Juan Manuel Santos: "Cette fois, c'est vraiment la fin des FARC"

Juan Manuel Santos: "Cette fois, c'est vraiment la fin des FARC"
Tous droits réservés 
Par Euronews
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Quel avenir pour la Colombie ?

Quel avenir pour la Colombie ?
Après plus d’un demi-siècle de conflit armé avec la guérilla des FARC, les Forces armées révolutionnaires de Colombie, un accord de paix historique semble enfin avoir été trouvé. Juan Manuel Santos, le président colombien, s’est vu décerner le prix Nobel de la paix, en décembre dernier, pour récompenser ses efforts dans ce processus vers la paix. Au fil des décennies, ce conflit a fait au moins 260 000 morts, 45 000 disparus et près de 7 millions de déplacés.

Isabelle Kumar a rencontré le président Juan Manuel Santos à Paris. Entretien.

Isabelle Kumar, Euronews:
“Les nouvelles de Colombie sont bonnes. L’encre a sêché depuis la signature de cet accord de paix. Comment se passe sa mise en oeuvre ?”

Juan Manuel Santos, président de la République de Colombie:
“Oui, quelque chose de très important s’est produit. 100% des armes passées aux mains des FARC ont été remises aux Nations Unies. C’est réellement la fin des FARC, parce qu’il s’agissait d’un groupe armé et que désormais ils ne possèdent plus d’armes. Il ne s’agit plus d’une guérilla, c’est devenu un parti politique, ils sont rentrés dans la légalité, ce qui était une condition nécessaire pour la paix.”

Isabelle Kumar:
“Comment pouvez-vous être sûr que 100% de ces armes ont bien été rendues ?”

Juan Manuel Santos:
“Personne n’est jamais sur à 100%. En tout cas, chaque combattant de la guérilla a été enregistré. Chacun a dû signer un document dans lequel il s’engage à ne plus utiliser d’arme, chaque arme a été enregistrée. Le processus est très sérieux. Si vous comparez ce processus avec d’autres, c’est probablement le plus abouti, le plus encadré en terme de contrôle du dépôt d’armes.”

Juan Manuel Santos

  • Il a enchaîné deux mandats de Président de la République de Colombie
  • Le prix Nobel de la paix lui est décerné en 2016
  • Il signe un accord de paix avec les FARC en août 2016
  • Il est issu d’une des familles les plus influentes politiquement en Colombie

Isabelle Kumar:
“Mais vos détracteurs diront que vous avez été trop clément avec les FARC afin d’arriver à cet accord. Que leur répondrez-vous alors ?”

Juan Manuel Santos:
“Mes détracteurs souhaitaient que je fasse tout simplement disparaître les FARC, en utilisant la force militaire. Cela aurait prolongé le conflit de 30-40 ans. Ou alors ils voulaient que je les jette en prison pour 40 ans. Mais si vous leur demandez de partir en prison pour 40 ans, alors ils ne rendraient pas leurs armes. Dans un processus de paix, vous devez toujours séparer la paix de la justice.”

Isabelle Kumar:
“C’est un peu ironique, non ? Le monde entier loue cet accord de paix et sa mise en oeuvre, et quand vous rentrez au pays, vous n‘êtes pas populaire, votre côte de popularité est au plus bas. Comment l’expliquez-vous ?”

Juan Manuel Santos:
“Faire la guerre, c’est très facile et très populaire. J’ai été ministre de la Défense, j’ai eu des résultats et c’est pour cela que j’ai été élu président. Faire la paix, cela veut dire s’asseoir avec ses ennemis et commencer à faire des concessions.pour ramener la paix. Les gens n’aiment pas les FARC, qui ont commis toutes sortes d’atrocités ces 50 dernières années. Alors, voir la personne qui a été militairement si efficace s’asseoir avec eux et faire des concessions, cela n’est pas très populaire, n’est pas bien accepté. Mais laissez-moi vous dire une chose : la paix, c’est beaucoup mieux que la guerre et la Colombie – après cet accord de paix – se développera comme jamais auparavant.”

Isabelle Kumar:
“Les prochaines élections sont l’an prochain, vous ne pouvez pas vous présenter et les membres de l’opposition n’ont qu’un souhait, c’est de revenir sur cet accord. Êtes-vous convaincu qu’il survivra à votre administration ?”

Juan Manuel Santos:
“On ne peut plus revenir sur la paix. Quiconque remportera les élections ne pourra pas revenir en arrière. Et puis, imaginer que les FARC pourraient s’armer de nouveau, retourner dans les montagnes et recommencer à tuer…”

Isabelle Kumar:
“Mais ils n’acceptent pas que les FARC puissent obtenir des places au gouvernement par exemple. Cela pourrait renverser l’accord…”

Juan Manuel Santos:
“Aujourd’hui, la constitution permet aux FARC de pouvoir prétendre rentrer au parlement. Mais cela fait partie des accords de paix partout dans le monde. Si vous comparez ce que nous avons fait en Colombie à d’autres processus de paix, c’est la première fois dans l’histoire mondiale des conflits armés que des guérilleros rendent les armes et acceptent d‘être jugés et condamnés. Cela n’est jamais arrivé. Il n y aura aucune impunité.”

Isabelle Kumar:
“C’est un processus de paix colombien comme vous l’avez mentionné mais vous avez quand même pu compter sur le soutien de la communauté internationale. Vous avez récemment rencontré Donald Trump à la Maison Blanche. Quel a été son implication dans le processus ?”

Juan Manuel Santos:
“Il a été très clair lors de sa conférence de presse à propos du processus de paix.”

Isabelle Kumar:
“Il n’a pas mentionné le processus de paix lors de sa conférence de presse.”

Juan Manuel Santos:
“Il a dit qu’il soutenait la Colombie, le Congrès nous a soutenu, le parti républicain a voté pour augmenter le soutien pendant l’après-conflit. Ils ne pouvaient pas être plus clairs sur leurs intentions. Heureusement, nous avons développé une excellente relation aussi bien avec les Démocrates qu’avec les Républicains. Je me suis rendu à Washington pour ratifier cette relation.”

Isabelle Kumar:
“Evidemment, vous travaillez également avec les Etats-Unis sur la guerre contre la drogue. Il semble même que ce combat intéresse plus le président Trump que l’accord de paix. Il s’est montré plutôt catégorique sur ce sujet et a notamment dit “les murs fonctionnent”. Etes-vous d’accord avec lui ?”

Juan Manuel Santos:
“Le trafic de drogue est une chaîne et nous devons combattre chaque maillon de cette chaîne en employant les méthodes appropriées. Nous devons être très très dur avec les intermédiaires, avec ceux qui font des bénéfices. Il faut être moins sévère avec le paysan chez nous où le consommateur ici en Europe où aux Etats-Unis. C’est une co-responsabilité. Les Etats-Unis et l’Europe ont une responsabilité. La Colombie essaye de mettre en place une approche plus efficace et pragmatique de la guerre des drogues…”

Isabelle Kumar:
“Construire un mur, c’est du pragmatisme ?”

Juan Manuel Santos:
“Si vous construisez un mur, les drogues le contourneront. Donc vous avez besoin d’une vision plus pragmatique pour être plus efficace. Le meilleur mur que vous pouvez construire, c’est le développement économique de l’Amérique Centrale, de l’Amérique du Sud, pour que les gens ne soient pas tentés de regarder vers le nord, vers les Etats-Unis ou l’Europe. Le meilleur mur c’est le développement économique de ce pays.”

Isabelle Kumar:
“Si on parle de développement économique, le marché de la cocaïne est un problème pour la Colombie, qui reste le premier exportateur mondial…”

Juan Manuel Santos:
“Oui, nous le sommes toujours. Et les Etats-Unis et l’Europe restent eux les plus grands consommateurs.”

Isabelle Kumar:
“Vous travaillez main dans la main sur ce problème ?”

Juan Manuel Santos:
“Nous travaillons main dans la main avec les Etats-Unis, avec l’Europe. C’est un problème global qui doit être réglé avec…Un pays seul ne peut pas gagner cette guerre des drogues, deux pays non plus. Ce doit être une approche multilatérale et c’est ce que nous essayons de faire en Colombie, encore une fois, pour attaquer chaque maillon de la chaîne du trafic de drogues.”

Isabelle Kumar:
“Vous parlez de l’Union Européenne comme d’un partenaire. L’UE a débloqué près de 95 millions d’euros pour ramener la paix, comment comptez-vous utiliser cet argent ?”

Juan Manuel Santos:
“Nous avons beaucoup de besoins, déminer par exemple. Après l’Afghanistan, nous sommes le deuxième pays le plus concerné par les mines. Nous devons déminer. Nous devons offrir une alternative aux paysans et aux personnes qui vivent dans les zones de conflit. Nous devons construire des routes, construire des écoles, des hôpitaux. Nous devons apprendre aux guérilleros à devenir des citoyens normaux. C’est la priorité du processus post-conflit.”.

Isabelle Kumar:
“Le chemin vers la paix a été long et difficile évidemment. Quels ont été les exemples sur lesquels vous vous êtes appuyé pour parvenir à cet accord ? Quelles ont été vos forces mais aussi vos faiblesses ?”

Juan Manuel Santos:
“J’ai énormément de faiblesses comme tout être humain. Peut être que je suis parfois impatient, peut être que je me rends malade quand quelque chose arrive ou n’arrive pas….Ce processus de paix a été très difficile, d’ailleurs aucun n’est aisé. Nous avons étudié beaucoup de processus de paix et nous avons pris dans chacun ce qui était applicable en Colombie – je pense à l’IRA, à l’Afrique du Sud, au Salvador, au Sri Lanka. J’ai pu m’appuyer sur une équipe de conseillers d’expérience qui ont pu m’aiguiller dès le début du processus. Si vous avez un objectif et que vous voulez l’atteindre, vous devez être persévérant. J’ai fait partie de la Marine où j’ai appris à naviguer. Vous devez toujours avoir un port de destination, ensuite vous utilisez les vents pour arriver à ce port. C’est ce que nous avons fait dans ce processus de paix.”

Vous pouvez retrouver cet entretien en intégralité sur euronews.com/globalconversation.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Vladimir Poutine affirme être prêt à négocier avec l'Ukraine sans "schémas imposés"

Vladimir Poutine lance de nouveaux sous-marins nucléaires et vante les capacités de sa flotte

Ukraine : "seuls quelques civils" à Bakhmout, selon Volodymyr Zelensky