Les petites manoeuvres d'enrichissement légales de certains députés européens

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Par Euronews
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Des députés européens louent des bureaux à… eux-mêmes et empochent ainsi une partie du budget de 39 millions d’euros – financés par les impôts – alloués au Parlement européen pour couvrir les frais de mandat des députés.

Cette révélation a été faite par un collectif de journalistes européens, le MEP Project qui a enquêté sur la manière dont les ces élus utilisent leur enveloppe annuelle de 52 000 € de frais de mandat. Ils ont aussi découvert que :

  • des dizaines de députés reversent de l’argent à leur parti politique

  • seulement 40% des 748 députés siégeant au Parlement européen acceptent de rendre publique leurs dépenses

  • 174 députés ne justifient d’aucun bureau dans leur pays alors qu’ils ont l’obligation de maintenir un lien avec leur circonscription

Le plus préoccupant, selon les défenseurs de la transparence de la vie publique, est qu’aucun de ce agissements n’est illégal.

Des règles très souples

Les députés européens reçoivent, chaque année, 52 000 € afin de couvrir leur frais. La contre-partie ? Aucune ; aucun justificatif ne leur est demandé. Ce budget sert, initialement et principalement, à financer les coûts de location d’un bureau dans le pays d’origine du député. Or selon le collectif de journalistes qui a enquêté sur ces frais, quatre députés – allemands, belges et suédois – ont reconnu payer un loyer à eux-même ou à leur parti politique.

Une pratique qui n’est pas illégale : le règlement du Parlement européen les autorisent à le faire, tant que certaines conditions sont remplies. Les députés doivent notamment payer un montant de loyer identique aux prix du marché afin de ne pas financer indirectement le parti politique dont ils sont membre.
Le bureau ne doit pas, en outre, être utilisé par quelqu’un d’autre ou pour d’autres fonctions. Enfin, il doit être clairement identifié comme étant utilisé pour un mandat européen.

Dans la pratique, le Parlement européen n’a aucun moyen de vérifier si les règles sont bien respectées. Il a reconnu ne demander aucune facture aux députés pour justifier de leurs dépenses et n’avoir, par conséquent, aucune donnée sur les bureaux loués par les députés européens. “La location d’un bureau fait partie des dépenses couvertes par les indemnité de frais généraux (IFG). Il s’agit d’un montant forfaitaire qui, par principe, n’est pas contrôlé par le Parlement européen. […] Comme il s’agit d’un montant forfaitaire, cela induit que les députés n’ont pas à fournir de factures et que l’administration du Parlement européen n’a aucune information sur les bureaux loués par les députés. “ confirme Marjory van den Broeke, porte-parole du Parlement européen.

“Quant on voit les contrôles très stricts et les audits réalisés pour le budget de l’UE, il est extraordinaire que les députés n’aient pas à respecter les mêmes exigences pour leurs propres dépenses.” s‘étonne Wouter Wolfs, chercheur à l’Université de Louvain en Belgique qui s’intéresse tout particulièrement aux questions de financement dans la politique. “Bien sûr les contrôles doivent être proportionnés. Mais au regard des 39 millions d’euros de budget annuel que représentent ces enveloppes, et alors qu’il y a des raisons d‘être suspicieux puisqu’il y a déjà eu des abus par le passé, un contrôle plus strict des indemnité de frais généraux me paraît justifié.” ajoute M. Wolfs.

Les allocations pour frais de mandat des députés européens ont subi des réformes suites à une série de scandales, notamment en 2009, lorsque des abus systématiques avaient été révélés : des paiements versés à des assistants non crédités au Parlement européen ou encore le versement, par un député, de 223 000 € de salaire à un proche.

Les députés européens touchent, en outre et entre autres, un salaire annuel de 96 000 €, des frais de voyage (hôtel, restaurant…) d’un montant annuel maximum de 4 264 €. Ils ont aussi droit à de généreuses primes de départ lorsqu’ils perdent leur siège.

Les députés partagent leur temps entre Bruxelles, Strasbourg et leur circonscription. Il sont tenus de passer au moins quatre semaines par an au service de leurs électeurs.

Un défaut de transparence

Ces révélations sont publiées alors même que les députés européens viennent une nouvelle fois de voter contre plus de transparence concernant leurs dépenses.

Selon les journalistes du collectif, 133 députés, sur les 748 qui siègent au Parlement européen, ont rendu public le montant du loyer de leur bureau. 42 d’entre eux ont reconnu se payer le loyer à eux-même ou à leur parti politique national.
Huit députés allemands ont indiqué être propriétaire de la maison dans laquelle se trouve leur bureau sans pour autant indiquer s’ils se versaient un loyer.
87 députés ont déclaré ne pas avoir de bureau.
Depuis 2010, le Parlement européen n’a enregistré pas plus de 20 retours d’indemnités de frais généraux non utilisées.

“Je n’imagine pas les députés européens accorder 39 millions d’euros par an aux Etats membres dans le cadre d’une politique de cohésion sans demander un reçu. Il existe un certain niveau d’hypocrisie de la part de l’administration financière du Parlement que nous trouvons ahurissant” réagit Nick Aiossa responsable des politiques européennes à Transparency International. “On parle de la monté des eurospectiques en Europe ; et là on voit un problème au Parlement européen, certes mineur mais tellement symbolique, et qui peut être résolu littéralement immédiatement. Honnêtement, ils se desservent, en particulier pour la campagne des élections de 2019 et certaines élections nationales. Je pense que le plus tôt ils corrigeront ceci, le mieux ils se porteront” ajoute-t-il.

En 2015, le collectif du MEP Project a porté plainte auprès de la Cour de justice de l’Union européenne pour exiger la publicité des dépenses des élus européens.

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