Un photographe israélien rend les migrants invisibles pour mieux les voir

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Durant des années, le photographe Ron Amir a rencontré des migrants africains retenus dans le désert israélien, mais sur ses photos, il ne montre aucun être humain, juste les espaces et objets créés par ces hommes pour lutter contre le désespoir.

Au moment où de nombreux pays restreignent les entrées de migrants et de demandeurs d'asile, l'artiste espère mieux faire comprendre le monde de ces exilés grâce à ses photos, exposées au Musée d'art moderne de la ville de Paris à partir du 14 septembre.

Sur l'une d'elles, une plaque de métal repose sur trois pierres, devant des arbustes sauvages: Ron Amir présente "Le banc de Hamed Alnnil", du nom d'un des milliers d'Africains retenus dans le centre de Holot, aujourd'hui fermé, dans le désert du Neguev (sud d'Israël).

Le ciel est sans nuage et seuls quelques détritus dans des tons de rouge tranchent avec les teintes ocre du désert. Hamed Alnnil s'est créé cet espace personnel, à l'extérieur du centre de rétention.

A Holot, qui a fermé cette année, les exilés africains pour la plupart venus d'Erythrée et du Soudan étaient libres dans la journée mais devaient rentrer dans les cellules le soir.

Comme Hamed Alnnil, d'autres migrants avec lesquels Ron Amir s'est lié d'amitié entre 2014 et 2016 ont ainsi montré au photographe l'espace qu'ils s'étaient constitué en dehors du centre, avec des objets de fortune, une tentative de combattre le désespoir et de se façonner tant bien que mal une nouvelle vie.

Certains espaces fixés par la photo ont une fonction claire, comme ce four en terre pour faire cuire le pain, une salle de gym de fortune, des pierres dessinant dans le sable les contours d'une mosquée. D'autres, comme cet alignement de bouteilles vides fichées dans le sol, interrogent davantage.

- Limites -

Les migrants retenus à Holot n'avaient pas le droit de travailler. Les 30 photos grand format en couleurs montrent "ce qui se passe quand les gens ont beaucoup de temps à tuer", explique Ron Amir, connu pour son immersion personnelle dans des projets au long cours ayant une dimension sociale forte.

Le four "nous en dit plus sur nous-mêmes, sur Israël, sur le système, sur les limites qu'il impose, que sur ces gens venus d'Afrique", estime le photographe qui a déjà exposé à plusieurs reprises à l'étranger.

Hommes ou femmes ont été laissés hors du cadre pour inciter le spectateur à interroger ce qu'il voit. Il s'agit "d'ouvrir un autre canal d'observation qui offre un regard plus large sur ces endroits", expliquait récemment Ron Amir à Jérusalem, où son exposition a été présentée dans le passé au Musée d'Israël.

Elle sera hébergée du 14 septembre au 2 décembre à Paris dans le cadre de la "Saison France-Israël", qui englobe plus de 400 évènements dans les deux pays autour de la création, de l'innovation ou des sciences.

Les photos ont été prises au moment où le gouvernement de Benjamin Netanyahu cherchait à faire partir des milliers de migrants africains entrés illégalement après 2007 par la frontière égyptienne, alors poreuse et rendue depuis quasiment hermétique.

- Prendre le temps -

Beaucoup se sont installés dans le sud de Tel-Aviv, vivant de petits boulots ou d'expédients. Les protestations de la population israélienne criant à l'insécurité et à la coexistence impossible ont trouvé l'oreille attentive d'un gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël. Beaucoup aussi ont été envoyés à Holot.

Les plans de M. Netanyahu pour faire partir les migrants se sont heurtés à l'incapacité de leur trouver un pays d'accueil. Israël admettait ne pas pouvoir renvoyer ces migrants dans leur pays sans mettre leur vie en danger. Le désaveu de la Cour suprême, les critiques des défenseurs des droits de l'Homme combinées aux pressions des plus durs au sein de la coalition de droite ont fait capoter les plans du Premier ministre.

Le sort de ces Africains reste aujourd'hui dans les limbes. Selon les autorités israéliennes, 42.000 migrants originaires d'Afrique vivent en Israël.

Les photographies sont accompagnées de six vidéos filmées à l'extérieur de Holot et mettant en scène, elles, des migrants en train de bavarder, de préparer du café ou de ne rien faire.

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"Rien ne se passe", relève Noam Gal, commissaire de l'exposition à Jérusalem et à Paris. "C'est tout le propos de ces vidéos, vous percevez ce qui se passe à Holot uniquement si vous prenez sur vous de vous asseoir et d'éradiquer la notion de temps pour comprendre ce qui arrive à ces gens".

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