La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, fait l’objet d’une enquête du parquet de Rome pour complicité et détournement de fonds dans le cadre de l’expulsion d’Ossama Almasri, chef de la police judiciaire libyenne et commandant de la prison libyenne de Mitiga, recherché par la CPI.
La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a annoncé ce mardi dans une vidéo sur Facebook qu'elle et deux de ses ministres étaient visés par une enquête après l'expulsion d'un responsable libyen, accusant les magistrats de politiser leur fonction.
Osama Almasri Najim, chef de la police judiciaire libyenne, fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis depuis le 15 février 2015. Arrêté il y a dix jours dans un hôtel de Turin en vertu de ce mandat, il a été libéré sur ordre de la Cour d'appel de Rome il y a une semaine pour vice de procédure, et expulsé vers Tripoli à bord d'un avion affrété par l'État italien.
Cette décision a d'abord suscité la controverse de l'opposition, puis l'avocat Luigi Li Gotti a entamé une action en justice en déposant une plainte dans laquelle il demandait aux juges d'enquêter sur l'utilisation d'un avion du gouvernement italien pour rapatrier Almasri.
Giorgia Meloni est soupçonnée avec ses ministres de la Justice Carlo Nordio et de l'Intérieur Matteo Piantedosi d'avoir facilité la libération du Libyen et son renvoi à Tripoli. Giorgia Meloni a directement mis en cause des magistrats auxquels elle reproche d'être politisés.
Le respnsable libyen a pu circuler librement dans plusieurs pays de l'Uunion européenne
Le chef de la police judiciaire de Tripoli était en Europe depuis le 6 janvier. Il avait atterri à Rome pour faire une escale à Londres. Il s'est ensuite déplacé sans encombre entre la France, l'Allemagne et la Belgique.
Le 16 janvier, il avait été arrêté à Munich pour un contrôle de routine et le lendemain , Interpol avait envoyé une alerte à six Etats, informant l'Italie que l'homme allait franchir ses frontières et qu'une chambre à Turin avait été réservée à son nom ainsi qu'une voiture louée en Allemagne devait être restituée à l'aéroport de Fiumicino.
Le 18 janvier, Osama Almasri Najim avait été arrêté dans le Piémont, mais rapidement libéré car il n'y avait pas de signalement actif à son sujet. Dans le même temps, la CPI examinait en urgence la demande d'arrestation à son encontre, qui était pendante depuis le 2 octobre 2024. Le mandat d'arrêt a ensuite été délivré. Le 19 janvier à l'aube, le responsable libyen a été arrêté et passé deux nuits à la prison de la Vallette à Turin.
La question de l'autorisation du ministre Nordio
Son dossier avait ensuite été transmis à Rome, où le parquet général de la cour d'appel s'était adressé au ministre de la Justice Carlo Nordio le 20 janvier pour valider la mesure.
L'arrestation avait été effectuée à des fins d'extradition, alors que dans le cas d'un mandat d'arrêt international, l'autorisation du ministre aurait été nécessaire. Celui-ci n'a pourtant pas été prévenu. Le tribunal n'a donc pas validé l'arrestation.
Le 21 janvier, Almasri est libéré et expulsé en tant que "personne dangereuse" par décret du ministre Matteo Piantedosi. L'homme est parti de Rome et atterri en Libye à bord d'un avion militaire et non sur un vol régulier, comme c'est le cas pour le rapatriement des migrants en situation irrégulière.
Meloni répond aux accusations dans une vidéo
Après avoir reçu l'avis de garantie, le Premier ministre Giorgia Meloni a publié une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle elle commente l'affaire. Elle a rappelé qu'il était le procureur à Palerme en charge de l'accusation dans le procès de son vice-chef du gouvernement, le dirigeant anti-immigration Matteo Salvini, jugé pour avoir bloqué des migrants en mer alors qu'il était ministre de l'Intérieur en 2019, et relaxé.
"Les faits sont connus. La Cour pénale internationale, après des mois de réflexion, a émis un mandat d'arrêt international contre le chef de la police judiciaire de Tripoli, Almasri. Curieusement, la Cour le fait au moment où cette personne était sur le point d'entrer sur le territoire italien, après avoir séjourné pacifiquement dans trois autres États européens pendant douze jours."
Mercredi, Meloni a posté un nouveau message sur X. "Notre engagement à défendre l'Italie se poursuivra, comme toujours, avec détermination et sans hésitation", a écrit la Première ministre italienne. "Lorsque la sécurité de la nation et l'intérêt des Italiens sont en jeu, il n'y a pas de place pour les pas en arrière. Tout droit sur notre chemin."
Tensions entre le gouvernement et le pouvoir judiciaire
L'avis de garantie délivré à la Première ministre Meloni n'est que le dernier épisode en date des tensions croissantes entre l'exécutif et le judiciaire, à un moment où la coalition au pouvoir s'apprête à réformer le système judiciaire italien et à introduire la séparation des carrières.
Mercredi, la Cour de cassation devrait décider si les documents de l'affaire Visibilia, qui implique la ministre du tourisme Daniela Santanchè, doivent rester à Milan ou être transmis au bureau du procureur à Rome. Mme Santanchè est notamment accusée de fraude aggravée à l'Institut national de sécurité sociale (INPS) dans le cadre du fonds de licenciement de la période COVID-19. 13 employés de deux entreprises sont concernés par l'enquête, qui auraient été licenciés sans le savoir. En continuant à travailler, ils auraient, selon le parquet, causé un préjudice de plus de 126 000 euros à l'INPS.
Jeudi, une autre décision des juges de la Cour d'appel de Rome de valider ou non la détention des 49 migrants arrivés mardi matin au hotspot de Shengjin, en Albanie, à bord du patrouilleur Cassiopea, est attendue.
Des vulnérabilités avaient été constatées chez certains des migrants, qui avaient ensuite été renvoyés en Italie - une décision qui avait déclenché la polémique autour du gouvernement Meloni.
Les prochaines étapes de l’enquête comprennent un examen par le panel ministériel des crimes, composé de trois magistrats. Le panel dispose de 90 jours pour mener son enquête avant de décider, soit de classer l’affaire après consultation du procureur, soit de transmettre le dossier aux commissions parlementaires compétentes pour demander l’autorisation d’engager des poursuites.