France : l'histoire du petit Ahmed, un climat post-attentats malsain ?

France : l'histoire du petit Ahmed, un climat post-attentats malsain ?
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Par Joël Chatreau
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Il s’appelle Ahmed, il a 8 ans et il va à l‘école à Nice, sur la Côte d’Azur, dans le sud de la France. Jusqu‘à présent, il était un petit Français comme les autres, mais les propos qu’il aurait tenus dans sa classe le 8 janvier dernier, au lendemain de la tuerie perpétrée dans la rédaction de Charlie Hebdo à Paris, l’ont entraîné dans une histoire dont il ne comprend forcément pas les enjeux. Après le choc émotionnel provoqué par l’attentat, une minute de silence avait été organisée le jeudi partout en France, et les enseignants avaient été invités à parler du drame, de manière appropriée, avec leurs élèves. Selon le professeur d’Ahmed en CE2, l’enfant aurait refusé d’observer la minute de silence et aurait dit “Moi, je suis avec les terroristes”.

Pour introduire la discussion en classe, le professeur aurait demandé aux écoliers “Etes-vous Charlie ?”, Ahmed aurait répondu “Non”. “Pourquoi ?” “Parce qu’ils ont caricaturé le prophète”. Le directeur de l‘école, alerté, a convoqué l’enfant et son père; ce dernier serait revenu plusieurs fois dans l‘établissement. C’est ensuite que les choses se sont emballées…“Dans le contexte actuel, indique le directeur de la sécurité publique des Alpes-Maritimes, Marcel Authier, le directeur de l‘école a décidé de signaler ce qui s’est passé à la police”. Pour rapporter la suite des faits, il convient de “prendre des pincettes“car les déclarations sont contradictoires. L’avocat de la famille d’Ahmed, Me Sefen Guez Guez, affirme que le père et l’enfant ont été convoqués dans un commissariat de Nice, mercredi 28 janvier, après le dépôt d’une plainte de la direction de l‘établissement scolaire pour “apologie d’acte de terrorisme”.

“On les a convoqués pour essayer de comprendre comment un garçon de 8 ans peut être amené à tenir des propos aussi radicaux”, explique le commissaire Authier, qui dément toutefois qu’une plainte a été déposée. “La police ment !”, accuse l’avocat dans un tweet qu’il signe S. Ibn Salah (Il confirme cette signature). Il écrit : “L’enfant est poursuivi pour apologie d’acte de terrorisme. C’est écrit noir sur blanc sur le PV que j’ai signé”. Le ministère de l’Education indique de son côté qu’une plainte a été déposée contre le père de l‘élève mais pour “intrusion” dans l‘école. Me Sefen Guez Guez ne cache pas sa colère : “Placer un enfant de 8 ans en audition libre, c’est dire l‘état d’hystérie collective actuelle autour de cette notion d’apologie du terrorisme”; “Dans ce genre de cas, estime-t-il, il faut de la pédagogie”. Selon la police niçoise, l’audition d’Ahmed a duré une demi-heure, puis, pendant que son père a été entendu à son tour, l’enfant s’est occupé avec des jouets.

Précisons: l'enfant est poursuivi pour apologie d'acte de terrorisme. C'est écrit noir sur blanc sur le PV que j'ai signé. La police ment.

— S. Ibn Salah (@IbnSalah) January 28, 2015

Cette malencontreuse histoire révèle bien le légitime traumatisme qui persiste en France à la suite de la semaine noire qu’elle a vécue début janvier (marquée par divers attentats, commis par des terroristes djihadistes, qui ont fait 17 morts), mais surtout les défis que va devoir relever le pays : le rôle de l‘école républicaine précisément mais aussi la responsabilité des parents, des autorités religieuses, la fermeté des autorités pour garantir la sécurité, pour faire respecter la laïcité, pour lutter sans répit contre l’antisémitisme et l’islamophobie, mais aussi la modération et la raison pour ne pas tomber dans la psychose et l’affrontement de différentes communautés. “L’affaire Ahmed” se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux et sur internet. Le Collectif contre l’islamophobie en France se dit “profondément choqué d’un tel traitement”. L’avocat Sefen Guez Guez se lâche sur son compte Twitter, sous le pseudonyme S. Ibn Salah : “Une fois que je sortirai du comico, je sens que je vais faire du bruit”. Et les hommes politiques comme Christian Estrosi, le maire de Nice, ou Eric Ciotti, le président du Conseil Général des Alpes-Maritimes, y vont de leurs petits commentaires…

Soutien au directeur d'école qui a dénoncé les faits avec courage. J'attends de la justice de la fermeté face à la responsabilité parentale

— Christian Estrosi (@cestrosi) January 29, 2015

Je m'étonne de l'hystérie collective autour de l'audition libre d'un enfant et de ses parents après des propos alarmants. #Nice06#Ahmed

— Eric Ciotti ن (@ECiotti) January 29, 2015

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