Ses soldats soviétiques qui ont filmé la guerre

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Par Andrei Belkevich
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Il a vécu des pages importantes de la Seconde Guerre mondiale, les lignes de front, la libération de la Pologne, la prise de Berlin. Il a été

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Il a vécu des pages importantes de la Seconde Guerre mondiale, les lignes de front, la libération de la Pologne, la prise de Berlin. Il a été distingué pour son héroïsme et sa bravoure, mais jamais arme au point.

“Notre arme, c‘était la caméra, explique Boris Sokolov. Nous devions enregistrer la guerre sur pellicule, pas nous battre. Nous avons filmé des batailles, des soldats, des armes… Mais notre arme à nous, ce n‘était pas le fusil, c‘était la caméra.”

Cette année, Boris Sokolov a fêté son 95e anniversaire. Au Musée de la Seconde Guerre mondiale de Moscou, le vieux photographe militaire regarde défiler les images d’archives, il se souvient de ses premières prises sur la ligne de front, en 1944.

“Nous sommes arrivés à Varsovie quand les pontons venaient d‘être installés, l’armée polonaise commençait à passer de l’autre côté de la Vistule, se souvient-il. On a filmé cette traversée, et ensuite, on a filmé le premier défilé des troupes polonaises dans Varsovie libéré.”

Sokolov, comme tous les cameramen militaires, a toujours travaillé en double, avec un compagnon. La caméra pesait 3,5 kg. Et il fallait porter aussi plusieurs bobines de pellicule, de 500 grammes chacune.

“La caméra ressemblait à une sorte de vieux réveil. Il y avait un ressort, ce qui permettait de faire défiler 15 mètres de pellicule, soit l‘équivalent de 30 secondes d’images. Cela signifie que nous ne pouvions pas filmer plus de 30 secondes d’un coup. Après, la caméra s’arrêtait, et il fallait recommencer la manoeuvre, pour continuer à filmer.”

Parfois, à cause des imperfections techniques, certaines prises de vue ont dû être préparées. Mais, pour Sokolov, des mises en scène nécessaires pour filmer la guerre:

“A Varsovie, nous avons demandé à l’armée de tirer vers la rive opposée de la rivière, de manière que, de là ou nous étions placés, nous puissions filmer les explosions et les tirs. Nous avons demandé à l’artillerie de viser un site précis. A un certain moment, ils nous ont prévenu par téléphone qu’ils allaient tirer, et que nous pouvions déclencher la caméra. C’est ce que nous avons fait. Mais encore une fois, nous filmions la guerre”.

La séquence qui a le plus marqué Boris Sokolov, c’est quand l’Allemagne a signé sa capitulation. Il était chargé de filmer la délégation allemande conduite par Wilhelm Keitel, qui devait signer le document, au nom du Troisième Reich. La photo de Keitel prise le 8 mai 1945, Sokolov la conserve pieusement dans ses archives:

“Je me souviens encore du comportement de Keitel. Il a été très arrogant dès le début de la cérémonie. Il a salué le public avec son bâton de Maréchal, mais personne ne lui a répondu. Keitel se comportait, non pas comme le vaincu, mais comme le vainqueur.”

Certains souvenirs restent vivaces. Comme cette découverte par les soldats soviétiques, au fond d’une piscine vide de la Chancellerie du Reich à Berlin, du corps sans vie d’une doublure de Hitler. Quand Sokolov est venu filmer le cadavre, il a déposé une photo de Hitler tout près du corps pour comparer.

“Il était habillé comme Hitler. Ruban avec la croix de fer comme celui de Hitler. Cheveux peignés comme Hitler. Petite moustache. Donc, très similaire en apparence. Mais le nez de cette doublure était cassé, et il avait un trou de balle dans le front” raconte-t-il.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, 258 caméramen soviétiques ont tourné 1944 heures de film. Un sur cinq est mort au front. Aujourd’hui, de tous ces hommes qui ont filmé la guerre, et vu la victoire, Boris Sokolov est le seul encore en vie.

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