Employés de maison : en finir avec les abus

Employés de maison : en finir avec les abus
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Par Stéphanie Lafourcatère
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Certains affirment que c'est trop cher et trop compliqué d'accorder aux employés de maison, des conditions de travail et des salaires décents. Mais les choses sont en train de changer dans plusieur

Ce sont en grande majorité des femmes. Elles lavent, cuisinent ou gardent des enfants au domicile de leurs employeurs. Dans de nombreux pays, les travailleurs domestiques – selon la terminologie de l’Organisation internationale du travail (OIT) – sont parfois exploités. Pendant des années, les responsables politiques un peu partout dans le monde ont entretenu le statu quo. Mais l’adoption par l’OIT d’une Convention spécifique en 2011 a permis des évolutions importantes.

En Italie, premier pays européen à avoir ratifié ce texte, employés de maison et patrons ont créé leurs organisations professionnelles respectives et mènent des négociations collectives. A Rome, nous rencontrons Sara Gomez, la porte-parole du syndicat de travailleurs domestiques FILCAMS. Son credo : ensemble, on est plus fort. “Parfois, je me retrouve face à des employées de maison, souligne-t-elle, qui quand elles prennent leur carte d’adhésion au syndicat, se mettent à pleurer parce qu’elles ont le sentiment d‘être reconnus pour leur travail et cela leur donne de la force.”

Italie : l’effort des organisations professionnelles

Actuellement, le syndicat mène la lutte pour que les travailleurs domestiques aient un statut équivalent aux autres salariés d’Italie et qu’en cas de congé maladie, ils touchent eux aussi des indemnités au delà de quinze jours consécutifs d’arrêt. Régulièrement, Sara Gomez reçoit des employées de maison qui ont besoin d’aide : “J’ai vécu des moments très stressants avec mon employeur qui me demandait de travailler même quand j’avais de la fièvre,” confie l’une d’entre elles.

Des progrès doivent aussi être faits en matière d’indemnités d’incapacité. Depuis son arrivée du Guatemala il y a 17 ans, Evelyn Villalta travaille pour le Docteur Carlo. Aujourd’hui, elle souffre du pied et avec l’aide du syndicat, elle se bat pour pouvoir prendre sa retraite plus tôt pour raison médicale. “J’aime faire des choses, travailler et pas seulement pour gagner de l’argent parce que vraiment, j’aime travailler, lance-t-elle. Mais quand les médecins m’ont dit que ma maladie allait devenir un handicap grave, ajoute-t-elle des sanglots dans la voix, pour moi c‘était comme si ma vie s’arrêtait.”

L’Italie est l’un des rares pays où l’on trouve une association d’employeurs de travailleurs domestiques. Sa création s’explique par la force des syndicats dans l’histoire du pays. Domina aide les familles pour les démarches administratives comme l‘établissement du contrat et le paiement des cotisations dues. Ce qui leur simplifie la vie. Autre intérêt : les deux parties se mettent d’accord sur les modalités et conditions de travail. “A l’heure actuelle, le plus gros travail pour Domina consiste à créer une culture du travail domestique en Italie, explique Massimo de Luca, consultant juridique pour l’association. Notre pays est le premier pays européen à avoir signé la Convention de l’OIT et cela a été possible grâce au travail que nous avons mené avec les syndicats, cela a été possible parce que l’Italie travaille depuis des années sur le statut des employés de maison dans l’objectif d’en faire une activité digne pour le salarié et abordable pour l’employeur,” conclut-il.

D’après les chiffres de l’OIT, les travailleurs domestiques ont droit à un salaire minimum dans au moins 60 pays. Plus de la moitié de la planète. Mais dans certains pays, cette rémunération minimale est inférieure à celle des autres employés.

Suisse : Chèque service, un dispositif qui a fait ses preuves

En Suisse, le dispositif Chèque service – un système similaire existe en France, Italie, Autriche et Belgique – a prouvé qu’il était possible de fournir une couverture sociale à ces employés. L’an dernier, à l‘échelle de la Confédération, 44 millions de francs suisses de salaires ont été déclarés par ce biais. “Le bénéfice pour un employé, insiste Anne Babel, directrice de Chèque service, c’est qu’il a des prestations sociales. Donc quel que soit son pays d’origine, quelle que soit sa situation en Suisse, poursuit-elle, la personne bénéficie des prestations sociales : elle aura droit à une Assurance-vieillesse et survivants, aux prestations sociales d’allocations familiales, d’indemnité maternité, au chômage sauf pour les personnes qui sont en situation illégale, mais la maternité et l’assurance accident que nous offrons dans le package Chèque service, elle y aura droit.”

En Suisse, aujourd’hui, seul un tiers des employeurs de travailleurs domestiques utilisent Chèque service. Mais la situation évolue, assure Anne Babel. “Il y a quand même un certain nombre d’employeurs qui ont une volonté d‘être en règle avec la loi, d’offrir les prestations sociales ; ensuite, Chèque service va garantir une certaine transparence dans les relations de travail : il faut justement que soient expliqués les droits, les devoirs, etc, indique-t-elle avant d’ajouter : on va aussi être très, très regardant au niveau du dispositif ; les employeurs qui ne respectent pas le salaire minimum qui est légal ne peuvent pas en bénéficier.”

Hong Kong : migrants et locaux ne sont pas logés à la même enseigne

A Hong Kong, l’emploi de travailleurs domestiques est une tout autre affaire. Ces dernières années, des cas d’esclavage moderne de jeunes femmes indonésiennes ont fait la une des journaux.

Nous nous rendons dans un institut fondé par le gouvernement où l’on se concentre sur la formation des employées de maison hongkongaises. Une fois leur diplôme obtenu, elles peuvent postuler à des offres d’emploi qui ont été sélectionnées par la structure et qui proposent un salaire décent. “Beaucoup de gens à Hong Kong qui emploient des aides à domicile veulent qu’ils soient capables de s’occuper de nouveaux-nés, de très jeunes bébés ou de personnes très âgées,” fait remarquer Mary Wong, formatrice.

Fiona Leung travaillait dans une banque. Elle espère que ce cours lui permettra de changer d’orientation professionnelle : “Après ma formation dans ce centre, je pourrai trouver un emploi en tant qu’aide à domicile pour m’occuper de nouveaux-nés, dit-elle, cette profession a de l’avenir à Hong Kong, donc j’espère faire une longue carrière dans ce domaine.”

Mais ce genre de dispositif n’est accessible qu’aux Hongkongais. Du côté des employés de maison migrants, la situation est bien différente : les conditions de travail sont souvent pénibles. Parfois, ils n’ont pas d’autre choix que de vivre chez leurs employeurs. Ce qui peut mener à des abus. “Quand mes employeurs rentrent à la maison, confie Shiella Estrada, employée de maison, ils veulent toujours qu’on leur ouvre la porte ; s’ils veulent boire un thé ou quelque chose, ils frappent à notre porte et disent qu’il faut leur préparer quelque chose : on est sollicité 24 heures sur 24.”

Esclavage moderne

De nombreuses domestiques étrangères se retrouvent dans certaines rues de Hong Kong lors de leur unique journée de repos dans la semaine et s’assoient par terre pour bavarder. Beaucoup évoquent des mauvais traitements : certaines sont forcées de dormir dans la cuisine ou n’ont pas assez à manger. Diana Juanillo préfère elle ironiser sur son sort : “Faire le ménage, laver la voiture, aller au marché, faire la cuisine, la lessive, le repassage, je fais tout à cela 18 heures par jour, affirme-t-elle. Je dois aussi leur servir leurs trois repas et en plus, je devrais être plus patiente avec eux !” lance-t-elle. Alors que ces employées de maison se réconfortent en étant ensemble, la mobilisation se poursuit du côté des ONG comme Amnesty International, des syndicats comme la “Fédération internationale des travailleurs domestiques” http://www.idwfed.org/fr et de l’“OIT”:http://www.ilo.org/global/topics/domestic-workers/WCMS_211091/lang—fr/index.htm pour que les lois en vigueur à Hong Kong qui sont censées les protéger soient réellement appliquées.

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