible futur ministre de l’économie italienne, quelle serait votre proposition prioritaire au premier sommet européen ?

Silvio Berlusconi : Dans tous les conseils européens, j’étais celui qui avait une expérience et une connaissance supérieure à la moyenne. Tous mes collègues étaient des gens très biens, mais certains venaient d’un milieu bureaucratique, d’autres seulement de la politique, d’autres avaient seulement une expérience syndicale. Il n’y avait personne avec mon expérience économique, quelqu’un comme moi qui pendant plusieurs décennies a été dans le monde du travail et du marché. Je cumule l’expérience du monde économique et celle du gouvernement.

Euronews : Donc des personnalités comme Juncker, Olli Rehn, Barnier …

Silvio Berlusconi : Juncker est un expert, mais il est l’expression d’un tout petit pays où il a été élu avec 58 000 voix. Par conséquent, son influence et sa dimension politique ne sont pas comparables à quelqu’un qui représente un pays de 60 millions d’habitants. J’ai toujours eu des rapports aimables avec tous mes collègues à la table du conseil européen. Mais je suis surement devenu dérangeant quand j’ai commencé à dire “non”, quand j’ai mis des vétos dans le but de défendre les intérêts de mon propre pays sans attaquer les intérêts des autres.

Euronews : Vous ne vous sentez pas un peu isolé en Europe ?

Silvio Berlusconi : Absolument pas ! J’ai des contacts réguliers avec tous mes collègues, et j’ai aussi cette qualité de respecter les gens et de me faire apprécier. Je suis une personne d’amitié, et s’il y a quelqu’un qui en 20 ans de vie politique a su se lier d’amitié avec d’autres acteurs de la vie politique, c’est bien moi.

Euronews : Le regard qu’on porte à l‘étranger sur l’Italie est bien différent. Les médias étrangers, surtout européens ne vous apprécient pas spécialement. Est ce parce qu’ils ne voient pas vraiment les problèmes de l’intérieur? Pourquoi cette unanimité des médias européens à votre encontre ?

Silvio Berlusconi : Je ne suis pas d’accord, je suis allé à Prague, en France et partout les gens dans la rue me reconnaissent».

Euronews : On ne parle pas d‘être connu, mais apprécié …

Silvio Berlusconi: J’ai toujours reçu de mes collègues chefs d’entreprise, de mes collègues du PPE, un accueil extrêmement ouvert et agréable. Les médias sont le plus souvent à gauche, et il y a un lien avec les médias italiens, principalement à gauche. Il y a une sorte de chaîne liée à un certain journal italien, «La Repubblica», qui cultive des liens d’amitié, et cette chaine se déploie contre moi.

Euronews : Vous pensez que La “Repubblica‘ est capable d’influencer The Economist, Libération, Le Monde? Vous lui donnez trop d’importance …”

Silvio Berlusconi: Oui, il y a un circuit et dans ce circuit, ils s’entraident. Ils s‘échangent des informations. Et les mêmes informations sont reprises… Je veux dire: je publie une information, et je vous incite vraiment à la reprendre, et finalement elle sort dans Libération, comme une information de Libération. Et c’est quelque chose contre lequel j’ai toujours eu à faire face.

Euronews : Bien, si vous gagnez les élections et que vous allez à un sommet européen, pensez-vous que Angela Merkel va vous accueillir à bras ouverts?”

Silvio Berlusconi : Avec Angela Merkel, j’ai toujours eu de très bonnes relations. Une seule fois, elle et Nicolas Sarkozy ont eu une attitude qui touchait à ma crédibilité internationale, et Madame Merkel m’a dit par la suite « comment pouvez-vous encore m’adresser la parole? “

Euronews : C’est ce qu’Angela Merkel vous a dit? Avez-vous parlé avec eux après cet épisode?”

Silvio Berlusconi : Oui, bien sûr. Nous avons continué à nous parler. Je ne suis pas rancunier. Parfois, je suis trop gentil et je n’ai jamais eu de problèmes avec elle. J’ai eu des difficultés avec Sarkozy, sur un autre sujet. Quand j’ai trouvé un accord avec lui, avec la France, sur la nomination de Mario Draghi à la présidence de la BCE, Sarkozy a demandé, en contrepartie, que le représentant italien du Conseil démissionne. J’ai accepté, mais Bini Smaghi lui, a refusé de démissionner, malgré toutes les solutions de rechange que nous lui proposions. Il voulait devenir gouverneur de la Banque d’Italie. Pour nous, pour moi comme Premier Ministre, il n’avait pas le profil d’une telle fonction”.

Euronews : Avec Nicolas Sarkozy, n’y avait-il pas une certaine rivalité de leadership? Par exemple, concernant la stratégie à mener en Libye, Sarkozy était au premier plan alors que l’Italie, qui a des liens historiques, une certaine influence, n’a pas obtenu de grands résultats. La France était plus efficace… ”

Silvio Berlusconi : Non, la France avait ses propres intérêts. Quand Sarkozy est allé en Libye et qu’il a vu les panneaux d’affichage énormes (30 mètres sur 16) nous montrant, Kadhafi et moi, comme de grands amis, il est rentré en France et il a dit à son équipe: “l’Italie va nous prendre tout le pétrole et le gaz libyen. Nous devons faire quelque chose. Alors, il a bombardé la colonne militaire envoyée par Kadhafi à Benghazi et il a convaincu les autres pays d’intervenir. Cette nuit-là, j’ai voulu démissionner, parce qu’il y avait ingérence manifeste de la communauté internationale dans les affaires d’un autre pays. “

Euronews : Si vous devez citer une seule personne importante pour votre vie, je ne parle pas de votre vie personnelle, mais politique, quelqu’un dont Silvio Berlusconi pense qu’il pourrait encore apprendre quelque chose …”

Silvio Berlusconi : «D’un point de vue politique, j’ai oujours observé avec intérêt les dirigeants des grandes puissances mondiales. J’ai toujours eu d’excellentes relations avec les présidents des États-Unis. J’ai établi une forte amitié avec George Bush. J’ai eu de bonnes relations avec les Clinton, avec son épouse, Mme Clinton, j’ai eu de bonnes relations avec Obama, que j’estime pour ses grandes capacités, son grand bon sens. J’ai une rapport fraternel avec Vladimir Poutine. Je pense que de nos jours il est le meilleur politicien au monde. Je pense que pour la Russie c’est une chance immense de l’avoir comme chef de file “.

Euronews : Lui aussi est mal compris à l‘étranger?

Silvio Berlusconi : Absolument, oui. Son image, c’est exactement le contraire de ce qu’il est.”

Euronews : Juste une question personnelle pour conclure. Y at-il quelque chose qui empêche Silvio Berlusconi de dormir? Y at-il quelque chose qui vous tourmente en tant qu’homme politique? “

Silvio Berlusconi : Comme homme politique, non. Comme responsable de mon pays, du fait de la confiance que beaucoup de mes concitoyens m’ont accordé, oui. En ce moment, la spirale infernale de la récession est au cœur de mes préoccupations.

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