Iran : la course à la présidentielle est lancée

Iran : la course à la présidentielle est lancée
Par Euronews
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Qui remportera les élections iraniennes dans un mois. Mahmoud Ahmadinejad ne pouvant se représenter, la course à sa succession est ouverte. 686 personnes, dont 30 femmes, ont présenté leurs candidatures, qui doivent être désormais avalisées par le Conseil des gardiens de la Constitution. Pour mémoire, en 2009, seuls quatre candidats avaient été retenus.

Au-dessus de cette mêlée politique, le Guide suprême, Ali Khamenei, pourrait utiliser son influence considérable pour placer à la tête du pays l’un des ses plus proches fidèles, et marquer ainsi une rupture avec Mahmoud Ahmadinejad, après huit années d’une cohabitation difficile. Le président sortant, lui, ne ménage, pas ses efforts pour imposer son bras droit, Esfandiar Rahim Mashaie, qui est soupçonné de vouloir brider l’influence des religieux, au bénéfice d’un régime plus “nationaliste”.

Mais ce que le guide suprême souhaite surtout éviter cette fois, ce sont les manifestations historiques qui avaient marqué la réélection d’Ahmadinejad en 2009. Les candidats réformateurs avaient crié au scandale, dénonçant des fraudes. La plupart d’entre eux ont été écartés cette année du scrutin, lequel se jouera donc essentiellement entre conservateurs. Le seul espoir des modérés réside dans la candidature de dernière minute de l’ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani, qui a le soutien des réformateurs, et d’une partie des conservateurs inquiets pour l’avenir du pays. Présenté comme le “sauveur” par la presse réformatrice, il est devenu une bête noire de l’aile dure du pouvoir.

Parmi les proches d’Ali Khamenei à pouvoir prétendre à la fonction présidentielle, l’ex-président du Parlement, Ali Hadad-Adel, semble avoir toute ses chances. L’ex-ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Velayati, et l’actuel maire de Teheran, Mohammad Baqer Qalibaf, sont également candidats.

Enfin autre proche, autre poids lourd de la politique iranienne à avoir ses chances, Said Jalili. Connu sur la scène internationale, il est le représentant direct du Guide dans les négociations avec les grandes puissances sur le programme nucléaire.

Le successeur d’Ahmadinejad aura, quoi qu’il en soit, un agenda chargé. Il héritera d’une situation économique difficile, en raison des sanctions occidentales imposées au régime, et devra gérer la crise syrienne. La population semble, elle, bien plus préoccupée par un niveau de vie, qui se dégrade, que par les manœuvres politiques.

Interview de Taghi Rahmani, spécialiste de politique iranienne à Paris

Vida Samei, Euronews : Compte tenu des candidats en lice,
quelle analyse peut-on faire de cette phase préliminaire de l‘élection présidentielle?

Taghi Rahmani : Le plan du Guide suprême et de son cercle rapproché est d’avoir dans cette élection un candidat réformateur, mais un candidat qui soit faible. Et dans le cercle rapproché du pouvoir, les militaires et le noyau dur des jusqu’au-boutistes sont aux premières loges. Ils veulent un candidat qui ne soit pas en mesure de rassembler énormément de suffrages, qui serait au second plan de l’establishment,
et qui contribuerait à faire progresser le processus électoral. D’un autre côté, ils ont mis beaucoup de pression sur Ahmadinejad, pour que Mashaei ne se présente pas comme candidat, ou du moins, ils espéraient qu’un autre le remplace. Les candidatures de Rafsanjani et de Mashaei remettent en question le plan du Guide suprême. La candidature d’Hashemi Rafsanjani a donné un coup de pouce aux réformateurs. Beaucoup de leurs candidats, comme messieurs Aref ou Shariatmadari, pourraient se retirer en faveur de Rafsanjani. On peut dire que cette manœuvre de Rafsanjani modifie l‘équilibre du pouvoir, bien que l’on ne soit qu’au début de la campagne électorale. On ignore encore qu’elle orientation va prendre cette élection. L’Iran est un pays où les décisions se prennent à la dernière minute.

Euronews : de nombreuses personnalités du camp conservateur ont déposé leurs candidatures. Est-ce le signe que les conservateurs ne vont pas parvenir à un consensus. Pensez-vous qu’ils vont se ranger au dernier moment derrière un seul candidat?

Taghi Rahmani : Il y a de nombreux désaccords entre les factions conservatrices. Il y a la faction de Mesbah-Yazdi qui a présenté la candidature de Lankarani. Dans le cercle proche du guide suprême, il y comme candidats messieurs Ghalibaf, Haddad-Adel, et Velayati. Khamenei essaye généralement d’attendre jusqu‘à la dernière minute pour décider lequel des groupes conservateurs est le plus fédérateur, le plus puissant. Choisir entre Velayati et Lankarani est difficile. Il y a aussi Ghalibaf, un bureaucrate, dont les opinions sont plus proches de celles de Rafsanjani. Le choix sera très difficile. Mais en même temps, laisser libre-cours à une compétition très ouverte sera compliqué. Il y a des candidats réformateurs qui ont soutenu Rafsanjani, et cela renforce son pouvoir.

Euronews : Cette élection va avoir lieu alors que de nombreuses questions restent en suspens, concernant les élections de 2009, y compris les assassinats et les arrestations. Il y a aussi la question de l’assignation à résidence de Mir Hossein Moussavi, de son épouse, et de Mehdi Kahroubi. Cette élection a-t-elle une légitimité avec toutes ces questions non résolues?

Taghi Rahmani : Le danger que ressent l’Iran, vient de l’orientation prise au cours des dernières années par les dirigeants de la République islamique. Ces politiques risquent de transformer l’Iran en un pays comme la Corée du Nord, en termes d’institutions et de gouvernance interne.
Elles risquent de détruire les fragiles institutions civiles. Aujourd’hui, voter pour le régime en Iran, n’est pas un vote idéologique, un vote de fraternité. En fait, tous les efforts des réformateurs, visent à empêcher une détérioration de la situation. Hachemi Rasfanjani peut aller de l’avant avec l’aide des réformateurs, et même avec le soutien de la société civile. Hashemi n’est pas un sauveur. Avec ses forces et ses faiblesses, il a gagné l’attention d’une partie de la population urbaine, en raison de son opposition aux politiques polarisantes du cercle rapproché du Guide suprême. Il veut changer les politiques du pouvoir et repousser l’armée.

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