Brexit : entre Londres et Paris, c'est "je t'aime, moi non plus"

Brexit : entre Londres et Paris, c'est "je t'aime, moi non plus"
Par Sophie Desjardin avec Sandrine Delorme
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Leur dernier sommet bilatéral date de mars.

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Leur dernier sommet bilatéral date de mars. François Hollande et David Cameron étaient réunis à Amiens, en France, pour parler crise migratoire et notamment du casse-tête de Calais. Et ils en avaient tous deux profité pour défendre la place du Royaume-Uni au sein de l’Europe…
David Cameron avait martelé que son pays était plus fort et davantage en sécurité à l’intérieur de l’Europe qu’en dehors. Hollande avait acquiescé, agitant même la menace d’un changement de gestion des situations en matière de migrations en cas de Brexit.

La Grande-Bretagne doit rester dans l’Union européenne, c’est ma volonté. Mais, en même temps, il faut que l’Union puisse avancer. Aucun pays ne doit avoir un droit de veto. Aucun pays ne doit se soustraire à des règles communes, à des autorités communes.

Je ne veux pas faire peur, mais dire la vérité. Il y aura des conséquences si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne. Il y aura des conséquences dans beaucoup de domaines.

Il y a plus de 20 ans, il a été réalisé un ouvrage entre la France et le Royaume-Uni : le tunnel sous la Manche. Nous sommes depuis unis comme nous ne l’avons jamais été et j’espère que les Britanniques s’en souviendront le jour venu.

L’entente franco-britannique à laquelle travaillent les deux pays depuis plus d’un siècle résisterait-elle à un Brexit ? Oui, peut-être, mais ni le Président français, ni le Premier ministre britannique ne semble vouloir s’y risquer.

Eclairage

Sophie Desjardin a posé plusieurs questions à Agnès Bénassy-Quéré, pour avoir son éclairage depuis Paris.

Agnès Bénassy-Quéré est économiste, et présidente déléguée du conseil d’analyse économique, auprès du Premier ministre, depuis 2012.

Dites-nous, selon vous, quelle est l’issue souhaitée par Paris à ce référendum, et pourquoi ?

Agnès Bénassy-Quéré :

Il est évident que la France a intérêt à ce que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne. Il ne faut pas oublier que le Royaume-Uni est un partenaire commercial extrêmement important de la France, de l’UE en général, mais de la France en particulier. C’est un partenaire plus important que les Etats-Unis, donc on n’a jamais intérêt à ce qu’un partenaire commercial important soit affaibli, parce que le Brexit très probablement, affaiblirait le Royaume-Uni. Quand il y a plus d’incertitudes, la tendance des marchés financiers, c’est de se ruer sur les actifs considérés comme sûrs et donc, de se débarrasser des actifs considérés comme moins sûrs et donc, des risques financiers très importants à court terme. A plus long terme, des effets boule de neige de type politique avec d’autres Etats réclamant également des référendums.

Des voix s‘élèvent pourtant, y compris dans la classe politique, ou même parmi les économistes, pour dire que, finalement, une sortie de la Grande-Bretagne pourrait être bénéfique à l’Union européenne, qu’en pensez-vous ?

Agnès Bénassy-Quéré :

*Cela aurait pû être vrai si les partenaires européens, hors Royaume-Uni, avaient un plan bien construit pour aller plus loin dans l’intégration car le Royaume-Uni était un obstacle à cette intégration. Mais ça n’est pas le cas. En réalité, ce n’est pas le Royaume-Uni qui empêche la France et l’Allemagne de se mettre d’accord sur ce qu’on appelle la finalisation de l’union bancaire et également l’union budgétaire, donc aller plus loin dans la voie de l’intégration. Donc, je crois que malheureusement, ce n’est pas un point de vue très solide, parce que justement, ce plan d’intégration n’existe pas actuellement.
Par ailleurs, certains analystes, s’attendent à ce que la City de Londres se voie un peu démantelée par le Brexit. Des activités partiront probablement, mais elles ne partiront pas forcément vers Paris, ce sera peut-être plutôt vers Francfort et Dublin, voire Amsterdam.*

Pourtant, le gouvernement français s’est déjà lancé dans une cour vis-à-vis des banquiers de la City…

Agnès Bénassy-Quéré :

Bien évidemement, et Paris a des atouts indéniables dans cette course, mais il y a une concurrence, saine et Paris n’est pas la seule à pouvoir récupérer des activités financières, donc je ne pense pas qu’il faille vraiment compter là-dessus et dire que ce serait une bonne chose que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne pour cette raison.

A long terme, que l’issue soit positive ou négative, quelles seront les conséquences sur l’Europe elle-même et comment la sauver ?

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Agnès Bénassy-Quéré :

*Comment sauver l’Europe en cas de Brexit ? Il y a un élément politique : il faut résister à la tentation de faire des référendums dans d’autres pays, on sait bien que les peuples ne répondent pas forcément à la question posée, c’est extrêmement dangereux de construire l’Europe politique à partir de référendums, et l’autre élément, c’est proposer, prendre le message britannique sur une autre Europe et essayer de proposer aux citoyens européens une Europe qui leur convienne d’avantage, avec peut-être plus d’attention sur leurs propres situations.
Alors évidemment, que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, c’est aussi, du point de vue économique, un peu une réorientation. Le Royaume-Uni a toujours poussé pour des politiques assez libérales, d’ouverture. Est-ce que les pays européens, sans le Royaume-Uni, réussiront à résister à ces tentations protectionnistes, c’est aussi une question qu’on peut poser. Il y a également un déséquilibre qui va se produire au sein de l’Union européenne avec une Allemagne encore plus puissante, si le Royaume-Uni s’en va.
Maintenant, c’est aussi, il faut bien le dire une clarification, puisque l’accord qui a été obtenu pour le cas où le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne est quand même un accord très difficile à mettre en oeuvre. Donc, d’un certain point de vue, du point de vue de la gouvernance, c’est vrai que sans le Royaume-Uni, ce sera un tout petit peu plus simple.*

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