Mohamed Tria, le hussard du foot citoyen

Le président de l'AS Lyon Duchère Mohamed Tria, le 17 octobre 2018 à Lyon
Le président de l'AS Lyon Duchère Mohamed Tria, le 17 octobre 2018 à Lyon Tous droits réservés JEFF PACHOUD
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En faisant ses adieux à l'armée, le gouverneur militaire de Lyon a salué "un vrai héros de notre temps". Un soldat ? Non: le président du club de foot de la Duchère, Mohamed Tria, dont l'action déborde largement des terrains.

Voilà dix ans - l'anniversaire tombe en octobre - que ce père de famille né en 1966, fils de cantonnier algérien devenu ingénieur en informatique, a placé le ballon au cœur d'une double exigence, sportive et sociale, dans ce quartier "sensible" du 9e arrondissement, celui de son enfance.

Dans l'ombre de l'Olympique lyonnais, cette tactique apporte des succès dans les stades - ceux de l'équipe première en championnat National, aux portes de la Ligue 2, comme des plus jeunes en coupe du Rhône - et son lot de victoires en dehors, à l'école ou dans les foyers.

Pascal Parent, président du district du Rhône qui siège au comité exécutif de la FFF, salue "du très beau boulot, emmené par quelqu'un de très investi, sans compromission". "Un mec bien, attachant par son franc-parler et pour le moins engagé", renchérit Yvan Patet, ancien président du LOU Rugby, dont l'entreprise est partenaire de Lyon Duchère AS.

"C'est quelqu'un de généreux, d'exigeant, qui n'hésite pas à taper du poing sur la table, parfois de façon excessive", complète Yann Cucherat, adjoint aux sports de la municipalité, premier financeur public du club. Il y a eu quelques "prises de bec", comme lorsqu'il a fallu acheter des minibus pour assurer des entraînements à l'autre bout de la ville - c'est la Région de Laurent Wauquiez qui a mis la main à la poche au final.

- "Entre-soi" -

Au milieu des années 2000, tout en poursuivant sa carrière dans les télécoms, Mohamed Tria est revenu s'investir à la Duchère, en pleine rénovation urbaine. L'immeuble où il vivait dans une fratrie de onze enfants était tombé mais ce qui l'a frappé surtout, c'est "l'entre-soi" de la population, coupée du reste de la ville.

"Mes parents fréquentaient des voisins différents d'eux, parce que leurs gamins allaient à la même école que moi", raconte ce modèle d'intégration républicaine pour qui le brassage des horizons s'est perdu.

Sauf au club, où son rêve de voir arriver "des petites têtes blondes" d'Ecully, Limonest ou Champagne-au-Mont-d'Or - des communes cossues alentour - commence à se réaliser. Le fruit de gros investissements dans la formation des éducateurs et d'un changement d'image: les "sauvageons" redoutés hier sont récompensés aujourd'hui pour leur fairplay.

"Avec dix ans de recul, on voit qu'on a pris les choses par le bon bout", estime M. Tria. Pour lui, dans un quartier où les familles ont souvent éclaté, où beaucoup de jeunes décrochent, où l'ascenseur social - qu'il avait pris - est en panne, le club ne pouvait pas s'occuper que de foot.

Un tiers de son budget actuel de 2,5 millions d'euros finance les salaires des éducateurs et des actions touchant à la santé, à l'éducation, à l'emploi. Un livret évaluant le comportement sur la pelouse, avec remise de diplôme en fin de saison, a été étendu à la sphère scolaire - le club siège aux conseils de classe - et familiale, où les indisciplines sont aussi sanctionnées par des suspensions de match.

A son actif aussi, des petits-déjeuners "éducatifs" qu'enfants et parents partagent avec un nutritionniste; des équipes de filles - 7 joueuses en 2011, une soixantaine aujourd'hui, malgré l'opposition initiale de quelques-uns qui ne voulaient pas les voir en short; et un "job-dating" combiné chaque année à un forum des métiers. Des membres de l'AS ont même créé une micro-entreprise de lavage de voitures.

"C'est très macronien de prendre son destin en main", s'amuse Tria. "Mais on n'est pas tous égaux, c'est pas vrai, tout le monde n'a pas la capacité de se trouver au bon endroit au bon moment", enchaîne ce marcheur de la première heure, aujourd'hui déçu.

- "Bluffés" -

Incontournable sur la colline de la "Duche", grand ensemble hérité des années 60, il y a reçu de nombreux politiques de passage dans la capitale des Gaules. Juppé, Montebourg, Sapin, Lamy, Griveaux dernièrement, qui a vanté leurs échanges "passionnants" sur Twitter...

Tria ne boude pas ces visites, tout disposé à partager son expérience. Mais "s'ils paraissent bluffés quand ils sont devant nous, après je suis très surpris de n'avoir jamais eu de retour, d'aucun d'eux", confie-t-il.

Un épisode l'a marqué lors de la venue en 2015 de Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale. Au programme, la section foot ouverte dans le collège du quartier; quand ils arrivent dans la cour, un élève rejoint une salle par la fenêtre.

"Bartolone me regarde et me dit: +Mohamed, le plus important, c'est qu'il rentre en classe+. Ça m'a beaucoup travaillé, cette phrase-là: elle résume 40 ans de politique des banlieues, durant lesquels l'État s'est accommodé de trop de choses", déplore cet observateur assidu de la vie politique, que plus d'un a tenté d'enrôler sur une liste électorale.

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Mais lui est convaincu d'être "plus utile" à son poste.

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