Les Balkans solidaires face aux inondations

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Par Euronews
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Trois pays de l'ex-Yougoslavie continuent à lutter contre les pires inondations de ces dernières décennies dans les Balkans. La Serbie, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie sont encore en état d'alerte.

En Croatie, la Slavonie, région frontalière avec la Serbie et déjà durement touchée par la guerre, est la seule affectée par le déluge. Dans cette région, l’une des moins développées et fortement touchée par le chômage, plus de 900 emplois ont été créés pour lutter contre les affres des inondations. Des actions d’assainissement vont être, par exemple, entreprises pour éviter toute propagation d‘épidémies.

Dans toute la Croatie, ce sont plus de 15 000 personnes qui ont été évacuées. Elles sont plus de 30 000 à avoir été déplacées en Serbie voisine. Plus de 26 000 familles sont également sans électricité dans ce pays. La capitale, Belgrade, se prépare aux assauts de la Save, un des affluents du Danube. Des milliers de volontaires se sont mobilisés pour parer les probables débordements de cette rivière. La ville est prête, selon son maire Siniša Mali. Ce dernier indique malgré tout que la hauteur qu’atteindra la Save reste inconnue.

En Bosnie-Herzégovine, la situation est loin d‘être également réglée, rapporte le site web de la radio-télévision croate (HRT). Environ un million de personnes ont été touchées par cette catastrophe naturelle et plus de 100 000 maisons ont été endommagées. Et un autre problème a surgi des eaux : les mines, reliquat de la guerre. Ces dernières, jusqu‘à maintenant disparues sous terre, ont refait surface. Des risques liés à ces mines ont été identifiés dans plus de 9 000 localités. A l‘échelle du pays, 2,4% du territoire serait affecté, ce qui représente un risque pour les 540 000 personnes habitant ces zones.


Opération de déminage en Bosnie-Herzégovine, près de la rivière Bosna dans la région de Visoko, le 20 mai denier

Plus de 1000 membres des forces armées croates ont été déployés en Croatie, ainsi qu’en Bosnie. Zagreb a également envoyé pompiers et membres de la protection civile en Serbie, a rapporté Hina, l’agence croate de presse. La Serbie a remercié le gouvernement et les citoyens croates pour leur l’aide, surtout dans ce contexte où la Croatie est, elle aussi, en proie à des inondations.

La Croatie et la Serbie vont faire conjointement appel aux fonds européens. La Bosnie-Herzégovine, quant à elle, ne peux prétendre à ces fonds, car le pays n’est ni membre de l’Union européenne, et n’a pas encore le statut officiel de candidat à l’adhésion.

Union devant le désastre

Les entités serbes et bosniaques de Bosnie-Herzégovine ont pris la même décision, celle de déclarer le 20 mai journée de deuil national, selon HRT. C’est la première décision qui unit deux des trois (croates, serbes et bosniaques) entités nationales de la fédération.

En Slovénie et en Croatie, les initiatives d’aides entre les pays de la région se multiplient. Le journal de Maribor (Slovénie) “Večer”, cité par HRT, constate qu’il n’y a jamais eu un tel degré de solidarité entre les pays de l’ex-Yougoslavie.

Alenka Bratušek, la Première ministre de la Slovénie, a parlé avec des politiciens des gouvernements de Croatie, Serbie et Bosnie-Herzégovine. À Zagreb a eu lieu une réunion de certains politiciens de la région qui se sont mis d’accord pour une meilleure coopération entre leurs pays pour faire face aux inondations qui resteront un problème grave à l’avenir.

HRT, la radio-télévision croate, estime à environ 2 millions le nombre de Croates ayant soit participé en tant que volontaires, soit financièrement en achetant l’essentiel pour ceux qui ont tout perdu. La somme des dons pour l’instant dans le pays atteint près de 9 millions de kuna, presque 1,2 million d’euros.

Les étudiants s’organisent aussi, par groupe : à Zadar, une ville de Dalmatie à la réputation conservatrice, les étudiants de l’université locale sont en contact avec une faculté de Belgrade selon Antena Zadar, un site d’informations locales.

Les réseaux sociaux sont eux aussi le lieu d’expression d’une grande énergie constructive. Sur Facebook existent des groupes rassemblant des offres de logements pour ceux qui ont perdu leurs maisons. Celui pour la Croatie, intitulé « Un logement pour les victimes de l’inondation » compte pour l’instant 10 000 inscrits. Dans certaines annonces, des personnes écrivent même « je peux aider les victimes de toute la région des Balkans, peu importe leur nationalité ».

Les réseaux sociaux sont aussi les lieux d‘échange de photos et de textes qui témoignent du caractère unificateur de la tragédie que sont les inondations. Par exemple, 6 mains, chacune tatouées de l’un des 6 drapeaux des pays de l’ex-Yougoslavie, se tenant les unes les autres pour former un cercle fermé, uni.

« On est le même peuple », « On est unis maintenant, il ne faut pas permettre aux politiciens de nous séparer » sont deux des nombreux commentaires que l’on retrouve en ligne. D’autres voix, plus prudentes ou pessimistes, ne voient dans l‘épisode des inondations qu’un interlude positif dans les rapports tendus entre les pays des Balkans.

Novak Đoković, le célèbre joueur de tennis serbe, a lui aussi contribué à sa manière à cette solidarité temporaire en reversant l’argent gagné lors de sa dernière victoire aux pays inondés. « Vive tous les peuples de l’ex-Yougoslavie » a-t-il écrit sur Twitter, dans un message accompagné par une photo d’une carte de l’ex-Yougoslavie devant un paysage sous les eaux. « La Yougoslavie a émergé des inondations », indique la légende de la photo.

Ziveli svi narodi bivse Jugoslavije. Neka je Bog uz vas.. pic.twitter.com/HkgVOCqIGv

— Novak Djokovic (@DjokerNole) 19 Mai 2014

Toutes les bonnes volontés mises en œuvre dans la région ne sauraient néanmoins faire oublier les comportements peu scrupuleux de ceux qui profitent de la situation. Certains vendeurs ont augmenté le prix du pain et de l’eau en Serbie, alors qu’en Croatie, les autorités se sont organisées pour empêcher les cambriolages des maisons abandonnées par des groupes de faux volontaires.

A qui la faute ?

Au niveau politique, certains Croates critiquent Zoran Milanović, le Premier ministre du pays, et le reste du gouvernement pour n’avoir pas passé plus de temps en Slavonie, la région inondée. Le maire de Zagreb a même déclaré que, selon lui, le gouvernement devrait dormir en Slavonie 24h/24, 7j/7, pour être à disposition. « Moi, si j’avais des élections pour le Parlement européen, je dormirais là », a-t-il ajouté. Le Premier ministre, dont le pays n’est pas encore sorti de la récession économique qui le frappe, est aussi critiqué après avoir déclaré aux médias nationaux que le pays se débrouillera seul, et que l’aide de l’Union européenne sera demandée mais « juste comme une formalité ».

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Le chef de l’opposition de droite, Tomislav Karamarko à quant à lui totalement ignoré les inondations. Il a préféré fustiger devant 6 000 membres du HDZ, le plus grand parti conservateur croate, la « yougophilie » et la « yougonostalgie » de ceux qui « n’ont jamais voulu l’indépendance de la Croatie ».

En Serbie, certains se sont enthousiasmé pour l’engagement du président du gouvernement Aleksandar Vučić dans cette catastrophe. Les autres critiquent justement le fait qu’il soit devenu une personnification de la lutte contre les inondations et le culte du nouveau « héros ». Vučić est aussi critiqué pour avoir utilisé une rhétorique guerrière, parlant de « défense de Šabac » et d’empêcher « la capitulation » de cette ville, érigée avec Obrenovac en symboles, au détriment d’autres villes et villages inondés.

La question de la culpabilité est aussi posée et des enquêtes auront lieu sur les causes des inondations. L’opinion publique souhaite savoir si au moins une partie de la terrible catastrophe pouvait être empêchée. Les inondations sont aussi un prétexte pour mettre l’accent sur le changement climatique, un thème souvent négligé dans la région.

Pour l’instant, les autorités restent prudentes et ne mentionnent que peu le bilan, qui devrait dépasser les 50 morts dans la région, alors que le risque de crues existe encore.

Crédit photos : Reuters

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Kristina Olujic

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